Réforme de l’assurance chômage : « Depuis 2017, les partenaires sociaux se sont fait balader et avec Gabriel Attal, ça sera la même chose »
La nouvelle réforme de l’assurance chômage que prépare le gouvernement passe mal chez les sénateurs. « On a dévoyé la gouvernance de l’assurance chômage », dénonce la sénatrice LR Frédérique Puissat, qui défend le rôle des syndicats et du patronat. « Attaché » aussi au paritarisme, le centriste Olivier Henno, « comprend » en revanche l’idée de réduire la durée des indemnisations. Quant à la socialiste Monique Lubin, elle se dit « atterrée » que le gouvernement relaye « cette espèce de légende selon laquelle les gens profiteraient du chômage ».
Pour ceux qui n’auraient pas encore compris, il y aura une nouvelle réforme de l’assurance chômage. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, avait préparé le terrain, avant d’être relayé plus récemment par le premier ministre. Invité du 20 heures de TF1 mercredi soir, Gabriel Attal est venu encore plus clairement dire les choses.
Après deux réformes depuis 2017, Gabriel Attal veut « une vraie réforme, plus globale, de l’assurance chômage »
« Il y aura une réforme de l’assurance chômage cette année », prévient le premier ministre, alors que les syndicats y sont déjà clairement opposés. Si le gouvernement parlait surtout, jusqu’ici, de jouer sur la durée d’indemnisation, Gabriel Attal met aujourd’hui sur la table plusieurs hypothèses. « Une des pistes, c’est de réduire cette durée d’indemnisation de plusieurs mois. Je ne pense pas qu’il faille que ça aille en dessous de 12 mois », explique le chef du gouvernement, alors que la durée est aujourd’hui de 18 mois, en général. « Le deuxième paramètre, c’est le temps qu’il faut avoir travaillé pour pouvoir bénéficier du chômage. Aujourd’hui, c’est 6 mois sur les deux dernières années. Là aussi, on peut imaginer soit de dire qu’il faut travailler davantage sur les 24 derniers mois. Ou alors dire que les 6 mois s’apprécient sur une durée moins longue, qui n’est plus 24 mois mais par exemple 18 mois », avance le locataire de Matignon, qui termine : « Le troisième levier, c’est le niveau d’indemnisation du chômage. Combien vous touchez et comment ça baisse, en fonction du temps, pour vous inciter à reprendre un emploi. C’est l’une des pistes, qui a moins ma préférence que les précédentes ».
Quant à la durée d’indemnisation des plus de 55 ans, plus longue, et que le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, veut réduire, Gabriel Attal reste pour l’heure prudent, renvoyant aux discussions entre partenaires sociaux sur ce volet de l’emploi des séniors, lancées par une lettre de cadrage du gouvernement. Alors qu’elles devaient se terminer mercredi, ils ont finalement jusqu’au 8 avril. Mais syndicats et patronat devront aussitôt se remettre autour de la table, prévient le premier ministre, qui justifie sa volonté d’aller plus loin : « Quand cette négociation a été lancée, on était dans des conditions économiques différentes. […] Donc j’ai demandé à ma ministre du Travail de préparer de nouvelles négociations, qu’on puisse relancer une discussion avec les partenaires sociaux autour d’une vraie réforme, plus globale, de l’assurance chômage », lance-t-il, alors que depuis 2017, la même majorité a déjà mis en place deux réformes de l’assurance chômage…
« Tout ça me met très en colère… »
Au Sénat, les déclarations du premier ministre sont diversement appréciées. « Je vais essayer d’être mesurée, mais tout ça me met très en colère », commence la sénatrice LR Frédérique Puissat. La sénatrice de l’Isère, qui était corapporteure de la seconde réforme de l’assurance chômage, dénonce vertement le sort qui est fait au paritarisme. « Les règles de l’assurance chômage sont fixées par les acteurs du travail, que sont les partenaires sociaux, via l’Unedic. Depuis 2017, les partenaires sociaux se sont fait balader par les différents gouvernements. Et avec Gabriel Attal, ça sera la même chose. On a proposé une lettre de cadrage, on ne les a jamais écoutés ». Elle ajoute :
La sénatrice rappelle qu’un accord avait été trouvé en novembre dernier. « Il y avait eu une lettre de cadrage, écrite par la première ministre Elisabeth Borne, validée par le ministre de l’Emploi, Olivier Dussopt. Les partenaires sociaux ont travaillé et leurs propositions n’ont pas été étudiées, que déjà on nous parle de nouvelle réforme… Mais pour quel résultat ? » demande Frédérique Puissat, qui souligne qu’en Europe, « 9 pays sont en dessous de 5 % de chômage. Nous, on caracole à 7 %, on est quasiment dernier de la classe ».
Frédérique Puissat note aussi que « la dernière réforme de l’assurance chômage n’est pas sèche, le côté contracyclique de la réforme (durcir les règles quand la situation économique s’améliore, et inversement, ndlr) n’est pas entré en application, qu’on nous parle de durcir l’indemnisation… Mais précisément, la précédente réforme devait jouer sur la durée d’indemnisation », pointe du doigt la sénatrice LR. Et de conclure : « Si on change les règles tous les quatre matins, plus personne ne comprend rien. Et quand on travaille, on a besoin de savoir qu’on a des filets de sécurité pour se projeter dans le temps, consommer, fonder une famille ».
« Jouer sur la durée d’indemnisation, ça peut faire sens »
De son côté, le sénateur UDI Olivier Henno, qui avait été l’autre corapporteur au Sénat de la précédente réforme, est plus clément à l’égard du gouvernement. « Je ne suis pas opposé à réduire la durée, car je pense qu’une durée trop longue d’indemnisation ne sert pas les personnes. Plus vite on se remet ardemment à chercher du travail, plus on a de la chance d’en trouver. Une longue durée d’indemnisation ne sert pas l’assuré. C’est ma conviction depuis longtemps. Jouer sur la durée, ça peut faire sens. Je comprends que le premier ministre remette ce sujet sur la table », soutient celui qui est aussi secrétaire général de l’UDI, dont la formation vient de faire alliance avec Renaissance pour les européennes.
Mais le sénateur du Nord exprime cependant des bémols. « Je ne pense pas qu’il faille revoir le montant de l’indemnisation. Par ailleurs, je suis aussi attaché au paritarisme. C’est notre ADN au groupe Union centriste », rappelle Olivier Henno. Il insiste : « Dans la logique du démocrate-chrétien que je suis, si vous n’avez plus de corps intermédiaires, plus de lieux de discussion, ça participe à exacerber les tensions. Ce n’est pas souhaitable ».
Le centriste voit au passage une opportunité dans la baisse éventuelle de la durée d’indemnisation. « Si on dépense moins pour l’assurance chômage, peut-être qu’il y aura moins besoin de cotisations, car on aura moins besoin de recettes. On peut alors baisser la part salariale des charges et ainsi augmenter le salaire, ça me paraîtrait bien », avance Olivier Henno, qui ajoute : « C’est une assurance. Si on diminue les versements, on a donc un excédent. Et cet excédent doit profiter aux salariés et donc augmenter la feuille de paie ». Mais sachant que le gouvernement veut aussi faire des économies par cette réforme, même si elles risquent de s’avérer limitées, pas sûr que l’exécutif accepte cette idée.
« Des économistes disent que limiter l’allocation-chômage ne contribue en rien à un retour à l’emploi plus rapide »
A gauche, c’est avant tout le fond des propos de Gabriel Attal qui posent problème. « Il y a seulement 17 mois, le gouvernement vantait sa « réforme » de l’assurance chômage en disant « quand cela va mal, les règles doivent être plus protectrices ». Depuis l’intervention hier soir du premier ministre, nous savons que c’était un mensonge », a attaqué sur X (ex-Twitter) le sénateur PS Rachid Temal.
Sa collègue Monique Lubin n’est pas plus tendre. « Je suis atterrée de voir à quel point ce gouvernement persévère dans l’erreur. Cette espèce de légende selon laquelle les gens profiteraient du chômage, je trouve ça absolument terrible », dénonce la sénatrice des Landes, qui ajoute que « des économistes commencent à faire entendre leur voix pour dire que le fait de limiter l’allocation-chômage ne contribue en rien à un retour à l’emploi plus rapide ».
« L’Unedic est un système assurantiel, or le gouvernement stigmatise les chômeurs comme s’ils bénéficiaient de l’impôt des Français »
Monique Lubin trouve d’autant plus « étonnant de faire ce genre d’annonce au moment où la situation se tend dans le pays et où le chômage commence à remonter ». La socialiste souligne au passage que « sur 6 millions de demandeurs d’emploi, 2,5 millions sont indemnisés et en moyenne, cela dépasse à peine 1.000 euros par mois. Il faut remettre les choses à leur juste valeur ». Monique Lubin pense que « l’objectif de Gabriel Attal est de renvoyer les gens travailler coûte que coûte, même s’ils perdent beaucoup en pouvoir d’achat. Mais est-ce qu’on peut se le permettre quand on a des enfants ou un crédit à payer ? »
La socialiste rappelle par ailleurs que « l’Unedic est un système assurantiel. Or le gouvernement stigmatise les chômeurs comme s’ils bénéficiaient de l’impôt des Français. Mais employeurs et salariés contribuent à alimenter les caisses de l’Unedic, pour s’assurer contre des périodes où on n’aurait plus d’emploi. Ce n’est pas la même chose que de l’aide sociale. Donc vouloir faire payer les déficits catastrophiques de l’Etat à des gens qui, quelque part, se sont assurés, je trouve ça catastrophique ». Comme ses collègues, la socialiste dénonce aussi « un mépris pour les partenaires sociaux. Le gouvernement fait des lettres de cadrage tellement étroites. On leur demande de choisir entre la peste et le choléra ».
« Donner des gages à la droite » et « une course contre le RN »
Aux yeux des oppositions, la réforme qu’engage le gouvernement a aussi un sens politique. « C’est un peu du populisme », lance la sénatrice LR Frédérique Puissat, « pour éviter d’avoir des économies à faire sur ce qu’ils ne font pas, et de réformer là où on les attend, on va s’occuper d’autre chose qui parle aux Français », regrette-t-elle.
Pour Monique Lubin, le vrai objectif de cette réforme polémique est avant tout politique. « Il font cela pour donner des gages à la droite et à tous ceux qui font l’amalgame et qui critiquent l’Etat providence. On laisse sous-entendre qu’on gagnerait plus à rester chez soi qu’à travailler, plutôt que d’expliquer les choses, de soutenir notre modèle social. On préfère laisser libre cours à certains fantasmes », dénonce la sénatrice PS, qui y voit aussi « une course contre le RN en s’imaginant qu’en épousant certaines thèses, on ramènera des électeurs ».
De quoi mettre à mal les LR, selon la sénatrice socialiste des Landes : « Ils pensent qu’ils pourront rallier au minimum la droite vers eux, comme sur les retraites. La droite est très attachée au paritarisme, donc ils ne vont pas aimer. Mais sur le fond, moins d’aide pour les chômeurs, de manière générale, je pense qu’ils sont plutôt d’accord ». Les débats parlementaires sur le probable projet de loi seront instructifs à cet égard. Gabriel Attal entend aller vite. Il veut avoir « les paramètres de cette réforme à l’été, pour qu’elle puisse entrer en vigueur d’ici à l’automne ».
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