Recouvrement des amendes : un milliard de manque à gagner, selon un rapport du Sénat

Recouvrement des amendes : un milliard de manque à gagner, selon un rapport du Sénat

Complexité des recours, multiplication des acteurs chargés du recouvrement, obsolescence du logiciel informatique… Le système de recouvrement des amendes de circulation et des forfaits de post-stationnement est dans le viseur d’un rapport sénatorial.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Rare sont les automobilistes à ne pas avoir un jour enfreint le code de la route. Stationnement gênant, excès de vitesse, feu rouge brûlé… En apparence, la problématique est simple : un automobiliste fautif doit honorer l’amende. Dans les faits, le système de recouvrement des créances et l’information des usagers se révèlent être d’une extrême complexité et conduit à un manque à gagner pour l’État et les collectivités territoriales.

C’est le constat fait ce mardi par les sénateurs, Claude Nougein (LR) et Thierry Carcenac (PS), rapporteurs spéciaux de la commission de finances, et auteurs d’un rapport d’information sur le recouvrement des amendes de circulation et des forfaits de post-stationnement. Sur les 34 millions d’avis de paiements envoyés en 2018 (destinés à ceux qui ne payent pas immédiatement), la moitié n’a pas été recouvrée, soit un manque à gagner d’environ 1 milliard.

« La cacophonie » des administrations

La faute, en premier lieu, à « la cacophonie » des administrations : finances publiques, ministère de l’Intérieur, des Transports, de la Justice, les collectivités territoriales… Toutes fonctionnent en « silo », « sans coopération » et de manière « verticale » selon les termes de Thierry Carcenac.

La multiplication des acteurs du recouvrement a effectivement de quoi donner le vertige. Avant l’envoi des amendes de circulation, comme les excès de vitesse, une phase d’identification de l’automobiliste est confiée au centre automatisé de constatation des infractions routières (Cacir) basé à Rennes. Si l’infraction nécessite une analyse de fond, elle est à la charge de l’officier du ministère public où ladite infraction a eu lieu. C’est ensuite au centre national de traitement (basé à Rennes également) de transformer chaque amende forfaitaire impayée et amende forfaitaire majorée. Tous ces services, en amont du recouvrement, sont chapeautés par l’ANTAIL (agence nationale de traitement automatisé des infractions).

Mais l’automobiliste peut contester son amende de circulation devant un tribunal d’instance. Un énième acteur rentrant ainsi dans la boucle.

Pour la deuxième phase, le recouvrement de l’amende, la responsabilité incombe au comptable public de la direction générale de finances publiques (DGFIP) qui peut faire appel à des huissiers.

Chaque collectivité à ses règles

Depuis le 1er janvier 2018, date d’entrée en vigueur de la loi sur la dépénalisation et la décentralisation du stationnement payant, les collectivités territoriales jouent un rôle prépondérant dans la gestion des « prunes » liées au stationnement, appelé forfait de post-stationnement (FPS). « C’est un peu compliqué, chaque collectivité a ses règles. Dans certaines collectivités, il y a des forfaits minorés, dans d’autres il n’y en n’a pas du tout (…) Si vous payez. (L’argent) revient directement à la commune. Si ce sont des FPS majorées. Sa valeur revient à la commune et la majoration revient à l’État » reconnaît Claude Nougein. Ajoutez à cela, la possibilité pour le contrevenant, en cas de contestation, de faire un recours administratif préalable (RAPO) devant un centre de recours contentieux, basé à Limoges.

L’année dernière, 26 millions d'avis de paiement de contraventions liées à la circulation et 8 millions de forfaits de post-stationnement (FPS) ont été envoyés par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions.

Les personnes handicapées doivent payer avant de contester

Les sénateurs observent également des effets néfastes à la dépénalisation du stationnement payant. Par exemple, les personnes handicapées disposant d’une carte de stationnement qui n’aurait pas été prise en compte lors d’un contrôle, doivent d’abord payer leur amende (forfait de post-stationnement) pour pouvoir la contester. Les sénateurs appellent aussi à mieux contrer la « recrudescence » de « fausses cartes » de personnes handicapées permettant le stationnement gratuit.

Parmi leurs recommandations, les sénateurs préconisent « un point de contact unique » pour le recouvrement assuré par un préfet coordinateur. Au lieu de mobiliser les acteurs de recouvrement du lieu de l’infraction, ils préféreraient que ce soit le lieu du domicile. Surtout, ils demandent au gouvernement d’investir dans un nouveau logiciel de recouvrement des amendes et des forfaits de post-stationnement.

Voir ci-dessous la chronique de Samia Dechir

Recouvrement des amendes : un milliard de manque à gagner, selon un rapport du Sénat (chronique de Samia Dechir)
05:30

 

Dans la même thématique

Brussels Special European Council – Emmanuel Macron Press Conference
3min

Politique

Élections européennes : avant son discours de la Sorbonne, l’Élysée se défend de toute entrée en campagne d’Emmanuel Macron

Ce jeudi 25 avril, le président de la République prononcera un discours sur l’Europe à la Sorbonne, sept ans après une première prise de parole. Une façon de relancer la liste de Valérie Hayer, qui décroche dans les sondages ? L’Élysée dément, affirmant que ce discours n’aura « rien à voir avec un meeting politique ».

Le

Recouvrement des amendes : un milliard de manque à gagner, selon un rapport du Sénat
8min

Politique

IA, simplification des formulaires, France Services : Gabriel Attal annonce sa feuille de route pour « débureaucratiser » les démarches administratives

En déplacement à Sceaux ce mardi dans une maison France Services, quelques minutes seulement après avoir présidé le 8e comité interministériel de la Transformation publique, le Premier ministre a annoncé le déploiement massif de l’intelligence artificielle dans les services publics, ainsi que la simplification des démarches. Objectif ? Que « l’Etat soit à la hauteur des attentes des Français ».

Le

Brussels Special European Council – Renew Europe
10min

Politique

Européennes 2024 : avec son discours de la Sorbonne 2, Emmanuel Macron « entre en campagne », à la rescousse de la liste Hayer

Emmanuel Macron tient jeudi à la Sorbonne un discours sur l’Europe. Si c’est le chef de l’Etat qui s’exprime officiellement pour « donner une vision », il s’agit aussi de pousser son camp, alors que la liste de la majorité patine dans les sondages. Mais il n’y a « pas un chevalier blanc qui va porter la campagne. Ce n’est pas Valérie Hayer toute seule et ce ne sera même pas Emmanuel Macron tout seul », prévient la porte-parole de la liste, Nathalie Loiseau, qui défend l’idée d’« un collectif ».

Le

Jordan Bardella visite Poste-Frontiere de Menton
5min

Politique

Elections européennes : la tentation des seniors pour le vote RN, symbole de « l’épanouissement du processus de normalisation » du parti, selon Pascal Perrineau

Alors que la liste menée par Jordan Bardella (31.5%) devance de plus de 14 points la liste Renaissance, menée par Valérie Hayer (17%), selon le dernier sondage IFOP-Fiducial pour LCI, le Figaro et Sud-Radio, le parti de Marine Le Pen, mise désormais sur l’électorat âgé, traditionnellement très mobilisé pour les élections intermédiaires. Désormais deuxième force politique chez les plus de 65 ans (le RN conquiert 24% de cet électorat, 7 points de moins que Renaissance), la stratégie semble porter ses fruits. Décryptage avec le politologue Pascal Perrineau, professeur émérite à Sciences Po Paris et récent auteur de l’ouvrage Le Goût de la politique : Un observateur passionné de la Ve République, aux éditions Odile Jacob.

Le