Dans sa réforme ferroviaire, le gouvernement a déclaré qu’il souhaitait prendre en charge une partie de l’importante dette du groupe ferroviaire. Une contrepartie aux réformes demandées aux différentes branches de la SNCF.
Une dette abyssale de plus de 50 milliards d’euros
Une image revient souvent lorsqu’il s’agit d’évoquer l’endettement du groupe SNCF : celle d’un boulet, lourd à traîner. Les chiffres sont colossaux. SNCF Mobilités (l’entreprise qui gère la circulation des trains) atteint 7,9 milliards d’euros. Mais ce n’est rien à côté de SNCF Réseau, l’ex-Réseau Ferré de France, qui gère les infrastructures et les voies. Cette branche croule sous un endettement de 46,6 milliards d’euros.
Une hausse de 20 milliards en vingt ans et qui devrait se poursuivre. Le poids de la dette de SNCF Réseaux s’accroît chaque année de deux à trois milliards d’euros et devrait atteindre la barre des 60 milliards d’euros à l’horizon 2025. Le paiement des seuls intérêts de la dette coûte à l’entreprise environ 1,5 milliard d’euros chaque année, et ce, dans une période de taux encore faibles.
À l’heure où le gestionnaire doit engager des opérations de rénovation pour moderniser un réseau vieillissant, se chiffrant en dizaines de milliards d’euros, et surtout, avec l’ouverture à la concurrence en Europe en ligne de mire, ce fardeau s’annonce périlleux.
L’origine de la dette de SNCF Réseau
La dette de SNCF Réseau provient avant tout d’un héritage. La dette de la SNCF est très ancienne et le problème de l’endettement remonte même avant sa création en 1937 et la nationalisation des différentes compagnies. Il est aussi vieux que le début de l’aventure ferroviaire au XIXe siècle.
En 1997, pour préparer l’ouverture à la concurrence dans le secteur, la SNCF est scindée en deux : SNCF Mobilités et Réseau ferré de France (RFF), qui est devenu SNCF Réseau en 2015. « Quand RFF a été créé, c’était pour soulager la SNCF, qui était auparavant totalement intégrée, de cette dette », nous explique Gilles Dansart, journaliste spécialisé des transports, et directeur du site spécialisé Mobilettre. « Les trois quarts de sa dette sont une dette d’État, une dette collective, conséquence d’investissements publics pour la construction d’un patrimoine public », raconte le journaliste spécialisé.
Si elle est réclamée de longue date par les cheminots, une reprise de la dette du groupe par l’État n’a cependant rien à faire sur la balance des négociations sur la fin du statut, estiment les syndicats. « C’est l’entreprise qui a été sommée de construire un réseau, de l’entretenir. En aucun cas les salariés ferroviaires en sont responsables. S’il y a un responsable, elle doit être portée au niveau de l’État », nous répondait en septembre Denis Dontenvill, secrétaire fédéral de l’Unsa Ferroviaire).
Pour le journaliste Gilles Dansart, c’est notamment la création de récentes lignes à grande vitesse (LGV) qui a creusé la dette de SNCF Réseau. Il cite notamment l’aménagement de la ligne Le Mans-Rennes, Tours-Bordeaux, le contournement de Nîmes et Montpellier, ou encore la seconde partie de la LGV Est européenne (Paris-Strasbourg).
Avant la construction de cette LGV Est, les collectivités territoriales n’intervenaient d’ailleurs même pas dans le financement.
En parallèle à ces investissements lourds et simultanés dans quatre LGV au début des années 2010, SNCF Réseau a également été confronté à une baisse du trafic sur ses lignes. « Il y a eu une tendance à la baisse, donc une diminution des revenus de péage [versés par SNCF Mobilités à SNCF Réseau, NDLR]. Le TER a connu un gros creux pendant 5 ans », rappelle Gilles Dansart. De janvier 2012 à décembre 2016, le nombre de voyageurs sur ces lignes du quotidien avait chuté de 7,1%. Sur le réseau des Intercités, le recul atteignait 20%.
Ce trou d’air semble derrière eux. Le groupe SNCF a annoncé ce mardi après-midi un rebond de la fréquentation en 2017 (+10% pour le TGV, +4,7% pour le TER).
Une opération de reprise compliquée pour le gouvernement
Cette dette « menace d’engloutir le système », a reconnu Édouard Philippe, lundi, en présentant les bases de la réforme. Mais le chef du gouvernement a conditionné le geste à la mise en œuvre de la réforme par la SNCF. « Dès lors que la SNCF y aura contribué, l’État prendra sa part de responsabilité avant la fin du quinquennat pour assurer la fin du quinquennat pour assurer la viabilité économique du système ferroviaire », a-t-il prévenu.
Si les mots de « fin du quinquennat » sont aussi revenus ce matin dans la bouche de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, c’est parce que le gouvernement évolue sur une ligne de crête budgétaire. Fin 2017, l’exécutif a remonté sa prévision de déficit public à 2,8% pour 2018. Pour 2019, il a été relevé à 3%, tout juste dans les clous du Pacte de stabilité européen.
La promesse d’assumer une partie de la dette de la SNCF pourrait donc se heurter aux engagements européens de l’exécutif, qui n’a formulé jusqu’à présent aucun montant. En 2008, quand la dette de RFF était encore à 30 milliards d’euros, la Cour des Comptes préconisait déjà de l’alléger de 13 milliards d’euros. Dans le rapport Spinetta, publié à la mi-février, aucun chiffre ne figure.
Dans un rapport remis en septembre 2016, le gouvernement avait indiqué son refus de reprendre à son compte une partie de la dette de SNCF Réseau. À l’époque, il avait calculé qu’une opération de reprise de seulement 10 milliards d’euros aurait pour effet de grossir mécaniquement le déficit public de 0,5 point.