La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
Réforme des retraites : la pression monte chez les LR pour demander l’exclusion d’Aurélien Pradié et des députés frondeurs
Par François Vignal
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[Edit 18h50 : la motion de censure Liot n’a pas été adoptée. Elle a rassemblé 278 voix sur les 287 nécessaires. Il a donc manqué 9 voix.]
L’émotion de censure chez les LR. Divisés sur les retraites, divisés sur la motion de censure, les jours se suivent et se ressemblent pour les LR à l’Assemblée nationale, où le vote sur les motions, ce lundi 20 mars, crée de nouveau l’émoi au sein du parti de droite. Comme une réplique du tremblement de terre du 49.3, actionné jeudi dernier par le gouvernement en raison notamment d’un manque de voix LR, les motions de censure virent encore au psychodrame chez les LR.
Mêmes acteurs
On retrouve ici les mêmes acteurs. Le parti et le groupe politique, par les voix d’Eric Ciotti et d’Olivier Marleix, ont clairement exclu tout vote d’une motion. En face, c’est de nouveau Aurélien Pradié & Co qui annoncent faire bande à part. Et bientôt groupe ? Dans la perspective du vote sur les motions – celle transpartisane du groupe Liot et celle du RN – on fait le décompte.
« Oui, je voterai la motion de censure portée par Charles de Courson » (Liot) mais « pas celle du Rassemblement national, c’est une évidence », a annoncé sur Europe 1 ce lundi matin Aurélien Pradié, qui « assume » devoir « en passer par cet électrochoc et cette alerte politique ». Selon le député du Lot, « peut-être une quinzaine » de députés Les Républicains voteront la motion de censure. Pas suffisamment pour faire tomber le gouvernement, en cas de vote pour, mais suffisamment pour envoyer un sérieux signal à l’exécutif, et pour le député, de quoi aller au bout de sa démarche d’autonomisation et prendre ainsi ses gains politiques, à la fin de cette longue séquence. Mais à quel prix pour sa formation ?
Aurélien Pradié ne sera donc pas le seul frondeur LR. Pierre-Henri Dumont votera aussi la motion du groupe Liot, tout comme Ian Boucard. On peut encore citer Maxime Minot ou encore Fabien Di Filippo, un proche de Laurent Wauquiez.
Comité stratégique des LR mardi matin
Le sort réservé aux frondeurs LR risque de faire débat au sein du parti. On peut s’attendre à ce qu’il soit évoqué pas plus tard que demain. Ce mardi matin, un comité stratégique des LR est en effet au programme.
La semaine dernière, Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR – dont les troupes ont montré plus de cohérence, malgré 18 abstentions et 6 votes contre sur la réforme des retraites – avait mis sur la table leur exclusion. Interrogé sur Public Sénat sur le fait d’exclure les LR qui pourraient soutenir une motion, Bruno Retailleau avait simplement répondu « oui ».
Quant à Olivier Marleix, il a évoqué la semaine dernière un départ de son groupe pour les fautifs, sans parler d’exclusion explicitement. « S’il y a une motion avec Liot, ils auraient vocation à aller siéger à Liot ou chez les écologistes, s’ils veulent. […] Je les invite à prendre leurs responsabilités », avançait le président du groupe LR de l’Assemblée.
« Irresponsable »
Aujourd’hui, pour le sénateur Stéphane Le Rudulier, la direction du parti ne doit pas laisser passer. « Il faut que ceux qui votent la motion se posent cette question fondamentale. Est-ce qu’ils sont toujours en phase avec la ligne politique de notre parti ? Et si la réponse est non, qu’ils en tirent toutes les conclusions », avance le sénateur LR des Bouches-du-Rhône. Donc qu’ils partent ? « Oui », répond celui qui avait été porte-parole de Bruno Retailleau pendant la bataille interne pour la présidence du parti. Stéphane Le Rudulier rappelle qu’« un vote en bureau politique a clairement dit notre soutien à la réforme et au report de l’âge. C’est la ligne du parti qui doit prévaloir ».
Le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse est encore plus direct : « Oui, il faut les exclure ». « Quand on m’explique qu’on sort du chaos par un vote pour faire tomber le gouvernement et de fait, faire dissoudre l’Assemblée, car c’est la logique, c’est irresponsable », dénonce l’ancien ministre du Logement et conseiller politique des LR. Il continue : « Ils vont mêler leurs voix à une motion Liot certes, mais avec les extrêmes, les Insoumis, le RN et pour déboucher sur quoi ? En cas de dissolution, tous les sondages montrent qu’il n’y aura toujours pas de majorité absolue », souligne Marc-Philippe Daubresse, mais plutôt « une montée significative du RN » et « des députés LR en nombre inférieur ». C’est pourquoi « le parti ne peut pas ne pas se saisir de la question », soutient le sénateur LR.
« L’attitude d’être opposé à tout, ça s’appelle le RN, et ça ne fait aucune cohérence »
Tout le monde ne demande pas pour autant la tête d’Aurélien Pradié – qui a déjà perdu son poste de numéro 2 – et de ses amis. « On va arrêter avec ces systèmes d’exclusions. Le vrai sujet, ce sera un jour de dire ce pour quoi ils sont pour. L’attitude d’être opposé à tout, ça s’appelle le RN, et ça ne fait aucune cohérence », avance Jérôme Basher, sénateur LR de l’Oise. « Le vrai sujet, c’est de trouver dans notre famille politique ce pour quoi on est « pour », ensemble, plutôt que dire qu’Aurélien Pradié est notre sauveur pour l’avenir. Peut-être. Il a beaucoup de talent. Mais ce n’est pas la peine qu’il gâche son talent. Pas la peine de faire une Peltier, c’est-à-dire vous racontez n’importe quoi pour exister », lâche l’élu de Picardie.
Pour Stéphane Le Rudulier, « la décision (d’exclure ou pas) appartiendra au Président Ciotti. La question, forcément, se posera. C’est à lui d’apporter la réponse ». Manière de mettre une gentille pression sur le président des LR. Mais la procédure n’est pas si simple. « Si une décision devait aboutir à l’exclusion, ça relève du bureau politique. Et ça suppose dans nos statuts une procédure contradictoire préalable », précise Marc-Philippe Daubresse.
« Tout ça crée une grande confusion et, jour après jour, affaiblit les LR »
Au-delà des personnes, c’est bien la ligne qui est la grande question pour les LR. « Tout ça, évidemment, crée une grande confusion et ne donne pas de lisibilité pour les LR et, jour après jour, affaiblit les LR », ne peut que constater Marc-Philippe Daubresse, qui reconnaît que « notre électorat est un peu paumé ».
« La lisibilité n’est pas extraordinaire. C’est un peu compliqué », dit pudiquement Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, et proche de Laurent Wauquiez. Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui ne cache pas ses ambitions pour 2027, n’aurait-il pas dû prendre parti, pour donner un coup de main en faveur de la réforme ? « Si Laurent Wauquiez avait voulu faire des commentaires sur les textes de loi, il aurait été président de LR. Il a fait le choix de ne pas l’être pour ne pas être dans les petites phrases. Après, il a été clair, il a dit une fois qu’il fallait faire une réforme des retraites », défend Laurent Duplomb, qui est l’un des (nombreux) vice-présidents des LR.
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« Il y a un problème de cohérence personnelle et un problème de cohérence de groupe. Ou une cohérence de je veux qu’on parle de moi ! », raille Jérôme Basher en visant Aurélien Pradié. Si « les députés sont en roue libre, un peu des autoentrepreneurs, comme l’a dit le Président, qui pour une fois a vu juste », le sénateur de l’Oise en profite pour souligner que « le Sénat est cohérent » sur les retraites. Pas sûr que cela suffise à compenser la vision d’ensemble.
« On est dans un blocage, le gouvernement n’a plus de majorité à l’Assemblée »
Quelle que soit l’issue de cet épisode pour les LR, ils sortiront affaiblis, tout comme le gouvernement. Les deux alliés de circonstance, qui se renvoient la balle de la responsabilité aujourd’hui, auront beaucoup de mal à travailler de nouveau ensemble.
« On est dans un blocage, le gouvernement n’a plus de majorité à l’Assemblée. On va vers un blocage institutionnel. Ce qui doit interroger Emmanuel Macron sur un changement radical dans la méthode et la politique », avance Stéphane Le Rudulier. Pour Marc-Philippe Daubresse, « la seule solution serait de faire un nouveau gouvernement, et si on veut aller plus loin, de faire une union nationale entre Emmanuel Macron et les partis de gouvernement, sur un programme qui n’est pas le sien. Mais comme il s’appelle Jupiter, ça m’étonnerait qu’il le fasse ». Par ailleurs, on verrait mal les LR accepter l’accord de gouvernement qu’ils ont majoritairement refusé jusqu’ici. Sauf peut-être à ce que la crise atteigne des niveaux encore aujourd’hui inconnus.