Réforme des retraites : le déroulé précis de la commission mixte paritaire rendu public

Réforme des retraites : le déroulé précis de la commission mixte paritaire rendu public

Les débats de la commission mixte paritaire sur la réforme des retraites du 15 mars ont eu lieu à huis clos, comme toutes les réunions de ce genre. Racontée le jour même, de l’intérieur, par certains de ses participants, qui s’exprimaient sur les réseaux sociaux ou qui répondaient à la presse, elle est désormais accessible sous forme de compte rendu écrit.
Guillaume Jacquot

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Rarement dans l’histoire parlementaire une commission mixte paritaire n’avait autant fait parler d’elle. Sous des projecteurs inédits, la réunion de compromis entre députés et sénateurs sur la réforme des retraites, a très certainement frustré une partie du public qui aurait aimé suivre ce temps fort législatif. Comme toutes les autres avant elles, cette CMP s’est tenue à huis clos, un environnement jugé plus propice à la négociation et à l’émergence de compromis. Ce cadre strict n’a pas empêché les parlementaires qui y siégeaient, notamment la gauche, de relayer ce qu’il s’y passait sur les réseaux sociaux. Les deux courtes interruptions, au milieu de ce marathon de huit heures, ont aussi permis à la presse de rendre compte, en partie, des échanges en cours.

Le compte rendu de la commission mixte paritaire vient d’être publié. Très détaillé, il relate en 90 pages les interventions et les débats qui se sont succédé ce mercredi entre les murs la salle de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. À sa lecture, un constat s’impose. Les discussions n’ont pas atteint le niveau de tension observé lors de certaines séances houleuses à l’Assemblée nationale ou, dans une moindre mesure, au Sénat. Les échanges ont parfois été musclés.

Un exemple lorsque la commission étudie le cas du « CDI senior », introduit par la droite et le centre au Sénat. Conservée par la CMP, la mesure est cependant rabotée. Elle fera l’objet d’une expérimentation pour trois ans, et ne concernera que les chômeurs de longue durée. Quant aux exonérations de cotisation, censées faciliter le maintien dans l’emploi ou le recrutement, elles sont limitées à un an. Le député Charles de Courson (LIOT) estime que cette « bonne idée a été vidée de son contenu ». « Le coût estimé de la mesure y passe d’ailleurs à 100 millions d’euros à peine, contre 800 millions dans la version du Sénat », déplore-t-il.

« Je crois être quelqu’un de calme »

Pour y remédier, le député de la Marne propose que le gouvernement soit en mesure de fixer le taux de cotisation. La proposition de suppression de l’article est rejetée, provoquant l’adoption de l’article. La gauche s’étonne que l’amendement de Charles de Courson n’ait pas été examiné. Le principal intéressé aussi. « Je crois être quelqu’un de calme. J’ai défendu la version du Sénat, contre la suppression : il faut examiner ma proposition de réécriture, qui est sage », fait-il observer. « Nous examinons d’abord la proposition qui vous est faite par les rapporteurs ; si elle est mise aux voix et adoptée, votre proposition tombe », lui oppose la présidente Fadila Khattabi (Renaissance).

Nouvelle montée en température lorsque la CMP se présente aux portes de l’article 7, sur le recul de l’âge légal. La gauche réclame une interruption de séance après 13 heures, pour pouvoir étudier la proposition de réécriture de l’article. « Il ne serait pas du tout raisonnable de poursuivre sans nous laisser le temps de consulter le document que vous nous avez remis », fait valoir Mathilde Panot (LFI). « Nous sommes en train de marcher sur la tête ! Nous voudrions poursuivre nos discussions dans la sérénité », ajoute le député PS Arthur Delaporte. Les députés insistent et finissent par obtenir une pause de vingt minutes.

« Est-ce un retour vers le futur ? »

Le sort des amendements adoptés au Sénat pour assurer un nombre minimum de trimestres aux mères au titre de l’éducation d’un enfant a également été un moment fort de la CMP (relire notre article). « Je comprends la refonte globale des droits familiaux souhaitée par le rapporteur du Sénat, mais il n’est pas envisageable que la commission mixte paritaire débouche sur un texte moins-disant en matière de droits des mères, insiste alors Olivier Marleix, le patron des députés LR. Dans une sorte de mise en abîme, le rapporteur René-Paul Savary, sénateur LR, déclare au terme du débat, après le sauvetage de deux amendements : « On me dit qu’il est déjà trompeté sur les réseaux sociaux que les groupes de la NUPES auraient « arraché » à la commission mixte paritaire une mesure favorable aux femmes. Je veux bien que l’on s’approprie les choses ainsi mais, en réalité, nous essayons tous d’apporter une valeur ajoutée à ce texte ô combien difficile. »

Si les échanges se déroulent à huis clos, la salle n’est décidément pas totalement coupée du monde. La publication prématurée d’un communiqué de presse des Républicains saluant l’adoption d’un compromis global à la CMP est même mentionnée dans le compte rendu. « Un communiqué de presse du groupe Les Républicains se félicite du fait que la commission mixte paritaire soit conclusive, « avec trois avancées majeures » ! Ai-je manqué un vote ? Est-ce un retour vers le futur ? », demande Arthur Delaporte (PS).

Rétrospectivement, certaines déclarations de la CMP prennent une autre dimension. « Être dans l’opposition n’interdit pas de saisir une rare occasion de redressement de notre pays, ce qui demande de faire preuve de courage et non de démagogie », a insisté Olivier Marleix. Or, les oppositions d’une partie importante dans le groupe LR à l’Assemblée nationale ont sans doute grandement dissuadé le gouvernement d’aller au vote sur la réforme des retraites.

Dans la même thématique

Rally For Palestinian Prisoners SWITZERLAND.
4min

Politique

Hungry for Palestine : le collectif en grève de la faim depuis 23 jours reçu au Sénat

Vingt-trois jours de jeûne, seize villes françaises traversées : le collectif Hungry for Palestine était au Sénat le 22 avril 2025. Tous les membres du mouvement, présents au palais du Luxembourg, sont en grève de la faim depuis le 31 mars pour dénoncer l'inaction des pouvoirs publics et le non-respect du droit international dans la bande de Gaza. Le mouvement est né de l'impulsion de soignants, tous de retour de mission à Gaza.

Le

Tondelier 2
8min

Politique

Malgré des critiques, Marine Tondelier en passe d’être réélue à la tête des Ecologistes

Les militants du parti Les Ecologistes élisent leur secrétaire national. Bien que critiquée, la sortante Marine Tondelier fait figure de favorite dans ce scrutin où les règles ont été changées. La direction s’est vue accusée par certains de vouloir verrouiller le congrès. Si les écolos ne veulent pas couper avec LFI, le sujet fait débat en vue de la présidentielle.

Le

SIPA_01208671_000002
5min

Politique

Prisons attaquées : vers une nouvelle loi pour permettre l’accès aux messageries cryptées par les services de renseignement

Après la série d’attaques visant plusieurs établissements pénitentiaires, coordonnées au sein un groupe de discussion sur Telegram, le préfet de police de Paris, Laurent Nunez regrette que la disposition de la loi sur le narcotrafic, permettant aux services de renseignement d’avoir accès aux messageries cryptées, ait été rejetée les députés. La mesure pourrait réapparaître dans une nouvelle proposition de loi du Sénat.

Le

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six
4min

Politique

Municipales 2026 : pourquoi le prochain mandat des maires pourrait durer sept ans, au lieu de six

La question d’un report des élections municipales de 2032 est à l’étude au ministère de l’Intérieur, en raison de la proximité d’un trop grand nombre de scrutins, notamment la présidentielle. Si le calendrier devait être révisé, et avec lui la durée du mandat des maires élus l’an prochain, cela nécessiterait une loi. Ce serait loin d’être une première sous la Ve République.

Le