Réforme institutionnelle : la moitié des départements n’aurait plus qu’un seul sénateur

Réforme institutionnelle : la moitié des départements n’aurait plus qu’un seul sénateur

Après la baisse de 30% du nombre de parlementaires, le Sénat passera de 348 à 244 sénateurs. D’après les projections de publicsenat.fr, 47 départements n’auraient plus qu’un sénateur contre seulement 7 actuellement.
Public Sénat

Par Guillaume Jacquot et François Vignal

Temps de lecture :

9 min

Publié le

Mis à jour le

C’est l’un des points clefs de la réforme constitutionnelle. Celui sur lequel les discussions coincent toujours entre l’Elysée et le Sénat : la baisse du nombre de parlementaires. Avec une réduction de 30% du nombre de députés et sénateurs, chiffre avancé mercredi par Edouard Philippe, l’exécutif peut respecter la promesse présidentielle d’une baisse d’un tiers. On passerait ainsi de 577 à 404 députés et de 348 à 244 sénateurs. Le premier ministre assure que la nouvelle répartition « se ferait dans des conditions qui garantissent la représentation de tous les départements et territoires ». Sous entendu, avec au moins un sénateur par département, comme l’exigent les sénateurs. Mais pour Gérard Larcher, pour le moment, le compte n’y est pas. La discussion qui va s’engager au Parlement permettra certainement d’affiner le niveau de la baisse.

47 départements avec un seul sénateur

En partant de ce nouveau chiffre de 244 sénateurs, à quoi ressemblerait le Sénat ? Quelle serait la nouvelle répartition et combien de départements se retrouveraient avec un seul sénateur ? On compte actuellement 7 départements (Dom compris) avec un seul sénateur. C’est aussi le cas de 4 territoires d’Outre-mer.

D’après les calculs de publicsenat.fr, suite à la baisse de 30% du nombre de parlementaires, il y aurait pas moins de 47 départements avec un seul sénateur. Les 6 territoires d’Outre-mer auraient aussi chacun un sénateur. Près de la moitié des 101 départements se retrouveraient ainsi avec un seul sénateur pour les représenter. Soit 46 % des départements avec un seul sénateur, contre 6,9 % actuellement (voir la méthodologie à la fin).

75 départements perdent un sénateur

Selon la nouvelle répartition, 21 départements se retrouveraient avec 2 sénateurs (contre 39 actuellement). 33 départements auraient 3 sénateurs et plus (voir le détail en fin d’article).

Si 17 départements ne perdent pas de sénateur, 75 en perdent un. Ils sont 7 à perdre 2 sénateurs (Bouches-du-Rhône, Hauts-de-Seine), un seul perd 3 sénateurs et un département perd 6 sénateurs (Paris, selon nos critères). Des départements comme l’Eure-et-Loir et la Guadeloupe passeraient de 3 à 1 sénateurs.

Baisse de la proportionnelle au Sénat

Conséquence, plutôt ironique, de cette nouvelle répartition : la part des sénateurs élus à la proportionnelle va reculer au Sénat, alors que ce mode de scrutin sera introduit à l’Assemblée nationale avec une dose de 15 %.

A la Haute assemblée, les départements élisant 1 ou 2 sénateurs sont au mode de scrutin majoritaire à deux tours. Dans les départements élisant 3 sénateurs et plus, c’est le scrutin proportionnel qui est appliqué. Actuellement, 73% des sénateurs sont élus à la proportionnelle (255 sièges contre 93 au scrutin majoritaire). Après la baisse du nombre de parlementaires, 70% des sénateurs seront élus à la proportionnelle (170 sénateurs contre 74 au scrutin majoritaire). En comptant par départements, on passera de 46 départements au scrutin majoritaire (+6 Tom), à 68 départements (+6 Tom). Ce renforcement du mode de scrutin majoritaire, même légère, en pourcentage du nombre de sièges, ne sera pas neutre. Ce mode de scrutin renforce le poids des personnalités. On vote pour une personne et non une liste. La parité pourrait aussi en faire les frais, la proportionnelle imposant des listes où femmes et hommes alternent, alors que le scrutin majoritaire permet de la contourner.

On peut imaginer une autre conséquence, plus globale, de la baisse du nombre de sénateurs : la multiplication des listes dissidentes, lors des prochains renouvellements de 2020 et 2023. Il n’y aura de fait pas de place pour tous les sortants… Des choix délicats devront être faits. Mais un élu recalé pour l’investiture pourra toujours décider de se lancer, surtout avec le scrutin majoritaire, où il pourrait compter sur son nom et ses appuis dans le département pour faire son siège. Et le scrutin majoritaire concernera 68 départements… A moins qu’on change encore le mode de scrutin et qu’on abaisse à 2 sénateurs et plus le seuil des départements à la proportionnelle.

Moins de déséquilibres

Autre enseignement : la nouvelle clef de répartition réduit les déséquilibres de représentativité entre les différents départements. Dans le système actuel, on compte 56 départements dont la population représentée par un sénateur respecte l'écart de +/- 20 % par rapport au ratio moyen (un sénateur pour 204.800 habitants). Après la réduction des parlementaires, moins de départements s'écartent de cette fourchette, avec 69 départements qui respectent les +/- 20 %.

Contrairement à ce que peuvent affirmer certains sénateurs, la réforme n’irait pas forcément creuser davantage les disparités entre territoires. Du moins en moyenne. Dans le détail, l’Isère était sous représentée de 24% et réduirait cet écart à 8,9%. La Haute-Savoie, qui était perdant à -35% par rapport à la moyenne, se retrouverait surreprésentée avec +5,3%. Paris, en revanche, y perdrait : la capitale passerait d’un avantage de +11,8% à un écart de -6% par rapport à la moyenne. L’Aveyron y gagnerait toujours, mais réduirait l’écart de +31% à +3,8%.

 

Notre méthodologie :

Nous avons cherché quelle était en moyenne la population représentée par sénateur, en nous basant sur l’estimation de la population en 2018 en France, selon l’Insee. Nous sommes arrivés au chiffre de 204.800 habitants par sénateur en moyenne pour le Sénat actuel. Pour arriver à ce chiffre, nous n’avons pas tenu compte des 12 sénateurs représentants les Français de l’étranger, car le nombre de Français représentés n’est pas certain (1,8 million de personnes inscrites mais l’estimation est entre 2 et 2,5 millions). Nous avons aussi sorti du calcul les 6 collectivités d’Outre-mer, dont la faible population de certaines (comme les 6.000 habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon) pourrait apporter un biais au calcul.

En appliquant la baisse du nombre de parlementaires, avec 244 sénateurs, chaque sénateur représentera en moyenne 292.000 habitants. Nous avons appliqué ce ratio pour avoir la nouvelle répartition des sénateurs par département. Ce qui nous permet d’arriver au chiffre de 47 départements avec un seul sénateur.

Pour les 6 collectivités d’Outre-mer, nous avons laissé un sénateur. Quant aux 12 sénateurs représentants les Français établis hors de France, nous leur avons appliqué la baisse de 30%, ce qui donne 8 sénateurs. Mais en appliquant le ratio de 292.000 habitants sur les 101 départements et en conservant un sénateur par collectivité d’Outre-mer, il ne restait que 2 sénateurs pour les Français de l’étranger. Nous avons donc enlevé un sénateur aux six départements les plus peuplés, pour arriver à un nombre de 8 sénateurs des Français de l’étranger.

 

Nombre de sénateurs par département ou collectivité, après la réforme, selon notre projection.

Ain : 2 sénateurs

Aisne : 2 sénateurs

Allier : 1 sénateur

Alpes-de-Haute-Provence : 1 sénateur

Alpes-Maritimes : 4 sénateurs

Ardèche : 1 sénateur

Ardennes : 1 sénateur

Ariège : 1 sénateur

Aube : 1 sénateur

Aude : 1 sénateur

Aveyron : 1 sénateur

Bas-Rhin : 4 sénateurs

Bouches-du-Rhône : 6 sénateurs

Calvados : 2 sénateurs

Cantal : 1 sénateur

Charente : 1 sénateur

Charente-Maritime : 2 sénateurs

Cher : 1 sénateur

Corrèze : 1 sénateur

Corse-du-Sud : 1 sénateur

Côte-d'Or : 2 sénateurs

Côtes-d'Armor : 2 sénateurs

Creuse : 1 sénateur

Deux-Sèvres : 1 sénateur

Dordogne : 1 sénateur

Doubs : 2 sénateurs

Drôme : 2 sénateurs

Essonne : 4 sénateurs

Eure : 2 sénateurs

Eure-et-Loir : 1 sénateur

Finistère : 3 sénateurs

Gard : 3 sénateurs

Gers : 1 sénateur

Gironde : 6 sénateurs

Guadeloupe : 1 sénateur

Guyane : 1 sénateur

Haute-Corse : 1 sénateur

Haute-Garonne : 5 sénateurs

Haute-Loire : 1 sénateur

Haute-Marne : 1 sénateur

Hautes-Alpes : 1 sénateur

Haute-Saône : 1 sénateur

Haute-Savoie : 3 sénateurs

Hautes-Pyrénées : 1 sénateur

Haute-Vienne : 1 sénateur

Haut-Rhin : 3 sénateurs

Hauts-de-Seine : 5 sénateurs

Hérault : 4 sénateurs

Ille-et-Vilaine : 4 sénateurs

Indre : 1 sénateur

Indre-et-Loire : 2 sénateurs

Isère : 4 sénateurs

Jura : 1 sénateur

La Réunion : 3 sénateurs

Landes : 1 sénateur

Loire : 3 sénateurs

Loire-Atlantique : 5 sénateurs

Loiret : 2 sénateurs

Loir-et-Cher : 1 sénateur

Lot : 1 sénateur

Lot-et-Garonne : 1 sénateur

Lozère : 1 sénateur

Maine-et-Loire : 3 sénateurs

Manche : 2 sénateurs

Marne : 2 sénateurs

Martinique : 1 sénateur

Mayenne : 1 sénateur

Mayotte : 1 sénateur

Meurthe-et-Moselle : 3 sénateurs

Meuse : 1 sénateur

Morbihan : 3 sénateurs

Moselle : 4 sénateurs

Nièvre : 1 sénateur

Nord : 8 sénateurs

Nouvelle-Calédonie : 1 sénateur

Oise : 3 sénateurs

Orne : 1 sénateur

Paris : 6 sénateurs

Pas-de-Calais : 5 sénateurs

Polynésie française : 1 sénateur

Puy-de-Dôme : 2 sénateurs

Pyrénées-Atlantiques : 2 sénateurs

Pyrénées-Orientales : 2 sénateurs

Rhône : 5 sénateurs

Saint-Barthélemy : 1 sénateur

Saint-Martin : 1 sénateur

Saint-Pierre-et-Miquelon : 1 sénateur

Saône-et-Loire : 2 sénateurs

Sarthe : 2 sénateurs

Savoie : 1 sénateur

Seine-et-Marne : 5 sénateurs

Seine-Maritime : 4 sénateurs

Seine-Saint-Denis : 5 sénateurs

Somme : 2 sénateurs

Tarn : 1 sénateur

Tarn-et-Garonne : 1 sénateur

Territoire de Belfort : 1 sénateur

Val-de-Marne : 5 sénateurs

Val-d'Oise : 4 sénateurs

Var : 4 sénateurs

Vaucluse : 2 sénateurs

Vendée : 2 sénateurs

Vienne : 1 sénateur

Vosges : 1 sénateur

Wallis-et-Futuna : 1 sénateur

Yonne : 1 sénateur

Yvelines : 5 sénateurs

Français établis hors de France : 8 sénateurs

Dans la même thématique

Paris: Handover ceremony of Borne and Attal at Matignon Palace
10min

Politique

Renaissance : Gabriel Attal a-t-il déjà « plié le match » face à Elisabeth Borne pour prendre la tête du parti ?

Pas encore officiellement lancée, la candidature de Gabriel Attal pour prendre la tête de Renaissance ne fait plus beaucoup de doute en interne. Une bataille d’ex-premiers ministres, face à Elisabeth Borne, déjà candidate, va s’engager, au risque de tomber dans la guerre des chefs. Mais certains, à commencer par Emmanuel Macron, prônent un accord pour avoir un seul candidat.

Le

Réforme institutionnelle : la moitié des départements n’aurait plus qu’un seul sénateur
3min

Politique

Montée de l’antisémitisme : « Les condamnations ne sont pas suffisantes », selon Roger Karoutchi

Ce lundi, Roger Karoutchi, sénateur (LR) des Hauts-de-Seine, président du groupe d’amitié France/Israël, était invité de la matinale de Public Sénat. Il a qualifié d’« insensé » la décision d’Emmanuel Macron d’arrêter de livrer des armes à Israël. Le sénateur a également rappelé « le rythme insoutenable » des actes antisémites commis depuis le 7 octobre.

Le

Paris: French New Government Weekly Cabinet Meeting
4min

Politique

Agriculture : Michel Barnier annonce des prêts garantis et une aide de 75 millions d’euros, les éleveurs attendent de voir

En déplacement au Salon de l’élevage à Cournon d’Auvergne (Puy-de-Dôme), Michel Barnier a annoncé une aide de 75 millions d’euros pour les éleveurs de brebis victimes de la fièvre catarrhale ovine et des prêts garantis par l’Etat pour les exploitations en difficulté. Des mesures bienvenues pour les agriculteurs qui ne calment pas pour autant leur colère.

Le

Saint Ouen : Karime Boumrane new political movment France Humaine et Forte
8min

Politique

Glucksmann, Bouamrane, Delga : « Le crépuscule du macronisme peut faire espérer une reconstruction à gauche »

Karim Bouamrane qui lance son mouvement, Raphaël Glucksmann qui veut donner à Place publique une nouvelle dimension, sans oublier Carole Delga, tout ce qui gravite autour de la social-démocratie s’active et s’organise, en vue, déjà, de 2027. Mais avec un paradoxe : cette gauche anti-Mélenchon ne peut faire totalement sans LFI pour l’emporter.

Le