On souffle chez LR. Après une campagne difficile, voire chaotique, marquée par le psychodrame en PACA autour de Renaud Muselier et de son pas de deux avec LREM, le premier tour des régionales est synonyme de bouffée d’air pour Les Républicains. La droite arrive largement en tête du scrutin sur le plan national, avec 28,4 % des voix. Et c’est la fête aux sortants : Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez, sont largement en tête dans leurs régions.
« Les fusions créent de la confusion et chacun doit prendre ses responsabilités »
On prédisait un parti tiraillé entre le Rassemblement national d’un côté et LREM de l’autre. Finalement, l’extrême droite recule et le parti présidentiel est à la peine. « C’est réjouissant, tout ça se remet en ordre. Il y a une gauche et une droite », apprécie le sénateur LR de Paris, Pierre Charon. En revanche, il ne décolère pas contre les instituts de sondages. « Les sondeurs, une fois de plus, ont brillé par leur incompétence. Et c’est extrêmement dangereux, car on va subir ça pendant 8 mois. Je vois ça arriver : un coup, Marine Le Pen gagne, un autre coup c’est Emmanuel Macron. C’est une honte par rapport à ce qu’il s’est passé. Ils n’ont pas une marge d’erreur de 2 %, c’est 10 % ! Et ça influence les gens », craint Pierre Charon.
A la sortie d’un comité stratégique de LR ce lundi matin, le président du parti, Christian Jacob, ne cache pas une certaine satisfaction. « Vous nous avez annoncé à longueur d’antenne et d’éditos que LR était explosé, déchiré, avec un RN d’un côté et Macron de l’autre, qu’on n’existerait plus. Pour un parti qui n’existe plus, c’est un très bon résultat », se réjouit Christian Jacob. Mais après avoir appelé à la clarté ces dernières semaines, le principe de réalité s’impose. Et la droite a besoin des voix de la majorité présidentielle en Centre-Val-de-Loire, où il appelle LREM et Marc Fesneau à se retirer au profit du LR Nicolas Forissier, arrivé second, pour faire barrage au RN. Même demande de retrait à François de Rugy en Pays-de-la-Loire et à Denis Thuriot en Bourgogne-Franche-Comté pour éviter « un risque de gouvernance avec l’extrême gauche » dans trois régions. « Les fusions créent de la confusion et chacun doit prendre ses responsabilités. Et pas plus qu’on doit laisser l’extrême gauche diriger des régions, on ne doit pas laisser l’extrême droite », dit-il.
« La droite est majoritaire dans notre pays et en capacité de gagner 2022 » selon Damien Abad
Avant le comité, le président du groupe LR de l’Assemblée nationale, Damien Abad, tient lui un discours quelque peu différent. « On repart sous nos couleurs et pas d’alliance contre nature. Il n’y a pas besoin d’alliance politicienne, de regarder ni du côté d’En marche, ni de RN », soutient le député de l’Ain, qui ajoute : « On doit rester nous-même, on n’a besoin de personne. On n’a pas besoin de gens déconnectés des territoires ».
Reste que le patron des députés LR ne boude pas son plaisir. LR se prend même à rêver de plus haut. « C’est rassurant, ça montre qu’il y a un travail qui a été fait. Cela montre que la droite est majoritaire dans notre pays et en capacité de gagner 2022, si on s’organise bien. Ça dépend de nous », prévient Damien Abad.
Marc-Philippe Daubresse, sénateur LR du Nord, n’est lui pas contre un rapprochement en Centre-Val-de-Loire. « Une alliance avec Nicolas Forissier et Marc Fesneau peut l’emporter. C’est au cas par cas qu’il faut regarder les choses », soutient l’ancien ministre, qui se réjouit d’un point : « De toute manière, l’opération de Macron est ratée. La bombe à fragmentation pour faire exploser la droite est ratée ».
Ce proche de Xavier Bertrand se réjouit bien évidemment du fort score du président des Hauts-de-France. Et au passage de la « contre-performance complète de Laurent Pietraszewski avec les cinq ministres, en dessous de 10 %. Il y a eu un contre-effet Dupond-Moretti, il a fait perdre des voix ». Une situation que craignaient certains dans le camp présidentiel avant le scrutin, comme cette députée LREM :
Bertrand est renforcé à cause de nous. On lui envoie cinq ministres. Je ne décolère pas, mais je ne l’explique pas. C’est une vraie connerie.
« Les Républicains ont un problème de leadership »
Reste qu’à droite, le revers de la médaille de ces bons résultats, c’est de ne pas être plus avancé dans la recherche de son candidat(e) idéal, avec trois présidentiables – Bertrand, Pécresse, Wauquez – qui sortent tous trois renforcés. Jean-Pierre Raffarin ne s’y est pas trompé. « Les Républicains ont un problème de leadership », a tweeté l’ancien premier ministre.
Marc-Philippe Daubresse croit malgré tout que Bertrand a marqué des points. « Wauquiez fait un beau score, mais la discussion est entre Bertrand et Pécresse. Et celui qui fait le meilleur score et élimine En Marche, c’est Bertrand. C’est celui qui apparaît à la fois comme le meilleur challenger d’Emmanuel Macron et qui peut battre Marine Le Pen. Il a pris une longueur d’avance par rapport à Valérie Pécresse ».
« Ce n’est pas simple, comme tous font un score très confortable »
Les résultats vont « permettre de resserrer les liens au sein du parti. C’était tellement tendu… D’une certaine manière, on n’attendait même pas la présidentielle pour que la famille explose », rappelle la sénatrice LR de l’Essonne, Laure Darcos, porte-parole de Libres ! (mouvement de Valérie Pécresse) mais proche aussi du président des Hauts-de-France. Elle pense aussi que ce dernier a marqué davantage de points. « Xavier Bertrand a pris une avance assez majeure. Il leur a tous coupé l’herbe sous le pied en parlant le premier à 20 heures, c’était très symbolique », lance Laure Darcos, qui souhaite que « tous ces gens se retrouvent autour de Gérard Larcher et de Jean Leonetti dans une sorte de conclave. Ils mettent tout sur la table : cote de popularité, succès aux régionales, qu’on puisse choisir le meilleur sans passer par la case primaire ».
Mais s’il faut « être unis », Laure Darcos reconnaît que « ce n’est pas simple, comme tous font un score très confortable. C’est vrai que ce ne sera pas facile ». Elle ajoute : « C’est à la fois une chance mais aussi un problème, on a beaucoup de bonnes personnalités. Tout ce petit monde formerait un gouvernement idéal, avec aussi Barnier, Retailleau, Juvin, Lisnard. Mais il faut choisir le chef et ça sera une guerre d’egos. Mais on peut gagner ».
« Ceux qui connaissent bien François Baroin savent qu’il n’ira pas »
« Il vaut mieux gérer l’abondance que la pénurie. On savait bien que les régionales n’allaient pas tout régler », tempère Damien Abad. Chaque chose en son temps. C’est ce que dit Christian Jacob, qui n’entend pas « accélérer le calendrier. Il est calé. Il ne bougera pas. C’est en train de nous réussir. Ensuite, on passera à la présidentielle ».
D’ici l’automne, Christian Jacob rêverait de voir François Baroin se décider de se lancer dans la course. « Peut-être qu’il peut y croire, mais il est le seul à y croire », raille un parlementaire LR, « ceux qui connaissent bien François, savent qu’il n’ira pas. Il n’a pas du tout envie de sacrifier sa vie pour ça. Ils peuvent lui faire la danse du ventre, il ne va pas y aller ». Pour l’heure, le maire de Troyes devrait aller cette semaine soutenir Renaud Muselier, aux côtés du président du Sénat, Gérard Larcher, et de Christian Jacob. Mais en fin de journée, ce déplacement restait à confirmer.
« Il est minuit moins cinq. Et il ne faudrait pas penser que des élections locales sont des élections nationales »
En réalité, beaucoup reste à faire à droite et la victoire des régionales ne fait pas celles de demain. Marc-Philippe Daubresse le sait bien. « Il ne faut pas en tirer une conséquence automatique pour la prochaine présidentielle », reconnaît le soutien de Xavier Bertrand, surtout quand seulement « un tiers de l’électorat est allé voter ». Même mise en garde du député LR Julien Aubert : « Il est minuit moins cinq. Et il ne faudrait pas penser que des élections locales sont des élections nationales. La prime aux sortants s’applique aux présidents de régions. Il ne faudrait pas qu’elle s’applique demain au président de la République ».
Le mot de la fin à Jean-François Copé, ancien patron du parti, qui a connu ce qu’on appelait à l’époque « la droite la plus bête du monde » : « J’espère que la droite saura s’organiser avec rigueur et concentration pour éviter la machine à perdre ». Celui qui était au cœur de la bataille pour la tête du parti face à François Fillon, en 2012, sait de quoi il parle.