"La ligne rouge est franchie": pourtant favorable au principe du régime universel de retraite, le numéro un de la CFDT Laurent Berger a basculé mercredi dans le camp de la mobilisation, appelant lui aussi à descendre dans la rue le 17 décembre.
La surprise est de taille.
Muet depuis le 5 décembre au matin, le numéro un de la CFDT s'est exprimé depuis les couloirs du Conseil économique, social et environnemental (Cese), juste après les annonces tant attendues du Premier ministre.
"Il y avait une ligne rouge dans cette réforme, c'était le fait de ne pas mélanger la nécessité d'une réforme systémique (...) et la réforme paramétrique qui demanderait aux travailleurs de travailler plus longtemps, cette ligne rouge est franchie", a-t-il lancé.
Dans le soirée, le bureau national du syndicat a appelé "à se mobiliser le 17 décembre", sans parler de grève à ce stade, pour que le gouvernement "renonce à toute mesure d'âge et rouvre les discussions pour un système de retraite universel réellement juste".
Et Laurent Berger sur France 2 dans la foulée d'appeler le gouvernement à "revenir en arrière" sur l'âge d'équilibre, fixé dans son allocution par Edouard Philippe à 64 ans à l'horizon 2027.
Reste à voir si la CFDT défilera le 17 avec ceux qui rejettent la retraite à points par principe (CGT, FO, FSU, Solidaires, organisations de jeunesse) ou dans un cortège séparé avec les autres centrales réformistes, comme la CFTC et l'Unsa.
Depuis le début du quinquennat, la CFDT n'était descendue dans la rue avec les autres syndicats que pour protester contre la réforme de la fonction publique.
La confiance semble rompue entre le gouvernement et le premier syndicat dans le public et dans le privé, et ce en dépit de la présence d'un ancien CFDT, Philippe Grandjeon, parmi les conseillers élyséens.
- "Insuffisance sur la pénibilité" -
Laurent Berger l'avait pourtant répété sur tous les tons: la CFDT ne voulait pas de l'"âge pivot" proposé par le haut-commissaire aux Retraites Jean-Paul Delevoye, ni de quoi que ce soit qui ressemble à un allongement de la durée du travail.
Édouard Philippe a pourtant choisi de le faire. Après la réaction irritée du numéro un de la CFDT, le Premier ministre a assuré que "sa porte était ouverte" et "sa main tendue".
"Concernant les mesures sociales, il y a beaucoup d'insuffisance sur la pénibilité", a aussi déploré Laurent Berger à chaud.
La CFDT souhaitait en effet ardemment que l'exécutif revienne sur la première mauvaise manière qu'il lui a faite en juillet 2017: écorner le compte pénibilité, une réforme made in CFDT du quinquennat Hollande.
Ce compte pénibilité, devenu compte prévention, permet aux salariés du privé de cumuler des points pour partir plus tôt à la retraite. En arrivant, le gouvernement a retiré quatre critères (manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques), assortie de la suppression de la cotisation patronale.
La CFDT avait fustigé ce changement comme "un droit à continuer d'abimer la santé des salariés ayant les métiers les plus pénibles".
Laurent Berger n'a pas été convaincu non plus par le fait qu'Édouard Philippe veuille confier la gouvernance du nouveau système de retraites aux partenaires sociaux, afin de remettre les syndicats en selle mais "sous le contrôle du Parlement".
"On nous montre un chemin dont on aurait soi-disant les manettes pour le choisir. Finalement, on sait qu'on aurait un âge d'équilibre à 64 ans fixé par cette réforme", a-t-il déploré.
La réforme de l'assurance chômage est passée par là.
Ne parvenant pas à se mettre d'accord, les partenaires sociaux avaient déploré avoir été placés dans une équation budgétaire impossible. C'est le gouvernement qui a finalement repris la main et imposé une réforme qui a "mis les nerfs" à Laurent Berger.