« Je n’ai pris aucune décision puisque nous sommes toujours dans le dialogue avec les écologistes et les communistes. La situation reste extrêmement mouvante… » Patrick Kanner est catégorique : il n’est pas question, en tout cas pour le moment, de se désister au profit de l’un de ses potentiels alliés politiques. « Un accord, il faut qu’il soit gagnant/gagnant et pour le moment, que ce soit moi devant ou moi derrière, aucun accord national ou local n’a été trouvé pour ces régionales », assure le sénateur socialiste du Nord à Public Sénat.
Pourtant, depuis quelques semaines, la petite musique d’un abandon de la tête de liste PS que brigue Patrick Kanner pour les élections régionales dans sa région des Hauts de France circule avec insistance.
Bagarre à trois
« Il est conscient qu’il ne décolle pas dans les sondages, et que s’il maintient sa candidature seul, il ne parviendra pas à se qualifier pour le second tour », anticipe un sénateur de la région.
« Patrick Kanner n’est ni un courageux, ni un jusqueboutiste. Rappelez-vous lors des dernières élections municipales à Lille, il voulait coûte que coûte être candidat à la mairie, et finalement, il s’est couché encore une fois devant Martine Aubry », lance un ténor national de la gauche, qui ne voit lui aussi que la solution du désistement.
Il faut dire que les écologistes représentés par l’eurodéputée Karima Delli et les communistes par le numéro un du parti, Fabien Roussel, ne sont pas faciles en affaires.
Un comportement que dénonce le sénateur PS de la Somme Rémi Caron. « Pour les Verts et le PC, il n’y a pas de négociation possible : ils veulent être tête de liste quoiqu’il advienne de cette éventuelle union de la gauche. Mais moi, je pose cette question : est-ce que c’est responsable de partir à trois listes à gauche ? La réponse est non. Cela fait plus de trois mois que nous discutons et nous en sommes toujours au même point. Pour que la gauche soit représentée au conseil régional lors du prochain mandat, il va donc bien falloir que quelqu’un soit enfin responsable ! Est-ce que ce seront les socialistes ? Telle est la question », pose le jeune soutien de Patrick Kanner.
Des militants PS séduits par Xavier Bertrand ?
Autre problème pour l’ancien ministre des Sports de François Hollande : le Parti socialiste ferait également pression sur lui pour qu’il accepte que les Verts, et donc Karima Delli, soit la tête de liste de cette union de la gauche voulue par la maire PS de Paris Anne Hidalgo en vue d’une possible candidature à l’élection présidentielle en 2022.
« C’est la nouvelle stratégie du PS dans toutes les régions pour convaincre les Verts de se ranger derrière eux en 2022 », assure un sénateur de la région.
Un scénario que dément l’entourage de Patrick Kanner qui reproche avant tout aux écologistes de vouloir « se compter aux régionales » pour être en position de force, imposer leur tête de liste en 2022, et ainsi obliger le Parti socialiste à « se contenter des miettes une seconde fois ».
Qu’il décide ou pas de se désister, le candidat du PS à la présidence des Hauts de France pourrait finalement être perdant sur tous les tableaux. Selon nos informations, des dizaines de militants PS de la région, et en partie ceux de la puissante fédération du Pas de Calais, seraient farouchement opposées à une alliance avec les Verts, et menaceraient même dans ce cas de rejoindre le président sortant Xavier Bertrand qui, selon un récent sondage, dépasse les 32 % d’intention de vote au 1er tour, juste devant le candidat du RN, Sébastien Chenu avec 30 %.
« Même si tout dépend de la nature de l’accord avec eux, je ne serai pas surpris que certains de nos camarades rejoignent les listes de Xavier Bertrand en effet », confirme Bertrand Petit, vice-président PS du conseil départemental du Pas de Calais, et membre de la fédération PS locale.
« Eviter le scénario triple 9 »
Les tractations devraient donc se poursuivre sans relâche dans les prochains jours entre socialistes, écologistes et communistes pour essayer de trouver enfin un terrain d’entente. Le tout sous la pression de barons socialistes locaux qui voudraient également s’assurer une belle place sur la liste régionale pour se refaire une santé.
« Quand je vois Xavier Bertrand qui sillonne la région avec son minibus, ou encore Sébastien Chenu déjà en campagne également, je me dis que nous avons pris un vrai train de retard et qu’il est temps qu’on se réveille », râle Rémi Cardon, qui souhaite à tout prix éviter ce qu’il appelle « le scénario triple 9 », à savoir les trois listes de gauche qui arriverait à 9 % au soir du premier tour, et ne pourraient pas se qualifier pour le second.