Cela fait plusieurs semaines que les rumeurs de remaniement bruissent, mais ces derniers jours, tout laisse à penser qu’il est imminent. L’annonce du « maintien » d’Elisabeth Borne à Matignon le 17 juillet dernier a officiellement ouvert la période de paris et de conjectures qui précède l’annonce d’un nouveau gouvernement. Mais celle-ci peut prendre plusieurs jours pour arriver, et cela pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles : les intérêts et le patrimoine des futurs ministres doivent être passés au crible, avant qu’ils soient validés pour intégrer l’exécutif. Il faut dire que la dernière affaire en date, la démission en novembre 2022 de Caroline Cayeux, après sa remise en cause par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) de l’évaluation de certains de ses biens immobiliers, avait embarrassé la majorité.
Des lois pour « moraliser » la vie politique
Après l’affaire Cahuzac, les lois relatives à la transparence de la vie publique de 2013 créent la HATVP, et la chargent de vérifier la véracité des déclarations d’intérêt et de patrimoine que lui transmettent au début et à la fin de leur mandat les membres du gouvernement et leurs collaborateurs, les parlementaires nationaux et européens, les principaux responsables exécutifs locaux, les membres des autorités administratives indépendantes, les collaborateurs du Président de la République et les responsables des principales entreprises publiques. Ces lois instituent aussi le contrôle fiscal systématique des ministres nommés.
En 2017, dans le sillage de l’affaire Fillon, et après qu’Emmanuel Macron a fait de la « moralisation » de la vie politique un des thèmes centraux de sa campagne en 2017, les lois pour la confiance dans la vie politique, sont venues donner de nouvelles possibilités en termes de contrôle à priori des personnes entrant au gouvernement.
La HATVP, principale protagoniste du contrôle des membres du gouvernement
Le protagoniste principal de ce contrôle est la HATVP, créée en 2013 en remplacement de la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Cette autorité indépendante, composée de six experts indépendants élus parmi les membres de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes, dont deux sont nommés par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Cette jeune instance a vite trouvé une place centrale dans la démocratie française, et a vu son activité quasiment doubler entre 2021 et 2022.
Le Président peut contrôler en amont ses candidats
Ainsi, depuis 2017, le Président peut demander, avant de nommer ses ministres et secrétaires d’Etat, de consulter plusieurs informations à leur égard.
Il peut d’abord se renseigner auprès de la HATVP de si elle dispose d’informations concernant la déclaration d’intérêt et d’activité, ou la déclaration de patrimoine des personnes concernées, et si une situation de conflit d’intérêt existe. Elle peut proposer des solutions pour la prévenir le cas échéant. L’autorité indépendante dispose de deux jours pour cela.
Le Président peut ensuite demander à l’administration fiscale une attestation concernant le paiement des impôts du candidat. Enfin, il peut consulter le bulletin n°2 de son casier judiciaire, qui répertorie l’ensemble des condamnations judiciaires et des sanctions administratives dont il aurait pu faire l’objet.
Ces vérifications sont toutefois possibles, mais pas obligatoires.
Un contrôle approfondi des déclarations d’intérêt et de patrimoine
Mais la vérification ne s’arrête pas là : une fois le ministre nommé, il doit transmettre à la HATVP deux déclarations : la déclaration d’intérêts, dans laquelle il déclare ses activités professionnelles, ainsi que celles de son conjoint, ses activités bénévoles, ses mandats dans des entreprises et ses actions détenues ; et la déclaration de patrimoine, où sont répertoriées ses biens immobiliers, mais aussi ses placements, assurances vie, comptes bancaires, véhicules, emprunts et dettes. Les nouveaux ministres ont deux mois pour les faire parvenir à l’autorité indépendante.
De plus, depuis la loi de 2013, les nouveaux membres du gouvernement font l’objet d’un contrôle fiscal, et sont contraints à la démission si elle n’est pas conforme. Ce contrôle se fait, une fois de plus, sous l’autorité de la HATVP.
Les membres des cabinets ministériels sont également soumis à un contrôle
Et quid des collaborateurs des ministres ? S’ils ne font pas l’objet d’un contrôle à priori comme les ministres, ils doivent également remettre à la HATVP une déclaration d’intérêts et de patrimoine.
Pour ceux qui ont travaillé dans le secteur privé au cours des trois dernières années, ils font également l’objet d’un contrôle préventif par la Haute autorité. Elle peut donner un avis de compatibilité, lorsqu’aucune difficulté déontologique ne survient. Mais lorsqu’un risque existe, elle peut décider d’émettre un avis de compatibilité avec réserves, en demandant à la personne en cause de mettre en place des mesures de précaution, ou bien un avis d’incompatibilité, lorsque le risque déontologique est trop grand.
Une procédure à revoir ?
La procédure de contrôle des membres du gouvernement ne satisfait pour autant pas totalement la HATVP. Ainsi, dans son rapport d’activité pour 2022 présenté au Sénat le 5 juillet par son président Didier Migaud, l’instance juge trop long le délai de deux mois laissés aux nouveaux membres du gouvernement pour transmettre leurs déclarations d’intérêt et de patrimoine. Elle préconise de le maintenir, mais de mettre en place, avec un délai de transmission d’une semaine à compter de la nomination, un « questionnaire de prévention des conflits d’intérêts », afin d’éviter les situations susceptibles de « nuire à l’action gouvernementale ».
L’instance souhaite également être dotée d’un pouvoir de sanction administrative propre, dans le cas où un manquement à l’obligation de dépôt d’une déclaration serait constaté.