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Rentrée politique : « Le gouvernement court encore après la réussite de son action »

Après le Conseil des ministres de mercredi 23 août, Elisabeth Borne a donné une interview sur France Bleu. Sans faire de nouvelles annonces, elle a affirmé qu’il n’y aurait pas de hausse d’impôt cette année et évoqué les ambitions de Gérald Darmanin. La Première ministre s’en est tenue à l’action du gouvernement sans dévoiler l’orientation politique générale voulue par Emmanuel Macron et qu’il révèle dans une interview au Point.
Stephane Duguet

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Pour le Conseil des ministres de rentrée de mercredi 23 août, la traditionnelle conférence de presse du porte-parole du gouvernement Olivier Véran a été remplacée par une interview d’une heure accordée par Elisabeth Borne, la Première ministre chez nos confrères de France Bleu. Pendant une heure, la cheffe du gouvernement a répondu aux questions franches et directes des auditeurs de la France. Au téléphone, les témoignages de retraités, un infirmier, un directeur de centre social à Nîmes, une habitante de passoire thermique, le maire d’une petite ville ou encore une mère issue de la classe moyenne et inéligible aux aides sociales.

« On voit bien la stratégie qui est d’être proche des gens, Elisabeth Borne a de nombreuses fois répété j’entends et j’écoute, mais en termes de résultat, je trouve cela poussif », juge Emilie Zapalski fondatrice de l’agence de communication Emilie Conseil. Selon elle, la Première ministre donne le sentiment que « le gouvernement court encore après la réussite de son action ». Pour le politologue Olivier Rouquan, la cheffe de la majorité est « dans la continuité de la stratégie du dernier kilomètre lancée par Jean Castex ». Le chercheur à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas juge qu’elle « est dans sa fonction de Première ministre de gérer les problèmes du quotidien ».

L’épineuse question du budget

Pour répondre aux auditeurs, Elisabeth Borne a rappelé les mesures prises ces derniers mois. La première d’entre elles : celles sur la rénovation des logements mal isolés pour lutter contre les passoires thermiques. A l’heure où 19 départements sont en alerte rouge canicule et où les températures n’ont jamais été aussi élevées en France après un 15 août, elle promet une « augmentation des moyens l’an prochain » sur la rénovation de logement sans donner plus de précisions.

Après le témoignage d’un infirmier de Troyes, la cheffe du gouvernement a aussi parlé du Ségur de la Santé pour souligner les hausses de moyens accordées aux soignants. Un plan qui avait été jugé nécessaire mais insuffisant par la commission d’enquête sénatoriale sur l’hôpital. Elle évoque aussi le décret pris par Gabriel Attal pour exclure les enfants harceleurs de leur établissement. « On voit qu’il y a des choses qui sont faites, même si ça n’imprime pas dans le quotidien des Français », développe Emilie Zapalski.

« Il n’y a pas vraiment d’annonces, elle confirme des choses qui sont là depuis plusieurs mois », observe Dorian Breuil, membre de l’Observatoire de la vie politique à la Fondation Jean Jaurès. Il juge tout de même que pour la Première ministre, les finances publiques ont été « le sujet qui prime », alors que le gouvernement présentera son budget en septembre au Parlement. Sur France Bleu, Elisabeth Borne a martelé à ce propos qu’il n’y aurait pas d’augmentation des impôts à la rentrée, en dépit des pistes évoquées dans plusieurs articles de presse : « Je vois beaucoup de rumeurs selon lesquelles nous voulons augmenter les impôts. Ce n’est pas la philosophie du gouvernement, nous voulons continuer à les baisser ». « Elle défend sa position de Première ministre depuis le début. En disant qu’il n’y aura pas de hausse d’impôt, elle rappelle qu’elle est la cheffe d’orchestre parce que Bercy laissait entendre le contraire », explique Olivier Rouquan.

« Il y a quand même un double discours. D’un côté Elisabeth Borne dit qu’il n’y aura pas de hausse d’impôt, de l’autre elle admet que le doublement de la franchise sur les médicaments (les 50 centimes payés par le patient quand il achète un médicament, ndlr) est sur la table pour faire des économies », s’agace Emilie Zapalski qui remarque que le gouvernement préfère « augmenter la franchise et faire la chasse aux arrêts maladies plutôt que d’aller taxer les superdividendes, comme le propose le Modem ».


« 2027, c’est loin »

Lors de son interview, Elisabeth Borne s’est aussi exprimée sur les ambitions de Gérald Darmanin qui organise sa rentrée politique dans son fief de Tourcoing où il a été élu maire en 2014. Le ministre de l’Intérieur laisse entendre qu’il sera candidat à l’élection présidentielle de 2027, une possibilité souhaitée par l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy dans son dernier livre. « 2027, c’est loin », lâche-t-elle avant de rappeler que « ce qui est important, c’est que le gouvernement agisse pour les Français ». Si on cherche Elisabeth Borne ce week-end, elle ne sera vraisemblablement pas à Tourcoing : « Il réunit ses proches… et je suis bien occupée, je vous le confirme », glisse-t-elle.

« Elle s’affirme face à Darmanin », détaille Olivier Rouquan puisque le ministre de l’Intérieur lorgnait sur Matignon avant la confirmation d’Elisabeth Borne à son poste début juillet. « L’enjeu pour la Première ministre, c’est de consolider la coalition présidentielle et de rappeler les ministres à leurs tâches, comme le ministre de l’intérieur. Elle a parlé des grands événements sportifs à venir : la coupe du monde de rugby en septembre, les Jeux olympiques l’an prochain. En termes de feuille de route pour le ministre de l’Intérieur, ça devrait être plus fort que de préparer 2027 en août 2023 », ironise Dorian Dreuil.

Elisabeth Borne en mode « service après-vente »

Selon le chercheur à la Fondation Jean Jaurès, la Première ministre fait face à deux défis : « Celui de la cohésion au sein du gouvernement à l’heure où s’ouvre le bal des ambitions et celui sur la méthode de gouvernance puisque l’équation n’a pas changé depuis le lendemain des législatives ». Comme lors de ses prises de paroles précédentes, « Emmanuel Macron lui laisse le rôle de service après-vente de toutes les mesures », regrette la communicante Emilie Zapalski pour qui « une Première ministre peut donner une orientation politique ».

Le rôle n’étonne pas Olivier Rouquan : « C’était déjà vrai sous Jean Castex et Edouard Philippe, ce président a du mal à laisser de l’espace à son Premier ministre ». Dernière illustration en date : l’annonce de la réception le 30 août des chefs des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat, y compris La France insoumise et le Rassemblement National. La réunion a été officialisée par Emmanuel Macron juste après qu’Elisabeth Borne l’a évoquée lors de son interview. « Réunir les chefs de partis à l’Elysée, ce n’est pas nouveau, mais normalement c’est plutôt le rôle de la Première ministre », note Olivier Rouquan.

L’attente d’une réforme des institutions

De cette entrevue, le président de la République cherchera à déboucher sur des projets de lois « transpartisans » et de référendums selon des participants au Conseil des ministres cités par l’Agence France Presse. Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron évoque le recours au référendum bien qu’en six ans de présidence il n’a jamais utilisé cette procédure. « Elisabeth Borne a la tâche de répondre aux attentes des Français, ce qui place le président de la République dans une approche plus globale », estime Dorian Dreuil. Emmanuel Macron évoque d’ailleurs son « initiative politique d’ampleur » annoncée avant l’été, dans une interview publiée par l’hebdomadaire Le Point ce mercredi soir

Parmi les sujets importants, Dorian Dreuil place sur le haut de la pile la réforme des institutions. « Depuis six ans et notamment depuis cette année, les crispations dans la société sont le symptôme de la crise démocratique. Tant que ce ne sera pas réglé, les autres sujets ne seront pas possibles ». En attendant, « Emmanuel Macron cherche toujours le souffle et l’orientation à donner à son deuxième quinquennat », conclut Emilie Zapalski.



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