Régionales en Paca : la direction de LR calme le jeu et soutient Muselier malgré son « erreur d’analyse politique »

Régionales en Paca : la direction de LR calme le jeu et soutient Muselier malgré son « erreur d’analyse politique »

La décision de la direction du parti de la rue de Vaugirard est accueillie fraîchement au Sénat, où l’on reconnaît l’absence « d’autre choix » possible.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

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Episode final dans la série printanière qui fracture la droite ? Réunis en comité stratégique mardi matin, les chefs à plume des Républicains ont voté une décision en forme d’« en même temps » pour trancher le cas des élections régionales en Paca : le truculent président LR sortant, Renaud Muselier, commet une « erreur d’analyse politique » en accueillant 15 membres de la majorité présidentielle sur sa liste mais reçoit tout de même le soutien du parti. Confrontés à une véritable « déflagration », les dirigeants des Républicains se déchiraient depuis plusieurs semaines sur l’opportunité de s’allier aux régionales avec LREM en Paca. Le patron des LR Christian Jacob a donc « souhaité la victoire » de Renaud Muselier en Provence-Alpes Côte d’Azur pour « empêcher le basculement » au profit du RN Thierry Mariani, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, donné gagnant par les sondages.

Même si la condition mise par LR pour le soutenir – « ni ministre, ni député LREM » sur la liste - a été remplie, Christian Jacob a déploré « la présence de colistiers de la majorité présidentielle et l’absence de parlementaires LR sur la liste », qui ont « créé des tensions et une confusion sur le terrain, préjudiciables à la campagne ». Les Républicains dénoncent notamment des « manœuvres élyséennes » pilotées par le conseiller politique du président de la République, Thierry Solère, ancienne figure de la droite. La déclaration de Christian Jacob a été mise au vote des 22 membres du conseil stratégique. Sans surprise, deux ont voté contre : le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, et le député et président de la commission d’investiture Éric Ciotti, également patron de la puissante fédération des Alpes-Maritimes, qui a retiré son soutien à Renaud Muselier. Lundi, Éric Ciotti a vilipendé dans une interview au vitriol donné au Figaro le président de la région Paca, l’accusant d’être « un candidat de la majorité présidentielle », avant de se faire rabrouer le soir même par Christian Jacob, selon Politico. La secrétaire d’Etat Sophie Cluzel, qui soutient la liste de Renaud Muselier sans y figurer, n’a pas manqué d’en profiter pour appeler Éric Ciotti à clarifier la situation en adhérant au Rassemblement national. Et creuser toujours un peu plus le sillon de la division à droite.

« La décision est claire, fermez le ban ! »

Au Sénat, la décision du parti a été accueillie fraîchement par les sénateurs qui tenaient la traditionnelle réunion de groupe mardi matin. Dans la foulée du comité stratégique, le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau a rappelé sa position : « J’ai plaidé pour le retrait de notre soutien à Renaud Muselier car en dépit de ses engagements, il a noué un accord avec l’Elysée, annoncé par le Premier Ministre et dont le seul objet est de nous affaiblir pour dégager l’espace entre Macron et le Rassemblement national (RN). La droite n’est pas soluble dans le macronisme », a tweeté Bruno Retailleau. Quatre se sont abstenus : le numéro deux du parti Guillaume Peltier, les députés Julien Aubert et Michèle Tabarot, ainsi que l’eurodéputée Nadine Morano.

Le casus belli a été furtivement abordé en réunion sénatoriale. « Retailleau s’est exprimé rapidement lors de la réunion de groupe quand Larcher n’était pas là, il a rappelé sa position », confie un participant, qui constate, las : « A partir du moment où il n’y avait pas d’autre liste, on n’avait pas le choix. Mais depuis la tambouille de Muselier, le RN a gagné des points dans les sondages. »

A la sortie de la réunion de groupe, les élus de la chambre Haute sont peu loquaces. Sénatrice des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer renvoie à la position de Bruno Retailleau. Sa collègue des Alpes-Maritimes et soutien de Xavier Bertrand, Dominique Estrosi Sassone lance : « La décision est claire, fermez le ban ! Faisons la campagne ! »

Muselier, la « formule magique » et les « apprentis sorciers »

Seul Philippe Tabarot, sénateur et conseiller municipal de la majorité de Muselier chargé de la délégation des Transports consent à plus d’explications, amer d’avoir fait les frais du deal de « Muso » avec l’exécutif. Son nom qui devait figurer sur la fameuse liste n’a pas été retenu, comme d’autres parlementaires LR. : « Il n’y a pas de bonne position, il y a une faute grave qui a été faite. Tous ceux qui ont imaginé ce plan avec une alliance de LREM, le président de la République, le Premier ministre, Renaud Muselier et Messieurs Estrosi et Falco (maires de Nice et Toulon, qui ont quitté le parti), tout cela fait que le RN gagne 6 à 7 points dans les sondages. C’est la preuve que c’est la plus mauvaise manière pour soi-disant combattre le Rassemblement national. » Il poursuit, toujours sur une ligne de crête : « Si le RN gagne, Marine Le Pen revendiquera cette victoire, elle expliquera que c’est une marche supplémentaire qu’elle vient de gravir dans la conquête de l’Elysée, et puis d’un autre côté, si Renaud Muselier gagne, ce que je souhaite tout de même, il ne pourra revendiquer seul sa victoire. Ce sera également une victoire d’Emmanuel Macron, et il saura lui rappeler. » En bref, « la victoire de LREM c’est d’avoir obtenu cet accord avec Renaud Muselier », observe Philippe Tabarot, qui ne cache pas son malaise. « Ça me fait beaucoup de mal d’entendre Sophie Cluzel dire que la liste soutenue par le gouvernement est celle de Renaud Muselier. J’ai travaillé avec lui pendant toutes ces années. Je vis assez mal que ce bilan soit récupéré par un certain nombre de membres du gouvernement ».

Philippe Tabarot : "La victoire de LREM c’est d’avoir obtenu cet accord avec Renaud Muselier"
07:37

Comme lui, d’autres poids lourds de la droite se conforment à la position d’équilibriste adopté par le parti. « Entre Muselier et Mariani, il n’y a pas photo », selon le chef de file des députés LR Damien Abad. Mais « nous ne pouvons cautionner cet accord, conclu à l’Elysée avec LREM », qui vise « à créer de la confusion dans notre électorat et à la fin des fins faire augmenter le RN ». « Cette solution intermédiaire prise par Christian Jacob a le mérite d’exister. Ce n’est pas facile pour lui de gérer un parti attaqué de toute part », défend Philippe Tabarot, qui estime par ailleurs qu’Éric Ciotti et Bruno Retailleau ne sont pas allés trop loin. Mais en attisant le feu des divisions, ce conflit a-t-il fait resurgir deux droites irréconciliables ? « Peut-être, peut-être. Ceux qui sont ‘proches de Macron n’ont fait gagner six points à Thierry Mariani en une journée ! Ils ont vraiment intérêt à changer de logiciel ! », exhorte Philippe Tabarot, qui rappelle la fermeté du parti : aucune alliance, ni avec le RN, ni avec LREM. Pourtant, en Bourgogne Franche-Comté, la tête de liste LR Gilles Platret n’a pas hésité à confier sa liste dans la Nièvre à Pascal Lepetit, délégué régional DLF et ancien membre du FN, alliance contestée par le président LR du Sénat Gérard Larcher et Damien Abad. « C’est un épiphénomène, une ou deux personnes », évacue Philippe Tabarot qui déplore de voir les régionales ainsi « nationalisées » par l’exécutif. Et d’asséner un dernier avertissement, à l’égard de l’exécutif : « Notre bilan est oublié parce que certains ont voulu jouer aux apprentis sorciers en trouvant une formule magique pour faire gagner Renaud Muselier, formule magique qui le met aujourd’hui perdant dans tous les sondages ».

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