Le ministre de la Justice François Bayrou a déclaré mardi qu'il n'y aurait "aucune hésitation" à recourir au référendum pour faire passer les réformes constitutionnelles prévues par l'exécutif, en matière de moralisation de la vie publique et d'indépendance des procureurs.
"Pour moi, il n'y aura aucune hésitation: si sur des textes essentiels, qui touchent à l'organisation de notre vie publique au point que la Constitution doit s'en occuper, s'il y a blocage, il faudra que les Français tranchent et c'est ce qu'Emmanuel Macron a dit tout au long de sa campagne électorale", a dit le garde des Sceaux sur RMC/BFMTV.
Rappelant que la Constitution pouvait être révisée par un vote de l'Assemblée nationale et du Sénat réunis en Congrès à Versailles, il a dit: "Si la majorité des trois cinquièmes n'est pas obtenue, alors il (...) reste la ressource de faire appel au peuple."
François Bayrou a dévoilé la semaine dernière un vaste projet destiné à restaurer la "confiance" des citoyens en leurs élus.
Parmi les mesures proposées, plusieurs nécessitent une révision constitutionnelle: la suppression de la Cour de justice de la République (juridiction d'exception pour les membres du gouvernement), la suppression des sièges réservés aux anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel et l'interdiction de cumuler plus de trois mandats successifs.
L'exécutif entend par ailleurs modifier la Constitution pour renforcer l'indépendance des magistrats du parquet.
"On ne va pas faire plusieurs débats constitutionnels, on en fera un seul, probablement à l'automne", a précisé le ministre de la Justice.
"Le gouvernement et le Conseil supérieur de la magistrature devront s'entendre pour nommer les procureurs", a-t-il dit.
Jusqu'ici, le CSM, composé de magistrats et de personnalités extérieures, rend un avis seulement consultatif sur les nominations du parquet. Pour les magistrats du siège en revanche, un avis conforme est obligatoire, c'est-à-dire que l'exécutif ne peut imposer d'éventuels candidats.
Dans les faits "cela fait huit ans qu'il n'y a pas eu une nomination contre l'avis du CSM", a rappelé François Bayrou, qui entend donc faire de cette bonne pratique une obligation constitutionnelle, comme le réclame par ailleurs la Cour européenne des droits de l'homme.
François Hollande avait déjà promis une réforme en ce sens, mais ne l'avait jamais menée à bien, en raison entre autres d'une vive opposition de la droite.
Dans une tribune publiée mardi sur le site internet de la Cour de cassation, le premier président de la plus haute juridiction française, Bertrand Louvel, demande aussi au gouvernement de "mettre fin à la dépendance organique du ministère public (parquet) à l'égard du gouvernement", ce qui "permettrait d'établir solidement la confiance publique entre les Français et leur justice".
Le magistrat, que François Bayrou rencontre mardi après-midi, estime que cette différence de traitement entre juges et procureurs entretient une "culture de suspicion largement répandue à l'égard de l'indépendance effective du parquet dans l'exercice de l'action publique".
"Cette suspicion, par capillarité, atteint la justice dans son ensemble", déplore Bertrand Louvel.
Sans s'arrêter à la seule question des nominations, il réclame une "unité effective du corps des magistrats en les soumettant tous au même statut garanti par un Conseil supérieur de la magistrature lui-même unique".
Le CSM fonctionne aujourd'hui dans deux formations différentes selon qu'il se consacre aux magistrats du parquet ou aux magistrats du siège.