Promesse tenue ! En tout cas pour le Premier ministre. Mardi, devant les députés, Gabriel Attal a annoncé une réforme de l’aide médicale d’Etat avant l’été, comme Élisabeth Borne s’y était engagée par écrit auprès de Gérard Larcher au mois de décembre en plein débat sur la loi immigration. Pour mémoire, lors de l’examen du texte, la droite sénatoriale avait supprimé l’aide médicale d’Etat qui prend en charge à 100 % de ses frais médicaux et hospitaliers dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale pour les étrangers en situation irrégulière qui résident sur le territoire français depuis au moins trois mois sans discontinuité. Sous la plume des élus de la chambre haute, le dispositif avait été remplacé en AMU (aide médicale d’urgence) avec un panier de soins réduit « à la prise en charge de la prophylaxie, du traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, des soins liés à la grossesse, des vaccinations réglementaires et des examens de médecine préventive ».
Élisabeth Borne avait assuré que les parlementaires seraient « pleinement associés à ces travaux »
Mais cette nouvelle disposition s’apparentait à un cavalier législatif et avait de grandes chances d’être censurée par le Conseil constitutionnel. Un point de blocage entre la majorité présidentielle et la droite dans les négociations en commission mixte paritaire. LR avait finalement accepté de retirer l’AMU du texte final à la condition d’un engagement écrit de la part de la Première ministre, Élisabeth Borne, de voir le sujet traité dans un nouveau texte en 2024.
La Première ministre avait alors écrit au président du Sénat, Gérard Larcher en assurant avoir « demandé aux ministres concernés de préparer les évolutions réglementaires ou législatives qui permettront d’engager une réforme de l’AME ». « Les évolutions nécessaires devront être engagées en début d’année 2024 », avait-elle fixé.
Mardi, lors de son discours de politique générale, Gabriel Attal a donc confirmé aux députés qu’il tiendrait l’engagement de sa prédécesseure. « Nous réformerons l’aide médicale d’Etat, avant l’été, par voie réglementaire avec une base qui est connue, le rapport Evin Stefanini ».
Mais pour le président des Républicains, Éric Ciotti, l’annonce du Premier ministre est « une forme de trahison de la parole donnée ». Il considère qu’il y avait « un engagement […] de porter un texte législatif pour l’AME ». Si Élisabeth Borne n’avait pas exclu la voie réglementaire elle avait néanmoins assuré que les parlementaires seraient « pleinement associés à ces travaux ».
Invité de TF1, le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau note qu’en passant par la voie réglementaire, le gouvernement « évite le Parlement ». « Ce pouvoir méprise le Parlement. Pas de loi et dans les alcôves du ministère, on fait un règlement sur l’aide médicale d’Etat ».
« Une finesse politique de la part du Premier ministre »
Car comme Élisabeth Borne l’avait indiqué dans son courrier, Gabriel Attal a confirmé que le rapport Evin Stefanini servirait de base à la réforme. A l’automne dernier, une mission visant à trouver des pistes d’adaptation de ce dispositif avait été confiée à Claude Evin, ancien ministre socialiste des Affaires sociales, et à Patrick Stefanini, ancien directeur de campagne de Valérie Pécresse et de François Fillon à la présidentielle. Leur rapport, remis en plein examen de la loi immigration, s’éloignait sensiblement de la vision de la majorité sénatoriale. Ce qui autorise Bruno Retailleau à déclarer ce matin que sur l’aide médicale d’Etat, « le gouvernement fera trop peu ». « Ce gouvernement sur l’immigration est à gauche, il n’est pas à droite ».
Alors que la droite considère l’AME comme « un appel d’air migratoire », le rapport relevait au contraire que l’AME est « un dispositif sanitaire utile, globalement maîtrisé et qu’il ne constitue pas en tant que tel un facteur d’incitation à l’immigration irrégulière ». Ce que n’avait d’ailleurs pas manqué de rappeler Élisabeth Borne dans son courrier à Gérard Larcher.
Quant à l’opportunité de transformer l’AME en AMU, le rapport Evin-Stefanini estime qu’il engendrerait une « complexification générale », en soulignant « la difficulté de donner une définition précise et facilement appropriable par les professionnels de santé […] de notions telles que les soins urgents, la douleur aiguë, le risque d’altération grave et durable de l’état de santé ».
En choisissant la voie réglementaire, le gouvernement s’évite donc un nouveau bras de fer avec la droite sur un sujet aussi marquée idéologiquement. « Une finesse politique de la part du Premier ministre. C’est le résultat pratique qui nous permettra de dire si l’AME a été ou non réformée avec pertinence », conclut, philosophe, le sénateur centriste, Philippe Bonnecarrère qui fut co-rapporteur de la loi immigration.