One Ocean Science Congress, Blue Economic and Finance Forum et le Sommet des villes et rÃ’gions côtières à Monaco
Crédit : DOMINIQUE JACOVIDES -Pool/SIPA

Reculs sur l’écologie : « Emmanuel Macron prend l’opinion à témoin contre le gouvernement »

ZFE, loi Duplomb, MaPrimeRénov… Ce week-end, alors que démarre la conférence mondiale sur les océans à Nice, Emmanuel Macron a pris la parole, à plusieurs reprises, pour exhorter le gouvernement « à maintenir » le cap sur l’écologie.
Simon Barbarit

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A deux ans de la fin de son mandat, Emmanuel Macron semble vouloir préserver une partie de son héritage politique, son fameux « make our Planete great again », lancé en 2017 en réaction départ des Etats-Unis de sortir de l’Accord de Paris sur le climat.

8 ans plus tard ce n’est plus seulement à l’intention du président Trump que le chef de l’Etat adresse ses critiques mais à son propre gouvernement. Dans une interview à la presse régionale, le chef de l’Etat est revenu sur la suspension cette semaine des aides à la rénovation énergétique MaPrimeRenov’ en fustigeant les « incertitudes sur les dispositifs mis en place ». « J’attends des acteurs et du gouvernement qu’on maintienne cette politique, je ne suis pas content de ce que j’ai pu voir ces derniers jours », a-t-il poursuivi.

Ces derniers jours ont effectivement été marqués par plusieurs détricotages, au Parlement, du bilan d’Emmanuel Macron en matière d’écologie, en premier lieu l’abrogation des zones à faibles émissions (ZFE), point fort de la loi climat et résilience de 2021, qui restreignent la circulation des véhicules très polluants. D’autres mesures emblématiques sont en passe d’être définitivement adoptées comme la proposition de loi « validation » du chantier de l’A69, la réintroduction de l’usage agricole de l’acétamipride, un néonicotinoïde interdit en 2018 dans le texte Duplomb-Menonville, ou encore la révision significative du « zéro artificialisation nette ».

« Je ne veux pas que ni le gouvernement, ni le Parlement ne cèdent aux facilités du moment », a tancé le Président, vitupérant ceux qui « voudraient faire oublier le combat pour le climat » et « préfèrent, pendant ce temps-là, brainwasher (opérer un lavage de cerveau, NDLR) sur l’invasion du pays et les derniers faits divers ».

« Emmanuel Macron veut donc retarder la précampagne le plus tard le plus possible »

Une attaque à peine déguisée des récentes propositions sécuritaires ou en faveur d’une laïcité stricte, mises en avant par les ministres de l’Intérieur et de la justice, Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, mais aussi par le patron du groupe Renaissance à l’Assemblée, Gabriel Attal.

« Cela fait maintenant une vingtaine d’années que des thèmes conservateurs émergent dans une campagne présidentielle. Mais Emmanuel Macron n’est plus au centre du jeu et veut donc retarder la précampagne le plus tard le plus possible. C’est un peu une deuxième primaire de droite qui s’installe entre Bruno Retailleau, Edouard Philippe, Gérald Darmanin, Gabriel Attal. Il considère que l’électorat centriste, macroniste, un électorat plus âgé qui ne veut pas céder aux sirènes du populisme, existe toujours et qu’il faut lui parler. Il prend l’opinion à témoin contre le gouvernement dont il ne contrôle plus l’action et pour que son image de Président modernisateur ne soit pas abîmée. », analyse le communicant, Philippe Moreau-Chevrolet.

Le 3 juin, lors d’un déplacement dans le Nord, Emmanuel Macron s’était posé en « vigie » des avancées écologiques confiant que le « discours » ambiant « l’énervait » au plus haut point. « On ne peut pas revenir en arrière et détricoter tout ça », avait-il lancé.

« Une vigie, c’est quelqu’un qui voit, mais qui ne peut agir. Il reprend sa dénonciation des dérives antidémocratiques, des réseaux sociaux », traduit Philippe Moreau-Chevrolet.

« Il s’est mis dans les mains des populistes de droite et d’extrême droite »

Du côté des écologistes, cette prise de position du chef de l’Etat est qualifiée « de lunaire ». « C’est quand même Emmanuel Macron qui a nommé François Bayrou Premier ministre. Un chef du gouvernement qui n’avait pas évoqué la crise climatique dans son discours de politique générale. Ça donnait quand même le ton », rappelle le président du groupe écologiste au Sénat, Guillaume Gontard. « Son discours est assez déstabilisant aujourd’hui, car il a un bilan. Les ZFE ont été mises en place lorsqu’il avait la majorité mais il n’a pas accompagné les villes financièrement pour les réaliser dans de bonnes conditions et son gouvernement a divisé par 2 le fonds vert lors du dernier budget. Il s’est mis dans les mains des populistes de droite et d’extrême droite dont la politique trouve son essence dans l’obscurantisme. Avant on n’avançait pas assez vite, maintenant on recule de semaine en semaine », tance le sénateur.

Le budget 2025 accuse, en effet, une baisse de plus de 2 milliards d’euros des crédits alloués à la mission écologie, par rapport à 2024. Les dispositifs comme MaPrimeRénov’, le fonds vert ou encore les aides à l’électrification des véhicules ont été les plus touchés.

Pour la cheffe de file des députés RN, Marine Le Pen, la dénonciation d’une surenchère sécuritaire par le chef de l’Etat, montre un « détachement indécent » et une « indifférence aux souffrances des Français, victimes d’une insécurité chronique et des conséquences dramatiques d’une politique d’immigration irresponsable ». Ce qui montre, selon elle, « à quel point Emmanuel Macron, de plus en plus isolé, s’enferre dans le déni, l’aveuglement et le mépris qui caractérisent sa présidence », a-t-elle fustigé su X.

« J’imagine que ça doit le contrarier de ne plus avoir de poids sur le Parlement »

Chez les LR, qui font désormais partie du bloc central et soutiens de la politique du gouvernement, on préfère mettre en avant « une écologie fondée sur la science ». « L’écologie vue par la droite ce n’est pas cette idéologie écologiste, cette forme de pensée dominante qui abdique toute forme de référence à la science, et qui se fonde sur une apparence de la vertu au détriment de la réalité », souligne la présidente de la commission des lois du Sénat, Muriel Jourda. « Le président de la République voit qu’on remet en cause ce qui a été fait quand il avait la majorité. J’imagine que ça doit le contrarier de ne plus avoir de poids sur le Parlement. Mais, ce gouvernement n’est pas classique. La droite y participe, pas par adhésion au macronisme, mais pour empêcher la gauche de gouverner. Moi, je n’ai pas voté la loi Climat et Résilience », rappelle la sénatrice.

Les mesures récentes, fustigées par les écologistes, comme la proposition de loi « validation » du chantier de l’A69, la réintroduction de l’usage agricole de l’acétamipride, trouvent, d’ailleurs, leurs origines dans les travaux de la majorité sénatoriale de droite.

Du coté des sénateurs RDPI (à majorité Renaissance), François Patriat, le président du groupe considère qu’Emmanuel Macron « a raison de rappeler son bilan en matière d’écologie et de ne pas céder à la démagogie des extrêmes ». Le sénateur de Côté d’Or, qui a voté la loi Duplomb, et qui se dit favorable au mégabasites alerte néanmoins sur les effets néfastes des surtranspositions et la nécessité d’avoir « un projet global d’économies ».

Lundi au premier jour de la conférence mondiale sur les océans à Nice, Emmanuel Macron a renouvelé son appel à un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins, pour l’instant soutenu par 33 pays. « Les grands fonds ne peuvent pas devenir un Far West ». Jeudi, le Sénat examinera une proposition de loi portée par les écologistes et visant « à mieux protéger les écosystèmes marins en redéfinissant la « protection forte » en « protection stricte », 10 % des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française. L’occasion d’un nouveau coup de sang pour le chef de l’Etat en cas de rejet ?

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