Un reconfinement national généralisé, avec des exceptions pour se rendre à l’école ou au travail. C’est finalement le scénario qui a été retenu par l’exécutif et annoncé, ce mercredi, par Emmanuel Macron. « Restez au maximum chez vous, respectez les règles. La réussite dépend du civisme de chacun d’entre vous », a prévenu le président de la République, faisant état d’une accélération soudaine de l’épidémie « qui a touché et surpris toute l’Europe ». Un nouveau confinement entrera donc en vigueur sur l’ensemble du territoire national, à compter de ce vendredi minuit, et jusqu’au 1er décembre au moins.
« Le président est sur un chemin de crête compliqué, entre la préservation de la santé et celle de l’économie », réagit le président du groupe socialiste au Sénat Patrick Kanner. « C’est finalement la vie privée que l’on interdit, en limitant les concitoyens au métro-boulot-dodo. C’est une décision très radicale avec l’espoir, on l’espère, de voir l’épidémie décroisser en quinze jours. On peut se demander, si l’objectif est effectivement la limitation de la circulation du virus, si ces mesures suffisent ou s’il aurait fallu un reconfinement total. » Si tous s’accordent sur la nécessité d’un reconfinement, au vu de la situation sanitaire, pour certains sénateurs, les nouvelles modalités de ce confinement pourraient quand même donner aux Français une impression de flou. « Il y a une décision alambiquée : confiner en laissant les gens sortir pour aller au travail peut être contestable ou entrainer un désordre dans les esprits de nos concitoyens », commente le président de la commission d’enquête chargée de l’évaluation des politiques publiques face aux pandémies Alain Milon. « Dire on n’a pas le droit de sortir, sauf quand on a le droit de sortir tout en n’ayant pas le droit de sortir, ce n’est pas une bonne solution. »
Un manque d’anticipation et un problème de méthode
Le chef de file des sénateurs écologistes, Guillaume Gontard, voit pour sa part dans ces nouvelles modalités de confinement une question éthique. « Vu la situation sanitaire, nous n’avions pas d’autre choix que de reconfiner, mais avec un reconfinement axé sur le travail seul, on se demande si la priorité du gouvernement est à la santé ou à l’économie… ». « Le président est conscient qu’un deuxième confinement complet aurait entrainé un nombre considérable de faillites et de chômage », tempère Alain Milon. Plusieurs membres de la Haute chambre pointent également du doigt un manque d’anticipation du gouvernement dans la gestion de la crise sanitaire. « Emmanuel Macron dit que nous avons tous été surpris par la deuxième vague, mais c’est faux », assure Alain Milon. « Jean-François Delfraissy avait prévenu le gouvernement dès le 13 juillet qu’il y aurait bien une deuxième vague aussi puissante que la première. » « Il n’y a pas eu d’anticipation, pas de prise en compte des leçons de la première vague, on a l’impression que cette gestion de crise est un peu brouillon », renchérit le leader des sénateurs centristes Hervé Marseille. « Il y avait très peu d’autocritique dans le discours du président », analyse Patrick Kanner. « Rien n’a été dit sur les décisions qui auraient pu être prises depuis le 11 mai pour permettre de tenir un peu plus l’épidémie à distance ».
Et au-delà des mesures, c’est sur le plan de la méthode que les parlementaires se montrent le plus critiques. Au Sénat, on fustige la façon dont le gouvernement prend les décisions seul depuis le début de la crise sanitaire, et on pointe du doigt un manque de concertation avec les partenaires politiques. Réunis face au premier ministre, ce mardi, les sénateurs assurent n’avoir eu aucune information au préalable sur la décision que prendrait le gouvernement. « On est dans un système vertical où on est priés de regarder la TV pour savoir ce qui va se passer », regrette Hervé Marseille. « Il ya un évitement permanent du parlement depuis des mois voire des années, on ne peut pas continuer à avoir un exécutif qui gouverne seul sans tenir compte du Parlement et sans aucun contrôle, c’est un problème de liberté publique. » « Cette méthode où une seule personne décide a ses limites. », abonde Guillaume Gontard. « Le président doit prendre la mesure de la gravité de la situation et associer aux décisions les collectivités, les élus et le Parlement »
Une contestation plus forte
Les sénateurs en sont convaincus : les citoyens n’accepteront pas ces nouvelles mesures avec la même docilité qu’au mois de mars. « Il y aura plus de contestation, c’est une évidence », avance Alain Milon. « Pour une raison simple, c’est que cela fait des mois que les Français font des efforts qui ne paient pas. » Guillaume Gontard alerte, quant à lui, sur la santé mentale de citoyens, qui pourrait être mise à l’épreuve par ces nouvelles mesures restrictives. « Il faut avoir une vraie veille sur les entrées en psychiatrie et l’état général de santé mentale, car ce n’est pas une situation anodine », assure-t-il.