Rénovation énergétique : « Le plus symbolique l’emporte sur le plus efficace », regrette François de Rugy

Rénovation énergétique : « Le plus symbolique l’emporte sur le plus efficace », regrette François de Rugy

Auditionné au Sénat par la commission d’enquête sur des politiques de soutien à la rénovation énergétique, l’ancien ministre de la Transition écologique a plaidé pour de la « constance » sur ces sujets. Il ajoute que « ce n’est pas dans l’inflation d’argent public que l’on résoudra le problème ».
Guillaume Jacquot

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Une nouvelle commission d’enquête a commencé ses travaux au Sénat. Demandée par le groupe écologiste, elle doit se pencher sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments. L’un des grands témoins du précédent quinquennat, l’ancien ministre de la Transition écologique François de Rugy, a inauguré ce cycle d’auditions sous serment.

En l’espace de seulement dix mois, de septembre 2018 avant sa démission en juillet 2019, le successeur de Nicolas Hulot a été aux responsabilités dans une période chargée en matière d’écologie. Son passage éclair l’hôtel de Roquelaure a été marqué par la crise des Gilets Jaunes, vent debout contre la taxe carbone, par le début d’examen de la loi Énergie et Climat, ou encore par la préfiguration de la Convention citoyenne pour le climat. Autant de retours d’expérience sur lesquels les sénateurs l’attendaient.

« On devrait privilégier davantage de constance »

Retiré de la scène politique nationale depuis l’an dernier, François de Rugy aura fourni quelques clés de réponse à la commission d’enquête. Resté observateur, il constate que le dilemme entre des mesures efficaces sur le plan de la rénovation, et des mesures efficaces sur le plan médiatique ou politique demeure. « Malheureusement, le plus symbolique l’emporte largement et très souvent sur le plus efficace », a-t-il concédé. Autre message : « On devrait privilégier davantage de constance. » Des « effets de balanciers sur les crédits d’impôts », par exemple, l’ancien député en a connu.

Son arrivée, en pleine élaboration du budget 2019, se solde par une victoire, celle de la réintégration des fenêtres à double vitrage dans les travaux éligibles au crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). « J’ai contribué à dire que c’était un peu brutal de les sortir purement et simplement », a-t-il raconté.

François de Rugy a, en revanche, eu moins de succès sur la façon d’organiser la fin des passoires thermiques. Depuis le 1er janvier 2023, les logements les plus énergivores de la classe G du diagnostic de performance énergétique (DPE) sont interdits de location. « Ce qui avait été dit se produit en partie. C’est un peu tôt pour le dire, mais un certain nombre de logements sont retirés du marché de location », observe l’ancien ministre.

Malgré un arbitrage favorable de Matignon en 2019, François de Rugy peine à convaincre avec sa solution : agir via des mesures contraignantes non pas sur le marché de location, mais frapper plutôt le marché de la vente. Il avait soutenu un dispositif de consignation d’une portion du prix de vente d’une passoire énergétique, pour financer ses travaux de rénovation. « Je vois fleurir à l’Assemblée nationale, en commission, des amendements, y compris de députés de la majorité, qui s’opposent […] Cette idée est abandonnée », regrette François de Rugy. Ce sera finalement la loi Climat et Résilience, en 2021, qui scellera l’interdiction progressive de mise en location des logements les plus énergivores.

« Il faut combiner l’incitation et l’obligation »

Avertissant les sénateurs sur la difficulté de rendre certaines décisions acceptables, l’ancien ministre de la Transition énergétique a recommandé un panachage de mesures. « Ma conviction est qu’il faut combiner l’incitation et l’obligation. L’incitation seule ne marche pas, ne suffit pas, à atteindre des objectifs importants. L’obligation seule évidemment rencontre trop de résistances chez les citoyens », a-t-il reconnu.

L’ancien ministre a notamment souligné le « tollé, y compris au sein du gouvernement » qui avait accueilli l’annonce d’Édouard Philippe le 14 novembre 2018 à la radio sur la fin des chaudières au fioul d’ici 2027. À la veille du débat du mouvement des Gilets Jaunes, beaucoup de Français ont vu planer une menace sur les chaudières déjà installées. « Vous pourriez l’interroger, il a été un peu traumatisé par cet épisode », a recommandé François de Rugy aux sénateurs. Deux semaines plus tard, Emmanuel Macron clarifiait les choses : « Ce n’est pas une logique d’interdit. » L’interdiction de l’installation de nouvelles chaudières au fioul est finalement interdite depuis le 1er juillet 2022. « Ça a été un regret que nous n’ayons pas pu avancer plus vite », confesse François de Rugy.

L’abandon de la taxe carbone face à la colère des Gilets Jaunes fin 2018, constitue un autre de ses regrets. D’autant plus que la période inflationniste, avec des cours pétroliers élevés, est encore moins propice à relancer le débat, selon lui. « C’est dommage qu’il y ait en France une sorte de tétanie ou de traumatisme autour de cela », considère François de Rugy, déplorant un signal « qui n’est pas bon » pour la réduction des énergies fossiles. Le gouvernement aurait dû travailler sur des « mécanismes d’adaptation aux réalités du marché. »

Une question principale a été posée par le rapporteur de la commission, le président du groupe écologiste Guillaume Gontard, au sujet du financement de la rénovation thermique : « Pensez-vous que si on avait beaucoup plus d’argent, est-ce qu’on serait allé beaucoup plus vite et beaucoup plus loin ? » L’ancien ministre est convaincu que le logement, « c’est d’abord une question de mobilisation de l’argent privé. » « Bien sûr il y aura toujours une part d’argent public, mais ce n’est pas dans l’inflation d’argent public que l’on résoudra le problème », a-t-il résumé. « Il y aura toujours une part d’obligation légale, réglementaire. C’est toujours la combinaison de ces différents moyens, en essayant d’agir dans la durée qui, à mon sens, permettra d’obtenir des résultats. »

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