La finance serait-elle désincarnée ? Une entité qui n’a « pas de nom, pas de visage » comme le candidat François Hollande la décrivait en 2012 ? Une accusation un peu facile selon Bertrand Badré, ancien directeur de la Banque Mondiale : « Ça n’a pas de sens, il faut la finance remettre à sa juste place : c’est un outil qui nous permet de nous projeter dans le temps et dans l’espace ». Cependant, comme le souligne le sénateur Éric Bocquet, si l’on s’intéresse à la crise de la Covid, « la finance ne s’est pas effondrée, comme on peut le constater. Pourtant il ne se passe pas un jour sans qu’un plan de sauvegarde de l’emploi ne soit annoncé ». La preuve selon lui d’un déni de la réalité dans le secteur financier, avant d’étayer son propos avec un chiffre : « Chaque jour dans le monde, je crois qu’on est à 5 300 milliards de dollars de transaction financière, moins de 3 % de ces transactions ont un lien avec l’économie réelle ».
« Cette crise nous donne l’occasion de finir le travail ».
Bertrand Badré, ancien directeur de la Banque Mondiale, est moins catégorique : « Cette crise révèle, accentue, souligne tout ce qui n’a pas été fait après la crise financière précédente ». Selon lui, le monde de la finance doit être régulé, mis au service de l’économie et en cela la crise des subprimes a servi de leçon, sans toutefois que ce ne soit suffisant. Et c’est ce qui ferait défaut aujourd’hui. La finance est nécessaire à l’économie, et serait même d’une grande utilité pour affronter les problèmes sociaux ou climatiques que nous nous apprêtons à traverser. Or pour Bertrand Badré, « cette crise nous donne l’occasion de finir le travail ».
Une finance bien régulée, synonyme de panacée ? Pas forcément selon Catherine Larrère, pour qui notre aversion aux crises est le symbole d’une société devenue pessimiste et décliniste. La finance, comme n’importe quel outil, ne garantira rien dans un monde par définition instable. « Prévoir et savoir sont deux choses différentes » nous rappelle la philosophe pour qui, comme l’indique le titre de son livre, « Le pire n’est pas certain ».
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