Paris : Cabinet meeting

Rencontre entre Macron et les partis : « Pas évident que la magie de ce moment se prolonge jusque dans l’hémicycle », selon Hervé Marseille

La rencontre avec les chefs de partis, réunis à huis clos par Emmanuel Macron, était « un exercice démocratique intéressant », selon Hervé Marseille, président de l’UDI et du groupe centriste du Sénat. Il confirme qu’Emmanuel Macron a jugé « un peu absurde » l’impossibilité de faire trois mandats présidentiels de suite.
François Vignal

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Ils ont tenu jusqu’au bout de la nuit. C’est un peu après 3 heures du matin que les chefs de partis, réunis à Saint-Denis, sans collaborateur ni téléphone portable, à l’invitation d’Emmanuel Macron, sont ressortis de ces 12 heures de réunion. International, institutions, cohésion de la Nation… Le programme était vaste. Présent en tant que président de l’UDI, Hervé Marseille retient une « ambiance plutôt sérieuse, mais détendue » et « surtout, avec une grande liberté d’expression ». « Est-ce que ça peut déboucher sur des compromis ? C’est moins sûr. Tout le monde est resté jusqu’à la fin. Mais à la sortie, j’ai tout de suite vu par les interventions que le naturel reprenait le dessus », note celui qui est aussi président du groupe Union centriste du Sénat. Entretien.

Vous avez participé hier à la rencontre d’Emmanuel Macron avec les chefs de partis. Vous avez été libéré au bout de 12 heures. Qu’avez-vous retenu ?

Forcément, c’était long. Mais en même temps, c’était intéressant. Et c’était de bonne qualité, innovant. Parce que ce n’était pas évident de mettre des gens aussi différents que Jordan Bardella et Manuel Bompard dans la même salle pour discuter sur un certain nombre de sujets, et qui parfois pouvaient même converger. Par exemple, sur la politique internationale, il y avait un soutien assez large à la politique menée par le Président. Il y a des appréciations, mais sur ce que mène la France, il n’y a pas de décalage.

Le seul engagement à la sortie, c’est une conférence sociale sur les carrières et les branches situées sous le salaire minimum. Il peut en ressortir quelque chose ?

A l’évidence, il y a un problème de pouvoir d’achat. On le sait avec l’inflation. La conférence sociale, c’est une idée qui rattrape un peu ce qu’on aurait dû faire après la Covid, c’est-à-dire tirer les conséquences sociales de cette période. Je suis pour et on l‘avait réclamée il y a un an et demi. Ce n’est pas forcément une idée de gauche. C’est une idée qui rejoint les préoccupations sociales.

Pour vous, cette « rencontre de Saint-Denis », c’était un coup’ de com’ ou un exercice démocratique ?

C’est un exercice démocratique intéressant. Encore une fois, ça permet de faire s’exprimer sur leur position l’ensemble des forces politiques du pays. Est-ce que ça peut déboucher sur des compromis ? C’est moins sûr. Tout le monde est resté jusqu’à la fin. Mais à la sortie, j’ai tout de suite vu par les interventions que le naturel reprenait le dessus. Il y a une parenthèse car il y a un échange qui se fait directement, sans témoin. Mais est-ce que la magie de ce moment peut se prolonger jusque dans les hémicycles parlementaires ? Ce n’est pas évident.

Y a-t-il eu des échanges entre les participants, ou cela se limitait-il à des tours de table ?

C’était des tours de table, mais il y avait des réponses, les uns entre les autres, et le Président répondait à tout le monde. J’ai retenu que la Nupes était plutôt désireuse de mettre en évidence sa demande d’un référendum sur la retraite et que le Président, évidemment, a exprimé le fait qu’on ne pouvait pas opposer la légitimité du Parlement à celle du référendum.

Globalement, l’ambiance était plutôt sérieuse, mais détendue. Mais surtout, avec une grande liberté d’expression. Par exemple, Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, a exprimé son rejet du 49.3 et a souligné ce qu’il appelle la violence du début de l’année. Et le Président lui a répondu que quand on applique la Constitution, on n’est pas violent.

Sur les institutions, y a-t-il matière à avancer ?

Il y a eu des demandes sur un référendum sur l’immigration, mais qui n’est pas rendu possible par l’article 11 de la Constitution. Donc il faudrait élargir le champ de l’article 11. On rentre dans un domaine compliqué. Donc le texte immigration continuera d’être examiné par la voie parlementaire. Il y a ceux qui sont favorables à cela et aussi beaucoup de réticences. Certains disent qu’il faut pouvoir faire des référendums sur toutes sortes de sujets, avec l’idée d’une démocratie plus participative et plus rythmée. Ceux qui sont plus réservés disent qu’il faut faire attention. C’est un garde-fou et on ne peut pas faire des référendums sur tout et n’importe quel sujet.

Et sur les collectivités ?

Pareil, il y a un souci partagé pour dire qu’il faut plus de décentralisation. Après, il y a ceux qui voudraient revenir à des régions plus modestes et plus soucieuses de coller à la nature du terrain, car les nouvelles régions éloignent les citoyens de la décision. Et en même temps, il y a l’idée qu’on ne peut pas chambouler perpétuellement l’architecture territoriale du pays. Il faut y réfléchir avant de vouloir tout bouger.

Et sur la dose de proportionnelle, un consensus peut-il émerger ?

Le Président a pris acte de ce qu’il se disait. Il a dit qu’il fallait creuser. EELV, nous à l’UDI, Stéphane Séjourné à Renaissance ou François Bayrou pour le Modem sont favorables à une dose de proportionnelle. Après, il faut définir laquelle. Eric Ciotti ne s’est pas manifesté.

Selon l’AFP, Emmanuel Macron a dit hier soir que « ne pas pouvoir être réélu est une funeste connerie », au sujet de la limitation par la Constitution à deux mandats présidentiels successifs. Confirmez-vous ses propos ?

Je ne me souviens plus s’il a dit « connerie ». Jordan Bardella a évoqué le septennat unique. Il y a eu un débat. Le Président a dit « je suis toujours animé par le désir d’agir, de travailler pour le pays. Mais je reconnais que c’est un peu absurde car les deuxièmes mandats, de ce fait, ont une nature complètement différente ». D’ailleurs, Edouard Philippe a surenchéri en disant oui, c’est une connerie.

Sur le chapitre cohésion de la Nation, qu’en ressort-il ?

C’était très tard. Il y a eu des considérations sur l’immigration, l’intégration, la jeunesse, le logement, la politique de la ville. C’était plutôt des chantiers ouverts.

Au final, cette rencontre était-elle utile ?

C’est toujours utile d’échanger avec ceux en charge des familles politiques qui siègent au Parlement. C’était de bon niveau. C’est important de savoir ce que pensent les uns et les autres. Mais s’il suffisait de passer quelques heures ensemble pour gommer les différences, ça se saurait. Il y a des points où on constate des compromis, où on gomme les divergences. D’autres où on progresse et d’autres où ça va être long.

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