Réforme des retraites : quels sont les différents recours déposés devant le Conseil constitutionnel ?
La réforme des retraites a été formellement adoptée par le Parlement lundi. Les regards se tournent à présent vers les sages de la rue de Montpensier, pressés des différents côtés de l’échiquier politique pour examiner la constitutionnalité, à la fois du texte de loi, mais aussi d’une procédure législative qui a été particulièrement houleuse.

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La réforme des retraites a été formellement adoptée par le Parlement lundi. Les regards se tournent à présent vers les sages de la rue de Montpensier, pressés des différents côtés de l’échiquier politique pour examiner la constitutionnalité, à la fois du texte de loi, mais aussi d’une procédure législative qui a été particulièrement houleuse.
Romain David

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Le parcours législatif de la réforme des retraites touche à son terme. Après l’adoption du texte lundi par activation de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution, qui a permis à l’exécutif de se passer du vote de l’Assemblée nationale, la balle est désormais dans le camp du Conseil constitutionnel, dernière instance en mesure de retoquer le texte. Une série de recours a donc été déposée par les oppositions auprès des Sages de la rue Montpensier, mais aussi par le gouvernement.

La saisine du gouvernement

Élisabeth Borne a annoncé une « saisine blanche » du Conseil constitutionnel, c’est-à-dire que le gouvernement ne formule pas d’interrogations sur un point particulier, il demande simplement aux sages d’examiner et de valider l’intégralité du texte. Le conseil a un mois pour s’exprimer, à moins que le gouvernement n’enclenche la procédure d’urgence, qui l’oblige à statuer en huit jours. Cette précision n’a pas été apportée par la cheffe du gouvernement. La démarche a un caractère fortement politique, alors que l’exécutif a été largement accusé par les parlementaires d’opposition de tordre le bras au Parlement pour cadrer l’examen et le vote du texte. En se tourant vers cette institution, le pouvoir entend réaffirmer la légitimité de son projet de loi.

Recours du RN

Un recours de 17 pages, déposé le 21 mars et signé par Marine Le Pen et les députés du groupe Rassemblement national au Palais Bourbon, est également consultable sur le site du Conseil constitutionnel. Ce document conteste principalement le choix du véhicule législatif pour réformer le financement du système de retraites, c’est-à-dire un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale. Il relève ainsi l’impact minimum de la réforme sur le budget 2023 : 0,4 milliard d’euros, soit un pourcentage du budget « qui s’élèverait à 0,055 % », selon les calculs du RN. Par ailleurs, certains dispositifs du texte sont pointés du doigt par ce document, notamment la mise en place de l’index senior, sans effet sur les dépenses ou les recettes de l’Etat, ce qui, à l’intérieur d’un texte budgétaire, pourrait constituer un cavalier législatif.

Au Sénat, des questions de forme

Le recours que LFI et les oppositions socialistes, communistes et écologistes ont annoncé vouloir déposer sous la bannière Nupes s’appuie sur des arguments similaires. Ce mercredi matin, il n’apparaissait pas encore dans la liste des « affaires en instance » consultable sur le site du Conseil constitutionnel. Les Echos évoquent un document de 31 pages, qui dénonce notamment l’utilisation de l’article 47, alinéa 1 de la Constitution. Cet outil permet de limiter à cinquante jours les débats devant le Parlement sur un texte financier, il est destiné à éviter tout blocage budgétaire. Dans le cas présent, la gauche estime que la réforme des retraites ne relevait pas d’une telle urgence et que le 47.1 a été détourné afin de limiter la durée des débats.

Par ailleurs, du côté du Sénat, les parlementaires de gauche ont soulevé à plusieurs reprises la question de la sincérité des débats, et leur volonté de saisir le Conseil constitutionnel sur ce point précis. « Nous avons beaucoup de reproches au fond, et sur la forme, peut-être plus d’ailleurs au Sénat sur la forme », a souligné Patrick Kanner, le président du groupe socialiste au Sénat, lors d’une conférence de presse mardi. En ligne de mire notamment, la nuit du 7 au 8 mars, lors de laquelle a été examiné l’article 7 du projet de loi, celui qui repousse l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, et qui a été marquée par des échanges d’une rare tension au Palais du Luxembourg. Le rejet en quelques minutes de plusieurs milliers de sous-amendements de l’opposition par la commission des Affaires sociales a été vécu par la gauche comme une véritable déclaration de guerre de la part de la droite sénatoriale. « Il y a un vrai problème de sincérité des débats qui se pose », avait pointé Éliane Assassi, la présidente du groupe communiste, au micro de Public Sénat. « Ce qu’il s’est passé dans la nuit du 7 au 8 est emblématique. »

Plus généralement, c’est l’accumulation d’outils, constitutionnels en soi, comme le 47.1, le recours au « vote bloqué », et le 49.3 - liste à laquelle on pourrait également ajouter l’article 38 du règlement du Sénat -, qui pose la question d’une atteinte au bon déroulé des débats dans les deux chambres du Parlement.

Une proposition de référendum d’initiative partagée

La gauche entend également déclencher un référendum d’initiative partagée sur la question des retraites. À cette fin, elle a déposé en début de semaine devant le Conseil constitutionnel une proposition de loi « visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans ». Soutenu par plus de 250 parlementaires de gauche, ce texte devra recueillir en neuf mois les signatures d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, soit 4,8 millions de personnes, pour faire l’objet d’un référendum. Une manière de capitaliser sur la contestation sociale. Mais avant d’en arriver là, le Conseil constitutionnel devra d’abord vérifier si le texte qui sera soumis à plébiscite est bien conforme aux dispositions de la loi fondamentale. Jusqu’à présent cette procédure n’a jamais abouti. En 2019-2020, la proposition de référendum d’initiative partagée sur les aéroports de Paris, également à l’initiative de la gauche, n’avait pas recueilli le nombre de signatures nécessaires.

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