Pas encore officiellement lancée, la candidature de Gabriel Attal pour prendre la tête de Renaissance ne fait plus beaucoup de doute en interne. Une bataille d’ex-premiers ministres, face à Elisabeth Borne, déjà candidate, va s’engager, au risque de tomber dans la guerre des chefs. Mais certains, à commencer par Emmanuel Macron, prônent un accord pour avoir un seul candidat.
Réforme institutionnelle : la moitié des départements n’aurait plus qu’un seul sénateur
Par Guillaume Jacquot et François Vignal
Publié le
C’est l’un des points clefs de la réforme constitutionnelle. Celui sur lequel les discussions coincent toujours entre l’Elysée et le Sénat : la baisse du nombre de parlementaires. Avec une réduction de 30% du nombre de députés et sénateurs, chiffre avancé mercredi par Edouard Philippe, l’exécutif peut respecter la promesse présidentielle d’une baisse d’un tiers. On passerait ainsi de 577 à 404 députés et de 348 à 244 sénateurs. Le premier ministre assure que la nouvelle répartition « se ferait dans des conditions qui garantissent la représentation de tous les départements et territoires ». Sous entendu, avec au moins un sénateur par département, comme l’exigent les sénateurs. Mais pour Gérard Larcher, pour le moment, le compte n’y est pas. La discussion qui va s’engager au Parlement permettra certainement d’affiner le niveau de la baisse.
47 départements avec un seul sénateur
En partant de ce nouveau chiffre de 244 sénateurs, à quoi ressemblerait le Sénat ? Quelle serait la nouvelle répartition et combien de départements se retrouveraient avec un seul sénateur ? On compte actuellement 7 départements (Dom compris) avec un seul sénateur. C’est aussi le cas de 4 territoires d’Outre-mer.
D’après les calculs de publicsenat.fr, suite à la baisse de 30% du nombre de parlementaires, il y aurait pas moins de 47 départements avec un seul sénateur. Les 6 territoires d’Outre-mer auraient aussi chacun un sénateur. Près de la moitié des 101 départements se retrouveraient ainsi avec un seul sénateur pour les représenter. Soit 46 % des départements avec un seul sénateur, contre 6,9 % actuellement (voir la méthodologie à la fin).
75 départements perdent un sénateur
Selon la nouvelle répartition, 21 départements se retrouveraient avec 2 sénateurs (contre 39 actuellement). 33 départements auraient 3 sénateurs et plus (voir le détail en fin d’article).
Si 17 départements ne perdent pas de sénateur, 75 en perdent un. Ils sont 7 à perdre 2 sénateurs (Bouches-du-Rhône, Hauts-de-Seine), un seul perd 3 sénateurs et un département perd 6 sénateurs (Paris, selon nos critères). Des départements comme l’Eure-et-Loir et la Guadeloupe passeraient de 3 à 1 sénateurs.
Baisse de la proportionnelle au Sénat
Conséquence, plutôt ironique, de cette nouvelle répartition : la part des sénateurs élus à la proportionnelle va reculer au Sénat, alors que ce mode de scrutin sera introduit à l’Assemblée nationale avec une dose de 15 %.
A la Haute assemblée, les départements élisant 1 ou 2 sénateurs sont au mode de scrutin majoritaire à deux tours. Dans les départements élisant 3 sénateurs et plus, c’est le scrutin proportionnel qui est appliqué. Actuellement, 73% des sénateurs sont élus à la proportionnelle (255 sièges contre 93 au scrutin majoritaire). Après la baisse du nombre de parlementaires, 70% des sénateurs seront élus à la proportionnelle (170 sénateurs contre 74 au scrutin majoritaire). En comptant par départements, on passera de 46 départements au scrutin majoritaire (+6 Tom), à 68 départements (+6 Tom). Ce renforcement du mode de scrutin majoritaire, même légère, en pourcentage du nombre de sièges, ne sera pas neutre. Ce mode de scrutin renforce le poids des personnalités. On vote pour une personne et non une liste. La parité pourrait aussi en faire les frais, la proportionnelle imposant des listes où femmes et hommes alternent, alors que le scrutin majoritaire permet de la contourner.
On peut imaginer une autre conséquence, plus globale, de la baisse du nombre de sénateurs : la multiplication des listes dissidentes, lors des prochains renouvellements de 2020 et 2023. Il n’y aura de fait pas de place pour tous les sortants… Des choix délicats devront être faits. Mais un élu recalé pour l’investiture pourra toujours décider de se lancer, surtout avec le scrutin majoritaire, où il pourrait compter sur son nom et ses appuis dans le département pour faire son siège. Et le scrutin majoritaire concernera 68 départements… A moins qu’on change encore le mode de scrutin et qu’on abaisse à 2 sénateurs et plus le seuil des départements à la proportionnelle.
Moins de déséquilibres
Autre enseignement : la nouvelle clef de répartition réduit les déséquilibres de représentativité entre les différents départements. Dans le système actuel, on compte 56 départements dont la population représentée par un sénateur respecte l'écart de +/- 20 % par rapport au ratio moyen (un sénateur pour 204.800 habitants). Après la réduction des parlementaires, moins de départements s'écartent de cette fourchette, avec 69 départements qui respectent les +/- 20 %.
Contrairement à ce que peuvent affirmer certains sénateurs, la réforme n’irait pas forcément creuser davantage les disparités entre territoires. Du moins en moyenne. Dans le détail, l’Isère était sous représentée de 24% et réduirait cet écart à 8,9%. La Haute-Savoie, qui était perdant à -35% par rapport à la moyenne, se retrouverait surreprésentée avec +5,3%. Paris, en revanche, y perdrait : la capitale passerait d’un avantage de +11,8% à un écart de -6% par rapport à la moyenne. L’Aveyron y gagnerait toujours, mais réduirait l’écart de +31% à +3,8%.
Notre méthodologie :
Nous avons cherché quelle était en moyenne la population représentée par sénateur, en nous basant sur l’estimation de la population en 2018 en France, selon l’Insee. Nous sommes arrivés au chiffre de 204.800 habitants par sénateur en moyenne pour le Sénat actuel. Pour arriver à ce chiffre, nous n’avons pas tenu compte des 12 sénateurs représentants les Français de l’étranger, car le nombre de Français représentés n’est pas certain (1,8 million de personnes inscrites mais l’estimation est entre 2 et 2,5 millions). Nous avons aussi sorti du calcul les 6 collectivités d’Outre-mer, dont la faible population de certaines (comme les 6.000 habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon) pourrait apporter un biais au calcul.
En appliquant la baisse du nombre de parlementaires, avec 244 sénateurs, chaque sénateur représentera en moyenne 292.000 habitants. Nous avons appliqué ce ratio pour avoir la nouvelle répartition des sénateurs par département. Ce qui nous permet d’arriver au chiffre de 47 départements avec un seul sénateur.
Pour les 6 collectivités d’Outre-mer, nous avons laissé un sénateur. Quant aux 12 sénateurs représentants les Français établis hors de France, nous leur avons appliqué la baisse de 30%, ce qui donne 8 sénateurs. Mais en appliquant le ratio de 292.000 habitants sur les 101 départements et en conservant un sénateur par collectivité d’Outre-mer, il ne restait que 2 sénateurs pour les Français de l’étranger. Nous avons donc enlevé un sénateur aux six départements les plus peuplés, pour arriver à un nombre de 8 sénateurs des Français de l’étranger.
Nombre de sénateurs par département ou collectivité, après la réforme, selon notre projection.
Ain : 2 sénateurs
Aisne : 2 sénateurs
Allier : 1 sénateur
Alpes-de-Haute-Provence : 1 sénateur
Alpes-Maritimes : 4 sénateurs
Ardèche : 1 sénateur
Ardennes : 1 sénateur
Ariège : 1 sénateur
Aube : 1 sénateur
Aude : 1 sénateur
Aveyron : 1 sénateur
Bas-Rhin : 4 sénateurs
Bouches-du-Rhône : 6 sénateurs
Calvados : 2 sénateurs
Cantal : 1 sénateur
Charente : 1 sénateur
Charente-Maritime : 2 sénateurs
Cher : 1 sénateur
Corrèze : 1 sénateur
Corse-du-Sud : 1 sénateur
Côte-d'Or : 2 sénateurs
Côtes-d'Armor : 2 sénateurs
Creuse : 1 sénateur
Deux-Sèvres : 1 sénateur
Dordogne : 1 sénateur
Doubs : 2 sénateurs
Drôme : 2 sénateurs
Essonne : 4 sénateurs
Eure : 2 sénateurs
Eure-et-Loir : 1 sénateur
Finistère : 3 sénateurs
Gard : 3 sénateurs
Gers : 1 sénateur
Gironde : 6 sénateurs
Guadeloupe : 1 sénateur
Guyane : 1 sénateur
Haute-Corse : 1 sénateur
Haute-Garonne : 5 sénateurs
Haute-Loire : 1 sénateur
Haute-Marne : 1 sénateur
Hautes-Alpes : 1 sénateur
Haute-Saône : 1 sénateur
Haute-Savoie : 3 sénateurs
Hautes-Pyrénées : 1 sénateur
Haute-Vienne : 1 sénateur
Haut-Rhin : 3 sénateurs
Hauts-de-Seine : 5 sénateurs
Hérault : 4 sénateurs
Ille-et-Vilaine : 4 sénateurs
Indre : 1 sénateur
Indre-et-Loire : 2 sénateurs
Isère : 4 sénateurs
Jura : 1 sénateur
La Réunion : 3 sénateurs
Landes : 1 sénateur
Loire : 3 sénateurs
Loire-Atlantique : 5 sénateurs
Loiret : 2 sénateurs
Loir-et-Cher : 1 sénateur
Lot : 1 sénateur
Lot-et-Garonne : 1 sénateur
Lozère : 1 sénateur
Maine-et-Loire : 3 sénateurs
Manche : 2 sénateurs
Marne : 2 sénateurs
Martinique : 1 sénateur
Mayenne : 1 sénateur
Mayotte : 1 sénateur
Meurthe-et-Moselle : 3 sénateurs
Meuse : 1 sénateur
Morbihan : 3 sénateurs
Moselle : 4 sénateurs
Nièvre : 1 sénateur
Nord : 8 sénateurs
Nouvelle-Calédonie : 1 sénateur
Oise : 3 sénateurs
Orne : 1 sénateur
Paris : 6 sénateurs
Pas-de-Calais : 5 sénateurs
Polynésie française : 1 sénateur
Puy-de-Dôme : 2 sénateurs
Pyrénées-Atlantiques : 2 sénateurs
Pyrénées-Orientales : 2 sénateurs
Rhône : 5 sénateurs
Saint-Barthélemy : 1 sénateur
Saint-Martin : 1 sénateur
Saint-Pierre-et-Miquelon : 1 sénateur
Saône-et-Loire : 2 sénateurs
Sarthe : 2 sénateurs
Savoie : 1 sénateur
Seine-et-Marne : 5 sénateurs
Seine-Maritime : 4 sénateurs
Seine-Saint-Denis : 5 sénateurs
Somme : 2 sénateurs
Tarn : 1 sénateur
Tarn-et-Garonne : 1 sénateur
Territoire de Belfort : 1 sénateur
Val-de-Marne : 5 sénateurs
Val-d'Oise : 4 sénateurs
Var : 4 sénateurs
Vaucluse : 2 sénateurs
Vendée : 2 sénateurs
Vienne : 1 sénateur
Vosges : 1 sénateur
Wallis-et-Futuna : 1 sénateur
Yonne : 1 sénateur
Yvelines : 5 sénateurs
Français établis hors de France : 8 sénateurs