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« Rencontres de Saint-Denis » : ce qu’ont répondu les chefs de partis à la lettre d’Emmanuel Macron

Plusieurs leaders d’opposition ont répondu au courrier que leur a adressé Emmanuel Macron, après les avoir rassemblé à Saint-Denis le 30 août dernier. La plupart, à droite comme à gauche, fustige une opération de communication et l’absence de propositions concrètes de la part du chef de l’Etat. L’hypothèse d’un élargissement des modalités de recours au référendum soulève également certaines inquiétudes.
Romain David

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Ils avaient jusqu’à la fin du week-end pour répondre au président de la République. Emmanuel Macron attendait de la part des chefs de partis politiques des « propositions de modification ou d’ajout » à la lettre de six pages qu’il leur a adressé après leur participation, le 30 août, aux « rencontres de Saint-Denis », une dizaine d’heures d’échanges sur la situation du pays. Si certains se sont pliés à l’exercice, d’autres n’ont pas encore formellement donné suite au courrier présidentiel. Plusieurs lettres ont été envoyées ce lundi matin, soit quelques heures après la fin du délai initialement fixé par le locataire de l’Elysée, manière aussi pour les différents responsables d’opposition de réaffirmer leur indépendance face à celui qui aime se dire le « maître des horloges ».

Sans surprise, la plupart des réponses adressées par les partis d’opposition ont pris la forme de correctifs, reprochant à Emmanuel Macron d’avoir éludé certains points de désaccords dans sa synthèse. Ces courriers sont aussi l’occasion pour les différentes formations de camper sur leurs positions et de redérouler leur propre programme d’alternance.

Éric Ciotti (LR) demande un « nouveau cadre constitutionnel »

Le président des LR juge l’initiative « décevante par sa méthode et son ampleur », et regrette l’absence de réponses précises aux propositions formulées par les uns et les autres lors de cette rencontre. La lettre du député des Alpes-Maritimes s’articule autour de quatre points : l’inflation, la sécurité, l’immigration et le pluralisme. Face à la crise du pouvoir d’achat, Éric Ciotti réclame une baisse des cotisations et des taxes, « gagée sur une réduction sans précédent de la dépense publique ».

Evoquant les violences urbaines du début de l’été, le patron de LR réclame un tour de vis sécuritaire, l’un de ses grands chevaux de bataille. Il demande la remise en vigueur et l’élargissement de la loi de 2010 qui porte son nom, abrogée sous François Hollande, et « qui prévoyait la suppression des allocations familiales aux parents d’élèves défaillants ». Mais aussi le rétablissement des peines planchers et la construction de nouvelles places de prison.

Sa réponse s’attarde longuement sur la question migratoire, alors qu’un bras de fer est en train de se mettre en place sur cette question entre LR et l’exécutif, qui devrait dans les prochaines semaines présenter un nouveau projet de loi. La droite, opposée à une régulation des travailleurs sans papiers dans les secteurs en tension, réclame une révision constitutionnelle qui permette, à terme, d’organiser un référendum sur l’immigration. De son côté, le chef de l’Etat s’est engagé à faire des propositions sur l’élargissement du recours à ce type de consultation.

Le président du Sénat, Gérard Larcher, qui a accompagné Éric Ciotti lors de la rencontre avec Emmanuel Macron, n’a pas encore donné suite. Le deuxième personnage de l’Etat, que l’on sait très attaché aux institutions, entend d’abord consulter les présidents de groupes de la Chambre haute, nous apprend Le Parisien. Une démarche qui pourrait s’étaler sur plusieurs jours, alors qu’une large partie des sénateurs battent la campagne en vue de leur réélection le 24 septembre prochain.

LFI ne participera plus aux rencontres de ce type

Manuel Bompard, qui s’était déjà exprimé dimanche dans BFM Politique, a attendu ce lundi avant de publier sa réponse. L’ancien bras droit de Jean-Luc Mélenchon refuse de se plier à un nouvel exercice de ce type, y voyant une opération de communication qui permet au chef de l’Etat de contourner les institutions. « Nous n’avons jamais convenu que le contexte national et international nécessitait la mise en place d’un tel format de discussion. Opposés à la monarchie présidentielle, nous considérons au contraire que les débats politiques indispensables pour faire face aux crises qui frappent notre pays doivent avoir lieu dans les Assemblées parlementaires », écrit-il.

Il estime par ailleurs que cet échange a laissé de côté certains chantiers d’envergure. « Nous déplorons que l’urgence sociale qui frappe le pays, tout comme l’urgence climatique qui menace la survie de l’humanité, n’aient pu être abordées que par effraction après près de 10 heures de discussion. »

Favorable à un recours plus fréquent aux référendums, LFI plaide pour la mise en place du référendum d’initiative citoyenne, et regrette que le président ait d’emblée fermé la porte à une consultation sur les retraites.

La lettre du coordinateur de la France insoumise tacle également « le silence » d’Emmanuel Macron sur la question des violences policières, qu’il considère comme « le fait générateur » des émeutes urbaines du début de l’été.

Marine Tondelier (EELV) veut remettre l’écologie au cœur du débat

Comme le reste de la Nupes, Marine Tondelier réclame un référendum sur l’abrogation de la réforme des retraites et regrette que la possibilité d’élargir le recours au plébiscite se fasse autour du débat sur l’immigration, « un sujet prompt à attiser les tensions », alors que le président a promis d’« apaiser le pays ».

La secrétaire générale d’Europe Ecologie-Les Verts pointe surtout les hiatus de la lettre d’Emmanuel Macron : « Notre première réaction, évidemment, sera de déplorer le fait que l’écologie n’y occupe que deux phrases sur six pages, avec pour simple proposition un prochain rendez-vous. C’est aussi vague que peu convaincant pour répondre à ce qui est le plus grand défi que l’humanité n’ait jamais eu à affronter », écrit-elle. L’occasion également pour la patronne des écolos de fustiger le bilan d’Emmanuel Macron en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Elle réclame notamment l’adoption « sans filtre » des mesures de la Convention citoyenne pour le Climat, qui avaient été très partiellement reprises dans la loi Climat et Résilience de 2021, et la mise en place d’un débat national sur l’eau avec un moratoire sur les projets de méga bassines.

Les priorités de Fabien Roussel

La réponse du secrétaire national du PCF a été malicieusement envoyée dans la nuit de samedi à dimanche. À dessein : Emmanuel Macron avait lui aussi envoyé son invitation aux représentants des forces politique dans la nuit.

L’ancien candidat à la présidentielle explique attendre « des propositions concrètes à soumettre rapidement au Parlement, et répondant aux graves problèmes que rencontrent nos concitoyens. » Il liste quatre priorités : la baisse des prix sur l’alimentaire et l’énergie, la revalorisation des salaires, le développement de l’autonomie fiscale des collectivités et, enfin, le renforcement des services publics, ce qui avait été l’un des grands axes de sa campagne en 2022.

Les retardataires

Silence en revanche du côté des socialistes. Le Premier secrétaire Olivier Faure n’a pas encore envoyé sa réponse à Emmanuel Macron. Mais la teneur de son courrier ne devrait pas s’écarter de celle de ses partenaires de la Nupes. « Opération de camouflage de l’impuissance d’un président qui n’a plus de majorité à l’Assemblé et absence réelle de volonté de dialogue », a-t-il résumé vendredi, au micro des 4 vérités sur France 2. « Nous sommes venus avec des propositions, mais les seuls sujets que le chef de l’Etat a retenus sont des sujets secondaires. »

Même mutisme pour l’instant avec l’UDI. Contacté par Public Sénat, son président, Hervé Marseille, a bien l’intention de répondre, mais préfère « consulter ses amis » avant de prendre la plume. S’il réserve au chef de l’Etat la primeur de ses remarques, il reconnaît volontiers être « extrêmement réticent » à l’hypothèse d’une modification du périmètre de recours au référendum. À plus forte raison s’il doit inclure les questions migratoires. « Ce qui fait le bonheur des uns ne fait pas nécessairement celui des autres », grince Hervé Marseille, qui préside également le groupe centriste au Sénat. Depuis plusieurs mois, l’immigration est devenue un sujet de friction entre les centristes et leurs alliés LR.

Un silence assumé

De son côté, le Rassemblement national a fait le choix d’une fin de non-recevoir. « J’y suis allé avec deux objectifs très clairs. Le premier : lui faire comprendre l’urgence de la fin du mois aujourd’hui dans notre pays et lui demander un geste significatif en faveur du pouvoir d’achat des classes populaires et des classes moyennes. Et deuxièmement, lui demander l’organisation d’un référendum sur l’immigration », a rappelé Jordan Bardella, le président du parti à la flamme, sur le plateau de Dimanche en politique. « Si Emmanuel Macron me dit qu’il souhaite revoir les chefs de parti parce qu’il a pris des décisions sur la base de la première réunion, je dirais oui. Mais si c’est le voir pour discuter avec lui de la pluie et du beau temps, je ne serai pas la béquille du président de la République et du gouvernement », a-t-il averti.

Su Sud Radio ce lundi matin, Sébastien Chenu, le vice-président RN de l’Assemblée nationale, s’est montré plus coulant : « En général, lorsque l’on est invité, on répond. Je serai jeudi matin chez Élisabeth Borne, à sa demande. J’y serai pour représenter Marine Le Pen et le Rassemblement national », a-t-il indiqué. La Première ministre organise un cycle de rencontres avec les chefs de partis avant la présentation de la planification écologique.

Les partis de la majorité

La majorité ne compte pas que de bons élèves. À ce stade, Stéphane Séjourné est le seul à avoir répondu au locataire de l’Elysée. Le secrétaire général de Renaissance estime particulièrement « délicate » la question de l’élargissement du référendum, en particulier s’il s’agit d’organiser un scrutin sur l’immigration, et appelle à la prudence.

Revers de l’exercice voulu par Emmanuel Macron comme un moment de dépassement des clivages après un début de quinquennat marqué par la forte fracturation politique de l’Assemblée nationale : les réponses des composantes de la majorité pourraient aussi mettre en lumière les dissensions qui animent le camp présidentiel. Sur l’immigration, mais aussi sur le pouvoir d’achat. Dans un entretien accordé au Parisien, François Bayrou, le patron du MoDem, estime que le gouvernement pourrait être amené à agir pour contenir la hausse des prix du carburant, quand l’exécutif continue de tabler sur le bon vouloir de TotalEnergies.

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