« Les trois jours de débat qui s’annoncent au Sénat vont être de qualité » prédit Édouard Philippe. De passage au palais du Luxembourg afin de rencontrer les sénateurs de la majorité quelques heures avant le début de l’examen du projet de réforme ferroviaire au Sénat, le Premier ministre se réjouit d’une « lecture nouvelle » du texte par la Haute Assemblée et « croi(t) » que ses membres vont en « confirmer les principes essentiels », à commencer par l’ouverture à la concurrence et la réforme du statut des cheminots.
« Il semble qu’il y ait un accord entre M. Larcher et M. Macron »
Plus encore, si l’on s’en tient aux propos tenus par Olivier Jacquin, sénateur socialiste de la Meurthe-et-Moselle, « il semble qu’il y ait un accord entre M. Larcher et M. Macron, ou peut-être entre M. Cornu et Mme Borne », ou à tout le moins « un rapprochement très fort entre Les Républicains et le gouvernement » : « Quand le texte est sorti de l’Assemblée nationale, on s‘est dit qu’ici, au Sénat, avec un portage LR en commission, ils allaient durcir le texte, le rendre plus libéral, casser encore plus du cheminot que le fait M. Macron. Mais pas du tout, ils s’embrassent sur la bouche ! » En effet, loin de « durcir » le texte, la majorité sénatoriale a d’ores et déjà annoncé des « avancées sociales ». « Des avancées sociales très, très importantes », a renchéri ce matin sur CNews le rapporteur au Sénat de la réforme ferroviaire, Gérard Cornu (LR). Parmi elles, le volontariat pour le transfert des salariés vers des opérateurs privés, ou encore la possibilité pour ceux-ci, pendant une période déterminée, d’être réembauchés par la SNCF et de bénéficier à nouveau du statut de cheminot.
La droite ménage ainsi la chèvre et le chou afin de satisfaire, plus ou moins, l’opposition et les syndicats, tout en gardant l’esprit du projet du gouvernement, avec en ligne de mire l’espoir d’une sortie de crise, alors que la grève engagée le 3 avril dernier entre dans son 24ème jour. Gérard Cornu a même lancé un « appel solennel » ce matin « à tous les syndicats, pour qu’ils cessent cette grève ».
La gauche, « relais des syndicats et du mouvement social »
À gauche, on préfère « être au maximum le relais à la fois des syndicats et du mouvement social », explique Marie-Noëlle Lienemann. Si la sénatrice socialiste de Paris assure être dans un « état d’esprit combatif et revendicatif », elle n’en est pas moins résignée : « Au Sénat, on ne s’attend pas à avoir un renversement de tendance puisque la droite est favorable à l’ouverture à la concurrence, pour une large part, à ce plan ferroviaire. » Elle ne baisse pas les bras pour autant puisque son groupe « va s’attacher à obtenir des avancées sur d’autres terrains ». « L’ouverture à la concurrence n’est pas une obligation européenne et donc il y a possibilité de s’y soustraire », rappelle la sénatrice, qui s’offusque également de la réforme du statut de cheminot : « Il est inacceptable de faire la moindre réforme du statut sans avoir négocié des conventions collectives. » Quant à la transformation de la SNCF en société anonyme (SA), c’est « dangereux » et « ça n’apporte rien, même si le gouvernement va essayer de faire passer l’incessibilité des actions de l’État ». Enfin, Marie-Noëlle Lienemann tient à rappeler l’attachement de son groupe « à la question des petites lignes ». Les sénateurs socialistes déposeront d’ailleurs un amendement en ce sens, « pour qu’aucune ligne ne soit fermée sans l’aval du Parlement ». « S’il est adopté, le conflit s’arrêtera », garantit Olivier Jacquin, pour qui le groupe socialiste a « une carte essentielle à jouer ». Marie-Noëlle Lienemann est, quant à elle, moins optimiste : « On a quand même une assemblée hyper godillot donc c’est l’avis du gouvernement qui va compter dans cette affaire. »
« Le texte sera voté majoritairement par le Sénat »
Côté LREM, le président du groupe au Sénat, François Patriat, pense que « le texte sera voté majoritairement par le Sénat, comme cela a été le cas à l’Assemblée nationale ». S’il ne nie pas des « réticences » et des « oppositions » à cette réforme, il préfère souligner les « efforts du gouvernement », et notamment la reprise par l’État de 35 milliards de dette de la SNCF. Et de conclure : « Je pense que les choses devraient rentrer en ordre à la fin du mois de juin. »