Le gouvernement veut réformer le secteur ferroviaire en profondeur avant l'été, synonyme d'une mutation importante de la SNCF et qui passe par un cocktail inédit de concertation, de débat parlementaire et de recours aux ordonnances.
- La structure de la SNCF
La SNCF est actuellement composée de trois établissements publics à caractère industriel et commercial (Epic): SNCF (la direction), SNCF Mobilités (les trains) et SNCF Réseau (les rails). Le gouvernement a l'intention de la transformer en une "société nationale à capitaux publics" --dont les titres seraient incessibles--, plus intégrée.
Le statut actuel assure en effet une garantie illimitée de l'Etat, ce qui est jugé incompatible avec l'ouverture à la concurrence pour SNCF Mobilités et déresponsabiliserait SNCF Réseau, dont la dette peut s'envoler sans contrôle.
Le modèle mis en avant est celui de la Deutsche Bahn allemande, approuvé par les autorités européennes. Celle-ci est composée d'une holding chapeautant plusieurs filiales dédiées aux différentes activités.
Le sort des gares au sein du futur ensemble fait débat: toujours avec les trains dans SNCF Mobilités (comme actuellement), rattachées à SNCF Réseau, ou autonomes?
- Le problème de la dette
La dette de SNCF Réseau atteignait 46,6 milliards d'euros fin 2017, et elle devrait dépasser les 62 milliards en 2026.
Concernant une reprise de tout ou partie de ce fardeau largement hérité de la construction des lignes à grande vitesse, le Premier ministre Edouard Philippe est resté très vague: "L'Etat prendra sa part de responsabilités avant la fin du quinquennat pour assurer la viabilité économique du système ferroviaire", a-t-il dit en présentant sa réforme en février.
La SNCF est priée de devenir plus performante en attendant.
- Les dates de l'ouverture à la concurrence
Le sujet fait partie des discussions en cours, mais la ministre des Transports Elisabeth Borne a indiqué mercredi vouloir ouvrir les TER à la concurrence dès 2019 pour les régions qui le souhaitent, si les conventions les liant à la SNCF le permettent. Elles pourront alors organiser des appels d'offres.
Les autres régions auront encore la possibilité de conclure des contrats directement avec la SNCF jusqu'en 2023, selon Mme Borne, pour qui l'Ile-de-France est une exception où la concurrence arrivera plus tard.
Quant aux trains à grande vitesse, la ministre a choisi l'"open access" (accès libre). A partir de décembre 2020, la SNCF devra partager les créneaux de circulation des TGV avec ses concurrents, s'ils se lancent sur ce marché.
- Les modalités de l'ouverture à la concurrence
La concertation devra définir sous quelles conditions les cheminots passeront d'une entreprise ferroviaire à l'autre, notamment en cas de perte de contrat par la SNCF, ce qu'on appelle le "sac-à-dos social".
De nombreux sujets restent à étudier: le transfert des matériels et l'entretien des trains, l'harmonisation de la billettique, l'information des voyageurs, le niveau des péages, les prérogatives du régulateur, etc.
- La fin du statut de cheminot
Parmi les lourdeurs qui handicapent la SNCF selon le gouvernement figure le statut des cheminots. Particulièrement protecteur, mais rigide, il représenterait selon la direction le tiers des 30% de surcoût par rapport à ses concurrents. Il concerne actuellement 131.000 personnes, sur 147.000 employés de la SNCF.
Le gouvernement veut éteindre progressivement ce statut. A partir d'une date qui reste à préciser, les nouvelles recrues seront embauchées dans un cadre contractuel qui reste également à négocier.
Les cheminots qui sont actuellement au statut (et ceux qui seront embauchés avant cette date butoir) le resteront, même si la direction veut davantage de souplesse.
- L'organisation interne de la SNCF
Le gouvernement exige de la SNCF qu'elle soit plus efficace, et les dirigeants du groupe public devront lui présenter avant l'été un "projet stratégique", afin notamment d'"aligner ses coûts sur les standards européens".
Le patron de la SNCF Guillaume Pepy a indiqué qu'il comptait négocier avec ses troupes un "pacte d'entreprise", à l'image de La Poste.
Il compte investir dans la formation et le numérique, et veut des métiers moins cloisonnés, une organisation du travail plus souple --notamment au plan local--, une plus grande productivité industrielle, une décentralisation du dialogue social et, in fine, une réduction des coûts.