Rencontres avec les partis, votes thématiques : Lecornu tente une « méthode un peu différente » sur le budget

Après le rejet « attendu » du budget par les députés, le premier ministre a pris la parole. Espérant toujours un vote favorable au terme de la procédure, il va de nouveau s’entretenir avec les groupes politiques. Il met les difficultés rencontrées sur le compte de la « stratégie électorale » et du « cynisme » de certains « candidats à la présidentielle ».
François Vignal

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A « mi-parcours des procédures budgétaires », le premier ministre a décidé de prendre la parole, ce lundi matin, dans la cour de Matignon. Une prise de parole à l’origine non prévue, sous forme de discours de la méthode pour Sébastien Lecornu.

Le locataire de Matignon a fait le point, alors que les députés ont passé le ballon aux sénateurs. Depuis la semaine dernière, la Haute assemblée examine le budget de la Sécu, sur lequel les députés ont adopté uniquement la partie recettes. Quant au budget de l’Etat, après le rejet très large de la partie recettes par les députés, ce qui revient à rejeter l’ensemble du texte, le Sénat va commencer jeudi l’examen du projet de loi de finances, dans sa version initiale, du fait du rejet par les députés. Et donc sans les divers amendements adoptés à l’Assemblée.

« Certains candidats à la présidentielle estiment, au fond, que le compromis n’est pas compatible avec leur propre stratégie »

C’est d’abord presque en commentateur, que Sébastien Lecornu s’est exprimé. « Il y avait quelque chose d’attendu » avec le rejet du budget par les députés, après de longs débats « où chacun a cherché à poser son drapeau idéologique, avec derrière une difficulté de compréhension, de cohérence globale de ce texte ».

Une situation directement liée à la perspective de la présidentielle de 2027 pour le premier ministre. « Certains partis politiques, certains candidats à la présidentielle estiment, au fond, que le compromis n’est pas compatible avec leur propre stratégie électorale et que derrière, il y a une forme de cynisme, qui se dégage », analyse Sébastien Lecornu, qui pointe « certains errements idéologiques ». A ce petit jeu, se sont illustrés « LFI ou même du RN », selon le premier ministre.

« Il y a toujours une majorité à l’Assemblée pour permettre de voter un budget pour l’année prochaine »

Mais à l’inverse, « il y a toujours une majorité à l’Assemblée pour permettre de voter un budget pour l’année prochaine », veut croire Sébastien Lecornu, car « pour la première fois, des députés se sont parlé, ont travaillé ensemble, ont trouvé des terrains de compromis ».

S’il a évoqué la possibilité du recours à une loi spéciale ou aux ordonnances, en cas d’échec, c’est uniquement pour critiquer ceux qui en parlent. « Les parlementaires doivent défendre le Parlement. Et il y a quelque chose de stupéfiant, au fond, de voir certains parlementaires parler déjà de loi spéciale, d’échec, d’ordonnance, au moment où le Parlement peut se saisir de cette responsabilité historique ». Au passage, il glisse qu’« il faut que ceux qui veulent avancer puissent rompre les ponts et ne se laissent pas contaminer par les forces politiques qui promeuvent le blocage », alors que depuis le début, le premier ministre s’est tourné vers le PS pour faire des concessions, comme sur la suspension de la réforme des retraites.

« Aux formations politiques de se positionner »

Côté méthode, le premier ministre va – de nouveau – recevoir les forces politiques représentées à l’Assemblée nationale et au Sénat, ainsi que les présidents des groupes du socle commun ce soir, mais en cadrant les échanges. Il reverra aussi, « pour la première fois depuis septembre », les syndicats et le patronat.

« Dans ces rendez-vous, ces réunions, nous allons poser 5 thèmes de discussion », annonce le premier ministre. Il demandera « aux formations politiques de se positionner » sur chacun de ces sujets.

Déficit, décentralisation, énergie, agriculture et sécurité/défense

Premier thème : les finances publiques. Avec l’objectif d’un déficit « à moins de 5 % du PIB », ce qui « pose la question des économies de court terme ». Le tout « en se méfiant, entre des impôts qui n’existent pas, qui ont rendu la copie insincère et des mesures d’économies qui pourraient être tout aussi insincères ». Autrement dit, il prône un point d’équilibre.

Second thème, déjà sur la table : « La réforme de l’Etat, la décentralisation, la clarification des compétences, l’exercice des missions de service public », soit des « économies à moyen et long terme ». « L’enchevêtrement des responsabilités est un énorme enjeu », insiste-t-il. Il espère pouvoir déposer un projet de loi sur la décentralisation « dans les temps à venir ».

Troisième sujet : « La question de l’énergie. C’est un enjeu d’économie, de souveraineté, industriel, un enjeu écologique, d’aménagement du territoire et un énorme enjeu de pouvoir d’achat ». Il s’agit plus concrètement de « clarifier la stratégie de la programmation pluriannuelle de l’énergie ».

Quatrième sujet, « brûlant, essentiel, c’est l’agriculture », entre le traité de libre-échange du « Mercosur » et « la négociation de la future politique agricole commune (PAC), avec Bruxelles ». Il espère « qu’un consensus le plus large possible puisse se dégager de l’Assemblée et du Sénat » sur le sujet de la PAC.

Enfin, cinquième point, la sécurité, qu’elle soit « intérieure » avec « le fléau du narcotrafic » et « extérieure », avec la défense. Sans vote du budget, les « 1.400 créations de postes de policiers » seraient ainsi « retardées » et « l’augmentation considérable de 6,7 milliards d’euros » du budget des armées, l’année prochaine, ne pourrait être adoptée, prévient l’ancien ministre de la Défense.

« Vote dans les tout prochains jours » à l’Assemblée et au Sénat sur les questions de défense

Avec cette « méthode un peu différente », qui se fait en « marge » des discussions budgétaires classiques, Sébastien Lecornu espère ainsi avancer et pallier l’absence de débats à l’Assemblée sur la partie dépense, c’est-à-dire les budgets par ministère, « notamment sur la défense, l’agriculture ». Les sénateurs pourront rétorquer qu’eux, sans aucun doute, examineront l’ensemble du budget.

Qu’importe. Pour Sébastien Lecornu, il ne s’agit pas seulement d’occuper le terrain mais bien de tenter d’ouvrir une voie de sortie. S’il reconnaît que trouver « un consensus » sera « difficile », le premier ministre espère encore dégager une « majorité, une capacité à trouver des compromis », avec ce nouveau round d’entretiens.

« Ces discussions, petit à petit, le gouvernement n’exclut pas de les verser à des votes à l’Assemblée et au Sénat, des votes ad hoc », précise l’ancien maire de Vernon. Il entend « commencer par les questions de défense, où (il) saisira l’Assemblée et le Sénat d’un vote dans les tout prochains jours », annonce-t-il, pour « que les formations politiques puissent voter et dire si oui, ou non, elles souhaitent s’engager sur le renforcement de nos armées ». Dans ce cas, ce type de vote ne serait pas engageant, mais uniquement de principe.

« L’Assemblée nationale n’est pas un théâtre, le budget n’est pas un décor de fond de scène et la France n’est pas un tremplin »

« Oui, nous pouvons toujours y arriver », lance-t-il, reprenant ses propres mots d’il y a « quelques semaines », « à condition de travailler et de sortir de cette situation de blocage ». « L’Assemblée nationale n’est pas un théâtre, le budget n’est pas un décor de fond de scène et la France n’est pas un tremplin », lance-t-il. Message envoyé aux Mélenchon, Le Pen, Retailleau, Philippe et consorts.

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