Réforme des retraites : le Sénat rejette la motion référendaire défendue par la gauche
Ce vendredi, le Sénat examinait la troisième motion de rejet de la réforme des retraites défendue par les groupes de gauche. La motion référendaire qui consiste à stopper le débat sur le texte pour le soumettre à référendum a, sans surprise, été rejetée avec 251 voix contre et 93 voix pour.
Sans surprise le Sénat a rejeté la motion référendaire, portée par la gauche, au projet de loi portant la réforme des retraites avec 251 voix contre et 93 voix pour. L’examen de la réforme va donc se poursuivre jusqu’au 12 mars. Jeudi, en ouverture des débats, les trois groupes de gauche, communiste, écologiste et socialiste avaient également, sans succès, défendu deux autres motions de rejet de la réforme.
« Faites honneur à votre famille politique, au gaullisme »
A la tribune, le président du groupe socialiste, Patrick Kanner a pris la parole au nom de son groupe mais aussi des groupes communiste et écologiste, signataires de la motion. Rappelant l’engagement de campagne du président François Mitterrand de 1981 en faveur de la retraite à 60 ans, il a dénoncé « 42 ans plus tard », ce retour « sur ces conquêtes sociales toujours pour les mêmes motifs, l’argent, la rentabilité, quoi qu’il en coûte sur le plan social ».
Il a pointé du doigt le véhicule législatif portant la réforme qui vise à reporter l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans : un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Conformément à l’article 47-1 de la Constitution, le temps de débat en première lecture est limité (voir notre article). Sans vote du Parlement, le gouvernement peut même, théoriquement, faire passer sa réforme par ordonnances. « C’est inédit […] J’ai parlé hier de piraterie parlementaire. Je persiste et signe. Ces lois de financement au sein de notre Constitution ne sont pas faites pour mettre en place une réforme de grande ampleur de notre régime des retraites », a-t-il estimé.
« Nous appelons au retrait de la réforme. Mais faute de retrait, nous vous offrons une autre voie avec cette motion référendaire […] présentez le texte au Français. Ils sont dans la rue. Ils aimeraient aller aux urnes », a-t-il ajouté. Puis s’adressant à la majorité sénatoriale de droite, Patrick Kanner les a enjoints : « Faites honneur à votre famille politique, au gaullisme ». « Faites trancher cette question fondamentale par un référendum comme le permet la Constitution imaginée par le général de Gaulle. »
Le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard a dénoncé « une dérive autocratique d’un exécutif hors sol, assiégé dans sa tour d’ivoire ». « Mes chers collègues de droite soyez gaulliste, n’ayez pas peur du peuple », a-t-il également encouragé, en s’appuyant sur de récents sondages selon lesquels 70 % des Français seraient contre la réforme.
« Pourquoi élire des députés et des sénateurs, si toutes les questions peuvent être tranchées par les Français ? »
Mais cette référence n’a pas convaincu la droite sénatoriale. Le sénateur LR, Alain Milon s’est appuyé sur le constitutionnaliste Dominique Rousseau pour affirmer que « le référendum laisse penser que les institutions sont un obstacle à la démocratie. Alors qu’elles sont précisément les instruments qui font passer de la barbarie à la civilisation », a-t-il cité.
La rapporteure centriste de la commission des affaires sociales, Élisabeth Doineau, également opposée à la motion l’a qualifiée « de court circuit ». « On ne débattrait pas au Parlement et on laisserait la rue décider pour les Français », a-t-elle jugé appelant au respect de la démocratie parlementaire. « Pourquoi élire des députés et des sénateurs, si toutes les questions peuvent être tranchées par les Français ? »
« Nous avons un mur de dettes […] Je ne veux pas donner au peuple français cette responsabilité […] Je ne veux pas paraphraser le président Chirac en disant : nous oublions la dette et nous regardons ailleurs ».
René-Paul Savary le rapporteur LR du texte a relevé qu’en ayant recours au référendum, les « améliorations » proposées par la droite sénatoriale ne seraient pas prises en compte, telle que la surcote pour les mères de famille ou des mesures sur l’emploi des séniors. Il a également souligné que l’issue du référendum dépendrait de la question posée. « Moi je la poserais comme ça. Si nous ne prenons pas nos responsabilités, est-ce que vous voulez que vos enfants travaillent jusqu’à 65 ans plutôt que 64 ans ? »
« Nous sommes scandalisés par les propositions de M. Retailleau »
La sénatrice communiste, Laurence Cohen a justement fustigé ce que la droite du Sénat estime être une amélioration du texte. « Nous sommes scandalisés par les propositions de M. Retailleau (le président du groupe LR). S’appuyant sur une idéologie familiariste, nationaliste, d’une époque que je n’ose rappeler. Non, M. Retailleau, les femmes ne peuvent avoir comme seule solution, afin de travailler jusqu’à un âge indéterminé, de faire plus d’enfants », a-t-elle fustigé.
Après les interventions des élus, le ministre du Travail, Olivier Dussopt a une nouvelle fois assuré que la réforme était « recevable » dans un projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale. « Il est assez cocasse d’entendre le gouvernement se faire reprocher une forme d’obstruction. Le temps de débat est supérieur au temps dont le Parlement a disposé lors des deux réformes précédentes. Et à ma connaissance, ce n’est pas le gouvernement qui a déposé plus de 20 000 amendements dont des séries identiques », a-t-il rétorqué.
Au sujet de l’opportunité de la motion référendaire, le ministre a rappelé que « toutes les réformes des retraites depuis 81 ont été adoptées par le Parlement ». Prenant le sujet pour le moins complexe des carrières longues, Olivier Dussopt a considéré « que ce seul exemple montre qu’il y a un intérêt à ce que le Parlement puisse se saisir de ces sujets pour les creuser, les approfondir et les amender ».
Après le rejet en scrutin public de la motion référendaire, l’examen des articles du projet de loi va commencer. La prochaine séance se tiendra ce vendredi à 17 heures. Les débats devraient durer jusqu’au 12 mars.
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.
Au moment où le chef de l’Etat s’apprête à nommer un nouveau premier ministre, Emmanuel Macron a reçu ce mercredi à déjeuner les sénateurs Renaissance, à l’Elysée. Une rencontre prévue de longue date. L’occasion d’évoquer les collectivités, mais aussi les « 30 mois à venir » et les appétits pour 2027…
Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, réclame un Premier ministre de gauche, alors que LFI refuse de se mettre autour de la table pour travailler sur la mise en place d’un gouvernement, préférant pousser pour une démission du chef de l’Etat. Ce mercredi, députés et sénateurs PS se sont réunis alors que le nom du nouveau chef de gouvernement pourrait tomber d’un instant à l’autre.
Si une semaine après le renversement du gouvernement Barnier, Emmanuel Macron est sur le point de nommer un nouveau Premier ministre, la situation politique française inquiète particulièrement les eurodéputés à Bruxelles que certains comparent à celle en Allemagne.