« Imposteur, assassin » : des propos qui choquent
Le sang des socialistes n’a fait qu’un tour. Les propos du député LFI Aurélien Saintoul, qui a qualifié ce lundi le ministre du Travail « d’assassin » et d’ « imposteur » dans l’hémicycle, ne passent pas. « Ce ne sont pas mes méthodes, ce n’est pas mon monde ! » enrage la sénatrice Monique Lubin. J’aime beaucoup le débat, il faut être rude sur les arguments politiques et s’opposer fermement à cette réforme des retraites. Mais pas de cette façon ! » explique celle qui sera la cheffe de file de son groupe sur le texte.
Même condamnation du côté des communistes. « C’est un dérapage choquant, cela n’est pas notre façon de faire ! Le président André Chassaigne a eu une réaction salutaire en se désolidarisant de ces propos. S’en prendre aux personnes dessert la cause que l’on sert, rien ne peut justifier le recours à l’excès, surtout en cette période de crise démocratique » estime le sénateur Éric Bocquet. S’il trouve cette sortie « déplorable » et « largement excessive », le chef du groupe écologiste Guillaume Gontard considère que la « violence vient du gouvernement, qui propose une réforme non négociable à des millions de personnes précaires ».
Vers un débat de fond au Sénat
L’examen du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFSSR) débuta le 2 mars dans l’hémicycle de la Chambre haute. Si à l’inverse de l’Assemblée nationale il n’existe pas ici d’intergroupe de gauche, les discussions vont bon train. « Il y a trois groupes de gauche au Sénat, et même si nous ne sommes pas rassemblés sous un seul et unique label, il y a une unité dans l’opposition à cette réforme », note Pascal Savoldelli. « Il y a un combat dans la rue, un combat dans les entreprises avec un appel à la mobilisation le 7 mars, et nous mènerons le combat des idées dans l’hémicycle » ajoute le sénateur communiste du Val-de-Marne.
Reste à savoir quelle forme prendra ce combat au Sénat. Un remake de celui qui agite actuellement le Palais Bourbon ? « Nous serons force de proposition, nous ne ferons pas d’obstruction, affirme l’écologiste Guillaume Gontard. Le but n’est pas de ralentir les débats, mais de décliner notre projet et notre vision alternative de la société. Nous devons montrer qu’autre chose est possible, car derrière le débat sur les retraites c’est un choix de société proposé par Emmanuel Macron. Pour lui, en dehors du travail, il n’y a rien ! ». Les groupes de gauche se disent prêts à utiliser tous les outils parlementaires disponibles pour engager le débat avec le gouvernement. Alors que le Sénat a prévu de siéger du 2 au 12 mars, nuits et week-ends compris, les élus assurent vouloir porter les discussions sur le fond.
« Le gouvernement a tout fait pour qu’il y ait le moins de débat possible, en ayant recours à un PLFSSR et à l’article 47-1 pour réduire au maximum le temps de discussion en séance. Or, si cette loi est votée, elle restera comme l’une des plus lourdes sur le plan social depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, » estime Monique Lubin. « Il faut donc amender ce texte, afin de forcer l’exécutif à revenir sur certaines dispositions », considère la vice-présidente de la commission des affaires sociales.
Quelles modifications en perspective ?
Les sénateurs de gauche s’apprêtent à déposer un certain nombre d’amendements. Et ceux-ci « ne porteront pas sur des virgules ou des points de suspension », précise Éric Bocquet. Les communistes devraient ainsi faire des propositions en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes, et demander un effort supplémentaire aux entreprises. « Il faut dénoncer les gouvernements successifs qui ont organisé le déficit actuel en multipliant les exonérations sociales. Le problème est un problème de recettes et de non de dépenses », ajoute le sénateur Bocquet.
Si les différents groupes disent attendre le rapport de la commission des affaires sociales pour se prononcer sur les modifications envisagées, plusieurs propositions seront faites en matière de pénibilité et d’adaptation du travail aux différents âges de la vie. Le sujet de la retraite des femmes devrait être l’un des chevaux de bataille des socialistes, alors que les écologistes veulent lancer une réflexion plus générale sur la division de la vie entre travail et loisirs. Les sénateurs se préparent à passer quelques nuits blanches : plus d’une centaine d’heures en séance sont prévues, et au moins 2 000 amendements devraient être déposés.