Réforme des retraites : « Il y a des améliorations qui sont possibles », prévient Élisabeth Borne, avant l’examen au Parlement

Réforme des retraites : « Il y a des améliorations qui sont possibles », prévient Élisabeth Borne, avant l’examen au Parlement

Inflexible sur l’équilibre budgétaire des retraites et sur le report de l’âge légal à 64 ans, la Première ministre espère un débat sans obstruction au Parlement, qui « permettra d’enrichir ce projet ».
Guillaume Jacquot

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Place au Parlement désormais. Présenté ce 23 janvier en Conseil des ministres, le projet de réforme des retraites va commencer sa phase d’examen à l’Assemblée nationale, avec son passage en commission des affaires sociales à partir du 30 janvier. Une véritable épreuve du feu pour Matignon, tout juste remis des longs débats budgétaires de la fin de l’automne.

Quatre jours après une première mobilisation réussie pour les syndicats, avec plus d’un million de personnes dans les rues, la Première ministre appelle à « trouver un chemin » pour l’adoption de la réforme des retraites, tout en affirmant qu’elle « n’ignore pas les mouvements sociaux de la semaine dernière ». « Ma responsabilité avec le gouvernement, c’est de trouver un chemin, d’entendre les Français, d’expliquer et de convaincre », a-t-elle affirmé ce 23 janvier, lors de vœux à la presse à l’Hôtel de Matignon.

« On ne peut pas dire que personne ne devra pas travailler plus longtemps »

La cheffe du gouvernement demeure inflexible sur un objectif en particulier : assurer l’équilibre budgétaire du système des retraites en 2030. « Convaincue que le travail parlementaire permettra d’enrichir ce projet », Élisabeth Borne doute cependant qu’émergera, à l’occasion de l’examen au Parlement, une autre disposition que le report de l’âge légal à 64 ans pour assurer l’équilibre du régime. « Notre système, c’est une durée de cotisation et un âge légal. Si on dit que la durée de cotisation devient le seul critère, dans ce cas-là, il faut inventer un autre système de retraite », a-t-elle expliqué.

Il s’agit d’une réponse à une inquiétude qui monte auprès de certains parlementaires et de syndicats : la réforme va pénaliser les actifs commençant leur carrière très tôt et qui devront travailler 44 ans, jusqu’à l’âge légal de départ à 64 ans, soit un an de plus que la durée requise pour partir à taux plein. « Pour que le système retrouve son équilibre, on ne peut pas dire que personne ne devra pas travailler plus longtemps », a souligné Élisabeth Borne, tout en défendant une réforme « juste ». « On a essayé de construire la réforme qui ne demande pas la même chose à chacun, qui vise à tenir compte des situations particulières. »

« On s’efforce de présenter des projets de loi dont toutes les mesures sont constitutionnelles »

Le gouvernement ne fait pas seulement face à un débat de fond, des interrogations se manifestent également sur la forme et les conditions de l’examen (lire notre article). En choisissant un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFFSS), pour porter sa réforme, le gouvernement bénéficie d’un éventuel 49.3 supplémentaire, mais également de délais d’examen bordés, ce sont les dispositions du premier alinéa de l’article 47 la Constitution, c’est-à-dire « un certain nombre de règles qui permettent de lever les obstructions et les blocages », selon la Première ministre. L’existence de ce « 47.1 » pourrait d’ailleurs « peut-être » conduire les oppositions « à ne pas faire d’obstruction », imagine la Première ministre. La stratégie de l’obstruction parlementaire par le dépôt massif d’amendements divise actuellement les groupes de gauche au sein de la NUPES. « J’espère que le débat sera lisible, projet contre projet », insiste Élisabeth Borne.

Le revers de la médaille, c’est qu’un PLFRSS n’est pas sans risque, et que le juge constitutionnel pourrait censurer certains articles, s’il venait à conclure que ces derniers se trouvent en dehors du périmètre d’un texte budgétaire. Devant des journalistes, le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius avait notamment pris pour exemple l’index des seniors, destiné à mesurer leur emploi au sein des entreprises, ou encore l’inscription de nouveaux critères de pénibilité. Élisabeth Borne assure que le texte sera dans les clous. « On s’efforce de présenter des projets de loi dont toutes les mesures sont constitutionnelles », a-t-elle assuré. « Les mesures présentées ce matin relèvent d’un PLFRSS. On a retenu ce véhicule, parce que c’est le véhicule naturel. »

« Le gouvernement n’a aucune intention d’ouvrir un débat sur les 35 heures »

Interrogée sur les quelques députés Renaissance, ou leurs alliés, sceptiques sur certaines dispositions du texte, Élisabeth Borne considère qu’il est « parfaitement naturel que les parlementaires se posent des questions ». Le groupe MoDem par exemple envisageait un temps de proposer une alternative : relever la durée de travail à 35 heures et demie, pour augmenter le volume des cotisations au régime des retraites. La cheffe du gouvernement a opposé une fin de non-recevoir assez cinglante. « Le gouvernement n’a aucune intention d’ouvrir un débat sur les 35 heures », a-t-elle tranché. Selon l’Opinion, le MoDem aurait finalement abandonné son projet d’amendement. Sur le reste, tant que l’équilibre budgétaire est atteint, la Première ministre tend la main. « Il y a des améliorations qui sont possibles ». Elle a notamment cité le cas des trimestres acquis en cas d’une naissance d’un enfant. « Il y a sans doute des possibilités d’assouplir », a-t-elle indiqué au sujet du parent bénéficiaire de cette majoration.

Alors que s’ouvre le débat parlementaire, il n’aura pas non plus échappé au gouvernement que le travail, et surtout la perspective de travailler plus longtemps, représente un « sujet d’inquiétude et de crispations ». Dans un pays longtemps confronté au chômage de masse, « le sujet de la qualité de vie au travail a trop longtemps été mis de côté », a reconnu la Première ministre. « C’est toute la question du bon emploi. » Formation, reconversions, place des seniors, méthodes de management : Élisabeth Borne donne déjà rendez-vous pour la suite : les assises du Travail et un projet de loi dédié au plein-emploi au printemps.

À lire aussi » Retraites : certains points de la réforme pourraient-ils être censurés par le Conseil constitutionnel ?

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