Réforme de la justice : le Sénat veut réécrire le texte
Budget de la justice, renforcement des pouvoirs du procureur, rééchelonnement des peines, ou encore création d’un parquet antiterroriste… Autant de points que les sénateurs veulent réécrire. La réforme de la justice est examinée à partir du mardi 9 octobre par la Haute assemblée. 

Réforme de la justice : le Sénat veut réécrire le texte

Budget de la justice, renforcement des pouvoirs du procureur, rééchelonnement des peines, ou encore création d’un parquet antiterroriste… Autant de points que les sénateurs veulent réécrire. La réforme de la justice est examinée à partir du mardi 9 octobre par la Haute assemblée. 
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Ce sont deux projets de lois que les sénateurs doivent examiner en peu de temps. Le projet de loi de programmation et de réforme de la justice et le projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions arrivent dans l’hémicycle le 9 octobre. En attendant les deux textes sont passés sur le bureau de la commission des lois du Sénat. Un passage délicat pour tous les projets de loi touchant à l’institution judiciaire.

Budget de la justice : « Le Sénat avait retenu une trajectoire bien plus ambitieuse »

En effet, le 24 octobre 2017, la Haute assemblée a voté deux propositions loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice. Un vote qui avait succédé à une mission d’information transpartisane crée en juillet 2016. Difficile pour les sénateurs de ne pas s’y référer aujourd’hui. « Le projet de loi du gouvernement prévoit une augmentation des crédits de la justice de 23,5%  sur l’ensemble de la période 2018-2022 : il passerait de 7 milliards à 8,3 milliards (…) Le Sénat avait retenu une trajectoire bien plus ambitieuse (…)  une augmentation des crédits de 33,8% sur la même période, pour atteindre 8,99 milliards d’euros en 2022 » rappelle la commission des lois.

« On sait que la promesse du candidat Macron de créer 15 000 places de prisons durant le quinquennat ne sera pas tenue. On nous annonce 2 000 places pour 2022, nous savons que concrètement ce ne sera pas possible » regrette l’un des rapporteurs du texte, François-Noël Buffet (LR). Philippe Bas, président de la commission des lois pointe pour sa part « la situation d’embolie des tribunaux » : 40 mois de délai pour un procès d’assises, presque 12 mois pour une procédure civile devant un tribunal de grande instance.

Les pouvoirs du procureur nécessitent un « contrôle » pour le Sénat

Lors de leur conférence de presse jeudi dernier, les rapporteurs LR, ainsi que le président de la commission des lois, ont manifesté de nombreux désaccords sur le fond des mesures présentées. Soucieux de rappeler son rôle de chambre de défense des libertés individuelles, les sénateurs se sont, par exemple, inquiétés de voir le procureur de la République doté de pouvoirs renforcés. Sur un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, le parquet pourra avoir recours, lors de l’enquête préliminaire, aux outils utilisés par services de renseignement (géolocalisation, IMSI catchers…). Des techniques d’intrusion que les sénateurs souhaitent ramener aux délits punis d’une peine supérieure à 5 ans. « Il faut un équilibre dans l’exercice de ces moyens puissants (…) Il peut y avoir des moyens de contrôles très simples (…)  C’est par exemple la présence de l’avocat lors des perquisitions, ou encore l’autorisation du juge des libertés et de la détention non pas a posteriori mais au moment où l’action est engagée par le procureur de la République » indique François-Noël Buffet.

Afin de remédier à la surpopulation carcérale, Nicole Belloubet, la ministre de la Justice a souhaité mettre en place « une autre échelle des peines ». Nous proposons qu’en dessous d’un mois, les peines d’emprisonnement soient interdites. Elles semblent en effet inutiles. Entre 1 et 6 mois, la peine s’exécutera par principe en dehors d’un établissement de détention. Mais cela ne sera pas exclu lorsque cela apparaîtra nécessaire. Entre 6 mois et 1 an, le juge pourra prononcer une peine autonome de détention à domicile, sous surveillance électronique, ou une peine d’emprisonnement. Au-delà d’un an, les peines d’emprisonnement seront exécutées sans aménagement de peine ab initio. Cela signifie que le seuil d’aménagement des peines d’emprisonnement sera abaissé de 2 ans à 1 an » expliquait la garde des Sceaux devant la commission des lois, le 27 septembre dernier. (voir notre article).

Peine : le Sénat supprime les effets de seuil

Une fausse bonne idée pour les sénateurs qui ont supprimé ces effets de seuil. Pour les peines supérieures à un an, le juge gardera la possibilité d’aménagement. « À la place de la contrainte pénale, il faut mettre en place une peine de probation que le gouvernement n’a pas travaillée de manière satisfaisante (…) c'est-à-dire toute une série d’obligations qui devront être contrôlées par le juge d’application des peines » résume le sénateur socialiste, Jacques Bigot.

Autre inquiétude du côté du Sénat, la dématérialisation et la simplification des procédures judiciaires. « On sent que par la numérisation, la suppression de la collégialité (dans les tribunaux correctionnels)… On cherche à réduire les dépenses et nous, nous craignons une déshumanisation et un manque de proximité de la justice » observe Jacques Bigot.

Le Sénat ne veut pas de parquet antiterroriste

La réforme de la justice prévoit également la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance ou encore la création d’un tribunal criminel départemental. Utile en guise de guichet unique pour les sénateurs qui restent néanmoins attentifs à la mutualisation des moyens que la fusion entraînera.

Enfin, le texte prévoit la création d’un parquet antiterroriste (Actuellement, c’est le procureur de Paris qui est en charge des affaires terroristes). Rejeté par le Sénat. « C’est une mesure d’affichage. Nous demandons au gouvernement de nous montrer en quoi le système actuel est défaillant » justifie Philippe Bas.

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