Réforme des retraites : un impact « très faible » sur les finances publiques en 2023, selon Pierre Moscovici
Le président du Haut Conseil des finances publiques regrette que le gouvernement lui ait demandé de limiter son avis sur les conséquences budgétaires de la réforme des retraites à la seule année 2023. Pierre Moscovici a également déploré avec force l’absence d’une loi de programmation des finances publiques.

Réforme des retraites : un impact « très faible » sur les finances publiques en 2023, selon Pierre Moscovici

Le président du Haut Conseil des finances publiques regrette que le gouvernement lui ait demandé de limiter son avis sur les conséquences budgétaires de la réforme des retraites à la seule année 2023. Pierre Moscovici a également déploré avec force l’absence d’une loi de programmation des finances publiques.
Guillaume Jacquot

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Comme une pointe de déception à peine cachée chez les sénateurs de la commission des affaires sociales. Ils auraient voulu bénéficier des éclairages du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) sur les effets à moyen terme du projet de réforme des retraites. Son président, Pierre Moscovici, qui était auditionné ce 25 janvier, n’a pas pu livrer un avis au-delà de la seule année 2023. « Pour nous, c’est un peu une frustration », a reconnu le sénateur Philippe Mouiller (LR).

Amené à se prononcer sur toutes les prévisions macroéconomiques et financières des textes budgétaires, le HCFP a été limité dans la rédaction de son avis du projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale (PLFRSS), la faute à la « saisine particulièrement étroite » du gouvernement. « Le gouvernement n’a saisi le Haut Conseil des finances publiques que sur l’incidence pour les finances publiques pour la seule année 2023. Au-delà, il nous a été transmis que des informations très partielles […] Ce prisme annuel est regrettable, au regard des conséquences d’une telle réforme sur le moyen et long terme », a déploré d’emblée Pierre Moscovici.

Impact « très faible » de la réforme en 2023

Ses critiques étaient largement partagées dans l’enceinte de la commission des affaires sociales. « Nous regrettons avec vous le caractère incomplet des éléments qui ont été transmis par le gouvernement. Nous naviguons à vue par rapport à ce rapport », a appuyé la sénatrice écologiste Raymonde Poncet Monge.

Selon le HCFP, l’impact de la réforme des retraites sera « très faible » sur les finances publiques cette année. La réforme prévoit, en l’état, un premier relèvement de trois mois de l’âge légal de départ au 1er septembre, conduisant 50 000 personnes à décaler l’ouverture de leurs droits. Pour la première année de sa mise en œuvre, la réforme aura un coût net de 400 millions d’euros sur les finances publiques, les recettes augmentant, dans un premier temps, moins vite que les dépenses (revalorisation des petites pensions, mesures sur la pénibilité, et transitions emploi-retraite).

L’absence d’une loi de programmation budgétaire « pose de nombreux problèmes juridiques »

« La réforme des retraites dans ce PLFRSS ne devrait pas améliorer la trajectoire de la dette qu’avait présentée le gouvernement dans le projet de loi de programmation des finances publiques en septembre », a analysé Pierre Moscovici. Le président du Haut Conseil des finances publiques est d’ailleurs particulièrement mécontent de ne pas être en mesure d’apprécier la cohérence de la réforme des retraites avec la programmation des finances publiques 2023-2027. Celle-ci n’existe pas, son projet est toujours bloqué dans la navette parlementaire. Après l’échec d’une commission mixte paritaire le 15 décembre, il n’a pas été réinscrit à l’agenda des deux assemblées parlementaires.

Avec plus de fermeté que ces derniers mois, Pierre Moscovici a une nouvelle fois de plus épinglé l’absence de ce gouvernail, essentiel à ses yeux pour redressement la trajectoire des finances publiques. Allant même jusqu’à reprocher au gouvernement de mettre « la poussière sous le tapis ». « La France ne peut pas se passer d’une loi de programmation des finances publiques. C’est une obligation juridique, qui est organique, européenne », a-t-il souligné. « Son absence pose de nombreux problèmes juridiques, des problèmes politiques, des problèmes de pilotage, dont il serait dangereux de sous-estimer l’importance. L’absence de ce texte n’est pas une anecdote, c’est quelque chose d’important, et je dirais même, d’assez grave en réalité. »

Pierre Moscovici n’est pas inquiet par le coût des grèves

Si les échanges étaient donc forcément limités sur les perspectives à moyen ou long terme, les sénateurs avaient néanmoins des éléments à tirer au clair pour les premiers mois d’application de la réforme. La rapporteure générale de la commission des affaires sociales, Élisabeth Doineau (Union centriste) s’est notamment demandé si les mouvements sociaux annoncés pour les prochaines semaines pourraient peser sur la croissance. Je pense que les effets sont très limités, s’il y en a. Ce n’est pas ça qu’il faut craindre économiquement », a indiqué Pierre Moscovici. Le conflit social contre la réforme des retraites de 1995 avait occasionné une perte de 0,1 point de PIB, a-t-il rappelé, soit un niveau « relativement négligeable ».

René-Paul Savary (LR), en sa qualité de rapporteur de la branche vieillesse de la Sécurité sociale, a mis le doigt sur un autre enjeu. Alerté par l’Agirc Arrco, la caisse de retraite complémentaire des salariés du secteur privé, le sénateur a expliqué que certaines personnes en situation de surcote (celles qui poursuivent leur activité au-delà de la durée d’assurance requise et de l’âge légal de départ) avaient commencé à liquider leur retraite, alors qu’elles ne l’avaient pas forcément envisagé jusqu’à présent « Le nombre de dossier de liquidation est beaucoup plus importants que ceux que l’Agirc Arrco connaît actuellement. Il y a déjà un impact financier, qui risque d’annuel les effets de la réforme dès 2023. »

« Il ne tient pas compte des dépenses supplémentaires »

D’autres données manquent également dans les éléments transmis au gouvernement au Haut conseil des finances publiques. « Le chiffrage du gouvernement ne prend en compte que les effets mécaniques des mesures annoncées. Il ne tient pas compte des dépenses supplémentaires d’invalidité, d’indemnités journalières, d’indemnité chômage, de l’AAH, qui devraient découler du maintien sur le marché du travail de salariés âgés », a soulevé encore Pierre Moscovici. C’est également valable dans l’autre sens. Le gouvernement « ne tient pas compte des surcroîts de recettes, dus à la hausse du taux d’emploi aux âges élevés. »

Quant aux prévisions macroéconomiques présentes dans le projet de réforme des retraites, le président du HCFP épingle une fois encore le « scénario toujours optimiste » du gouvernement en matière de progression de l’activité. Avec une prévision de croissance de 1 %, Bercy a retenu le même scénario qu’en septembre, au mois de la présentation du budget 2023. Si les risques d’essoufflement de la croissance se sont réduits en Europe, la prévision reste cependant très éloignée de la prévision du consensus des économistes (0,2 %) ou de celle de la Banque de France (0,3 %).

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