Rénovation énergétique : Nicolas Hulot met en cause le rôle de Bercy, « qui a sa propre logique »

Rénovation énergétique : Nicolas Hulot met en cause le rôle de Bercy, « qui a sa propre logique »

Auditionné par la commission d’enquête sur la rénovation énergétique au Sénat, Nicolas Hulot est revenu sur les difficultés structurelles rencontrées par ces politiques publiques depuis quelques années. L’ancien ministre de la Transition énergétique a mis en cause le rôle de Bercy dans les arbitrages, mais alerte sur un sujet complexe, sans solution très claire.
Louis Mollier-Sabet

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« Ce n’est pas pour vous flatter, mais votre sujet est un sujet central. » Les auditions menées par la commission d’enquête sur la rénovation énergétique du bâti sont un peu particulières parce qu’elles se ressemblent étrangement : consensus pour dire que la rénovation thermique, c’est le nerf de la guerre, mais difficulté à pointer exactement ce qui pourrait expliquer le retard pris par la France en la matière. Et celle de Nicolas Hulot ce lundi n’a pas fait figure d’exception. L’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire d’Emmanuel Macron entre mai 2017 et sa démission surprise de septembre 2018, a mis en avant la complexité du sujet pour expliquer les « achoppements » que pouvaient connaître les politiques mis en place sur le sujet depuis quelques années : « On essaie toujours de trouver un ou une coupable. Dans le domaine de l’écologie, combien ai-je vu de plans, d’objectifs, d’engagements ? Mais on parle de mutations très lourdes. La rénovation thermique, c’est la clé de voûte de la transition énergétique, le bâtiment c’est 27 % des émissions de gaz à effet de serre. Mais c’est plus complexe que ça. »

« Qu’est-ce qu’un ministre peut décider tout seul ? »

D’après Nicolas Hulot, ce n’est donc pas un manque de volonté politique qui explique les difficultés rencontrées, ni un éventuel poids des lobbies, comme cela peut être le cas sur certains sujets. « S’il y a un domaine où je n’ai pas souffert des lobbies c’est celui-là. Il y a des domaines qui sont plus compliqués à gérer », lâche-t-il ainsi aux sénateurs de la commission d’enquête. En toile de fond, l’ancien ministre a tout de même dessiné un rôle parfois important de Bercy dans certains arbitrages défavorables au ministère de la Transition écologique.

« Bercy a sa propre logique de faire en sorte que les finances publiques soient les plus saines possibles. […] Un jour j’ai demandé : qu’est-ce qu’un ministre peut décider tout seul ? Vous arrivez avec une vision, une méthode, mais chaque décision est suspendue – et c’est normal – à l’arbitrage de Matignon et de Bercy. Un jour, j’annonce un plan hydrogène, avec un budget sur mon propre ministère, et il est immédiatement démenti par une dépêche […]. Il y a besoin qu’à Bercy les choses soient suivies et qu’un engagement ne soit pas celui d’un ministère mais celui de l’Etat », a détaillé l’ancien ministre.

« Il faut indexer les aides sur la performance après travaux »

Mis en cause par Ségolène Royal lors de son audition par la même commission d’enquête, Nicolas Hulot a défendu un revirement sur le Crédit d’impôt transition énergétique (CITE), où les travaux sur les portes et les fenêtres n’ont plus été pris en compte alors que le secteur avait commencé à organiser des rénovations de ce type. Si le l’ancien ministre a reconnu avoir « été un peu trop rapide », et que les revirements pouvaient occasionner « une certaine défiance », il a maintenu que les études montraient que ce type d’aides n’étaient pas assez efficaces en termes environnementaux.

S’il faut en tirer une conclusion pour Nicolas Hulot, c’est que « cela devient évident qu’il faut rentrer dans de la rénovation globale », et pas seulement ponctuelle, comme cela a pu être reproché par la Cour des Comptes au dispositif MaPrimeRénov’. « Il faut clarifier, pour le climat, le secteur et nos concitoyens, ce qu’est une rénovation performante », poursuit l’ancien ministre de la Transition écologique, qui entend par là fixer le périmètre des rénovations que l’Etat doit financer, en évitant de multiplier les financements pour des travaux faisant passer des logements d’un diagnostic « F » à « D », c’est-à-dire des rénovations ponctuelles. À cet égard, Nicolas Hulot appelle à indexer les aides « sur la performance après travaux », pour qu’elles soient « conditionnées à l’efficacité des travaux à effectuer. »

« Il faut mettre la barre haut », ajoute-t-il. Là-dessus, au moins, tout le monde pourra tomber d’accord.

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