Régionales en Paca : Muselier sommé par les LR à la « clarté », Macron accusé de vouloir « faire exploser les LR »

Régionales en Paca : Muselier sommé par les LR à la « clarté », Macron accusé de vouloir « faire exploser les LR »

Sous tension, LR pousse le président de la région Paca à refuser des LREM sur sa liste aux régionales. « Il faut un accord de clarté », demande Bruno Retailleau. « Le premier ministre m’a apporté son soutien » souligne dans un communiqué Renaud Muselier, tout en assurant que « la colonne vertébrale » de sa liste « sera naturellement Les Républicains ». La commission d’investiture de ce soir s’annonce cruciale.
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« C’était tendu ». L’un des participants du comité stratégique des LR, qui s’est tenu ce mardi matin au siège du parti sur le cas Muselier, résume l’ambiance. Une réunion à huis clos sous forme de psychodrame, dont le parti est devenu coutumier ces dernières années. Le retrait de la liste LREM en Paca en faveur du président LR sortant de la région n’en finit pas de déstabiliser LR. Une bombe à fragmentation lâchée par le premier ministre, sous la bénédiction du chef de l’Etat.

Mais les LR cherchent la porte de sortie. Et à échapper à la confusion. Ils demandent à leur « ami » Renaud Muselier de refuser la présence de députés LREM et de ministres sur sa liste. Et de réintégrer des LR. Une forme d’ultimatum avant la réunion de la Commission nationale d’investiture (CNI) ce soir. « Tu es mon ami, mais tu ne peux pas être celui qui met une balle dans la tête de la droite », lui a lancé François Baroin, pendant la réunion, selon des propos rapportés.

Muselier : « Je veux démontrer que je suis libre, indépendant »

A la sortie, rue de Vaugirard, ce matin, Renaud Muselier assure lui qu’il n’y a « aucun ultimatum ». « Il n’y aura pas d’accord d’appareils », soutient-il. Il ne dément pas la phrase de François Baroin mais la rectifie : « Ce n’était pas tout à fait ça. C’était un message amical entre deux chasseurs… Et il parlait de Christian Jacob, pas de LR ». Mais il assure qu’on ne lui impose rien : « C’est moi qui décide. Je veux démontrer que je suis libre, indépendant. Ce n’est pas le premier ministre qui décide pour moi, ce n’est pas le Président qui décide pour moi, ce n’est pas ma formation politique qui décide pour moi, je suis un homme libre. […] Moi je n’ai jamais trahi Monsieur », lâche le président de Paca, remonté (voir la première vidéo de Quentin Calmet et Jonathan Dupriez). Il promet un « communiqué en fin de matinée pour clarifier la situation ».

« La situation est compliquée, on ne va pas se le cacher », constate Christian Jacob à la sortie. Mais il l’assure : « On n’est pas du tout sur un sujet d’exclusion ». Il dénonce surtout les « manœuvres politiciennes d’En Marche car ils font le constat d’échec de ne pas pouvoir conduire une liste ». Il a le « sentiment que Renaud a été sensible à nos arguments », « qu’il a entendu le message ».

Jacob sur Muselier : « On n’est pas du tout sur un sujet d’exclusion »
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« C’est le clan des chiraquiens. Jacob va essayer de sauver son copain Muselier. Il est bien emmerdé… »

Pour Christian Jacob, la situation est en réalité compliquée à plus d’un titre. « C’est le clan des chiraquiens. Jacob va essayer de sauver son copain Muselier. Il est bien emmerdé… », décrypte un bon connaisseur du parti. Deux lignes s’opposent. Certains plaident pour monter une liste LR contre Muselier, d’autres écartent l’idée. « On ne peut pas être absent du débat public en Paca. Il faudra forcément une liste », confie un sénateur LR à la mi-journée, avant la réunion de groupe. « Je m’opposerai à une liste qui fera un score ridicule » dit un autre. « A huit jours du dépôt, ça me paraît impossible », pense une sénatrice LR. « Ce n’est pas PACA, c’est package », préfère botter en touche un autre.

A la sortie, Bruno Retailleau, président de groupe et présidentiable, fille vers son bureau. « Il faut un accord de clarté », lâche simplement le sénateur de la Vendée, « sinon, je ne m’associerai pas à un accord », prévient Bruno Retailleau. « Sa position est simple : pas question de soutenir une liste qui comprendrait des LREM. Et il n’est pas acceptable d’éliminer des personnes LR », résume une membre du groupe après la réunion, « et il espère que LR vont pouvoir faire une liste ou que Muselier revienne à la raison ». « C’est ce que pensent beaucoup d’entre nous », ajoute cette même source.

Muselier ménage la chèvre et le chou dans son communiqué

Il faut attendre le milieu d’après-midi pour avoir enfin le communiqué. Renaud Muselier semble ménager la chèvre et le chou. Autrement dit En Marche et LR. Il fait en quelque sorte du… « en même temps ». « Le premier ministre m’a apporté son soutien. […] C’est une réponse à la volonté d’ouverture que j’ai à plusieurs reprises exprimée et qu’il partage. Je veux donc redire clairement comme je l’ai dit depuis le début, qu’il n’y a pas et qu’il n’y aura pas d’accord à quelques niveaux que ce soit avec En Marche, pas plus qu’avec d’autres appareils, mais je suis sensible à tous les soutiens qui se manifestent », écrit Renaud Muselier. Il continue plus loin :

Je conduirai donc une équipe dont la colonne vertébrale sera naturellement Les Républicains.

Cette liste sera ouverte à « tous ceux qui voudront avec nous contribuer au succès de notre projet régional ». Précision : « Cette élection est régionale et ne peut en aucun cas, comme certains le souhaiteraient à Paris ou ailleurs, être l’occasion de préparer la présidentielle ou imaginer une quelconque recomposition politique. Ce n’est en rien mon combat ». Assez clair pour rassurer les dirigeants de LR ? Pas sûr. Il faudra attendre la CNI.

« Renaud Muselier n’apporte pas la clarification attendue » selon Bruno Retailleau

Selon l’un des membres de la Commission nationale d’investiture, il pourrait en sortir cette solution : « Soutien et non investiture LR, pas de LREM très connus sur la liste, pas de liste LR contre Renaud Muselier et affirmation qu’il n’y a pas d’accord avec LREM ». « Ça se joue mais cela va dépendre de ce qu’il dit », tempère un autre membre de la CNI.

Les choses ne sont pas encore faites. En fin d’après-midi, un communiqué de Bruno Retailleau accueille froidement celui de Renaud Muselier. « Je regrette que le communiqué de Renaud Muselier n’apporte pas la clarification attendue. Il ne suffit pas de proclamer, comme Renaud Muselier le fait depuis des semaines, qu’il ne conclura pas d’accord avec En Marche. […] Ce communiqué opère même un recul par rapport aux propos de Renaud Muselier lors du comité stratégique de ce matin, puisqu’il ne confirme même pas sa promesse de ne pas intégrer des ministres ou des parlementaires En Marche ! » dénonce le président de groupe. « Là où nous attendions de la clarté, nous avons donc un surcroît d’ambiguïté » pointe encore Bruno Retailleau, qui ne voit « pas comment LR peut ce soir accorder l’investiture à Renaud Muselier, sauf à ce que ce dernier présente devant la commission la composition précise de ses listes, afin de lever toute ambiguïté ».

« Muselier a fait une bêtise sous la pression »

« S’il fait un demi-compromis ou de fausses propositions, ce n’est pas acceptable », selon un sénateur qui a de la bouteille. Certains sont plus cléments, comme Jacques Grosperrin, sénateur LR du Doubs. Il « peut comprendre qu’il ait envie de faire barrage au RN. Mais c’est mortifère de faire une alliance avec LREM, car on ne sera pas audible ». « Les choses ont été clairement dites : qu’il n’y ait pas d’accord avec LREM avant le premier tour », rappelle la sénatrice LR Dominique Estrosi- Sassone, qui attend de « voir ce qu’il va proposer ce soir ». Elle pointe le rôle de « Monsieur Estrosi », le maire de Nice et son ancien compagnon, et de « Monsieur Falco », celui de Toulon, qui « pensent effectivement que pour faire barrage au RN, il faut s’allier dès le premier tout avec LREM ».

Mais il ne s’agit pas que de faire barrage au RN. « Renaud Muselier s’est fait piéger par Macron. Il voulait faire une majorité de projet et à l’évidence, Macron veut faire une recomposition politique avec un impact national » pour l’ancien ministre et sénateur, Marc-Philippe Daubresse, selon qui « Muselier a fait une bêtise sous la pression ». Regardez :

Daubresse : "Muselier s'est fait piéger par Macron"
01:25

« Il comprendra que le Président et le premier ministre ont essayé de faire exploser les LR et il en est l’instrument », pense de son côté le sénateur LR des Alpes Maritimes, Philippe Tabarot. Conseiller régional PACA et ancien vice-président chargé des transports à la région, il connaît très bien Renaud Muselier. Sa collègue sénatrice LR des Bouches-du-Rhône, Valérie Boyer, « retient le piège grossier fait par Emmanuel Macron », qui ne vise que la « déconstruction ».

« La sortie de Castex, qui a été très habile, met tout le monde dans la merde » lâche Pierre Charon

Pierre Charon, fidèle sarkozyste, pense que « Renaud Muselier a peut-être des explications valables ». Mais « il n’est pas convaincu de la stratégie. Si l’idée c’est de gagner, il n’avait pas besoin de cet accord. […]. Au second tour, LREM aurait peut-être eu un réflexe républicain en retirant sa liste. […] A mon avis, ça tombait tout droit dans le bec de Muselier sans qu’il n’ait besoin de faire un accord. Mais malheureusement, entre temps, il y a eu le JDD et la sortie de Castex, qui a été très habile et qui met tout le monde dans la merde ». C’est bien résumé.

Charon sur Muselier : « La sortie de Castex dans le JDD a mis tout le monde dans la merde »
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