Réunie en urgence ce mardi après-midi avant la reprise des débats sur le projet de loi bioéthique, la conférence des présidents du Sénat a demandé que ne soit pas engagée la procédure accélérée sur la réforme des retraites, projet de loi que le gouvernement souhaite voir adopté avant l’été. Cette instance présidée par Gérard Larcher, réunit autour d’une même table les présidents des groupes, ceux des commissions permanentes et les vice-présidents du Sénat. À une large majorité, elle a décidé de « s’opposer à l’engagement de la procédure accélérée », qui limite la discussion parlementaire à une lecture par chambre.
L'annonce a été faite dans l'hémicycle par le président de séance David Assouline (PS) :
La Conférence des présidents, qui vient de se réunir, a décidé de s’opposer à l’engagement de la procédure accélérée sur le projet de loi organique relative au système universel de retraite et sur le projet de loi instituant un système universel de retraite. Cette décision sera notifiée à monsieur le président de l’Assemblée nationale.
Voilà trois semaines que le président LR du Sénat, Gérard Larcher, a demandé un report de l'examen au Parlement de la réforme. Insuffisances de l'étude d'impact, risque d'insécurité juridique ou encore manque de visibilité d’ensemble entraîné par le recours massif aux ordonnances : les réserves émises par le Conseil d'État n'ont fait que renforcer la détermination des sénateurs à réclamer le rejet de la mise en œuvre de la procédure accélérée. Lors de cette Conférence des présidents, tous les représentants des groupes se sont joints à cette demande, à l'exception de François Patriat (La République en marche) qui s'y est opposé, et de Claude Malhuret (Les Indépendants - République et territoires, « la droite constructive »), qui s'est abstenu.
« Nous souhaitons vraiment que le gouvernement prenne conscience qu’on ne peut pas traiter un sujet comme celui-là de cette manière-là »
Pour que la procédure accélérée ne soit pas engagée, la demande devra également être formulée par la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale (où la République en marche est majoritaire), comme le prévoit l'article 45 de la Constitution. Comme l’évoquait la veille le secrétaire d’État aux Retraites, Laurent Pietraszewski, le gouvernement n’est pas favorable à une modification du calendrier. « Le temps parlementaire est suffisant pour permettre un débat dans de bonnes conditions », nous a expliqué Marc Fesneau, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, qui était présent à la réunion au Sénat.
« Ce que souhaitent les parlementaires – à leur très très grande majorité – c’est de pouvoir examiner ce texte, qui est certainement le plus important du quinquennat, et certainement l’un des plus importants que nous ayons eu à examiner ces dernières années, dans des conditions acceptables et qu’on pourrait qualifier de normales », a réagi, à l'issue de la réunion, le vice-président LR du Sénat, Philippe Dallier. «C’est peut-être la première fois que le Conseil d’État est aussi sévère sur un texte qui est d’une importance extrême. Nous souhaitons vraiment que le gouvernement prenne conscience qu’on ne peut pas traiter un sujet comme celui-là de cette manière-là. »
« Vouloir examiner en procédure accélérée un texte de loi aussi bâclé qui concernera la totalité des Français avec un impact financier autour de 14% du PIB, relève, au-delà du mépris pour le travail parlementaire, d’un véritable déni de démocratie », s'est également exprimé le groupe socialiste.
À l'Assemblée nationale, le groupe Les Républicains avait aussi demandé une convocation de la Conférence des présidents pour que soit examinée la validité de l'étude d'impact. Celle-ci « a constaté » que l’étude d’impact jointe aux projets de loi sur la réforme des retraites « ne méconnaissait pas » les conditions fixées par la loi.