Un « sujet anxiogène pour les élus locaux ». C’est par ces mots que le sénateur LR Mathieu Darnaud résume l’état d’esprit des maires, des conseils départementaux ou régionaux, devant la perspective d’une rentrée scolaire qui se rapproche à grand pas. Si les conditions sanitaires le permettent, l’Élysée envisage une reprise des cours dans les maternelles, le primaire, et le secondaire progressivement à partir du 11 mai, date où un déconfinement serait possible.
Auditionnées au Sénat par la délégation aux collectivités territoriales, les trois grandes associations d’élus locaux se sont montrées frileuses sur l’objectif de réouverture des classes en quatre semaines. Pour ne pas dire plus que sceptiques. « On a des remontées très très fortes de nombreux maires, quelle que soit la taille des communes », a ainsi expliqué François Baroin, le président de l’Association des maires de France (AMF). Le maire de Troyes a même évoqué l'éventualité d’une motion pour « demander qu’elles ne soient pas rouvertes ». Celle-ci serait portée par France urbaine (association qui représente les grandes villes et les agglomérations), à l’instigation du maire de Montpellier, Philippe Saurel.
Quid de l’accueil des parents, des cantines ou des transports scolaires ?
Les trois associations, AMF, Assemblée des départements de France (ADF), et Régions de France, ont été reçues le 15 avril par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Des groupes de travail ont été lancés, en collaboration étroite avec les élus locaux. Mais ces derniers restent encore dans le flou le plus total. « Il y a pour l’instant trop de points d’interrogation. Est-ce que l’on peut laisser les parents accompagner leurs enfants à la même heure ? Ça fait des regroupements à l’extérieur des écoles. Comment on organise à l’intérieur, dans le temps scolaire ? Comment on organise le temps périscolaire ? » a énuméré le président de l’AMF.
Dominique Bussereau, le président de l’ADF, dit avoir senti « beaucoup d’incertitude sur les dates ou le nombre d’élèves ». Et d’ajouter : « On voit bien les choses sont très différentes selon les établissements et peut-être même selon les régions. » Les trois niveaux de collectivité sont d’ailleurs dans la même galère, puisque les régions gèrent (outre les bâtiments des lycées) le transport scolaire. Le secteur doit, non seulement, « se remettre en marche ». Et se pose à lui le problème de la distanciation sociale, encore plus qu’à l’intérieur d’un bâtiment scolaire.
« Rien n’est vraiment organisé en la matière »
Comme ses collègues, Renaud Muselier, le président des Régions de France, n’a su lister que des questions. Pas de réponses. « Masque, pas masques ? Blouses, pas blouses ? Cantine, pas cantine ? Transport scolaire ? Comment ? Quelle distanciation ? Quelle montée en puissance, à quel niveau, sur quel calendrier ? […] Rien n’est vraiment organisé en la matière. » N’en jetez plus. Le président de la région Sud a également beaucoup insisté sur la situation des lycées professionnels, « là où on a le plus de déclassements possible ».
Les trois représentants expliquent qu’une « charte » de bonnes pratiques sanitaires est en train d’être élaborée avec Jean-Michel Blanquer. « Il nous appartient d’avoir une semaine pour écrire un protocole un peu près adapté », a précisé François Baroin. Un protocole avait déjà été mis en place avec le ministère de l’Intérieur pour permettre la tenue du premier tour des élections municipales. Pour les établissements scolaires, « on peut parfaitement l’imaginer, c’est même indispensable », a insisté le maire de Troyes.
En fin d’audition, François Baroin a d’ailleurs souligné l’importance des mots. « Je rappelle que l’éducation est nationale. Elle n’est pas municipale. En revanche, nous avons à être associés. » Comme pour rappeler discrètement que l’essentiel des responsabilités allait incomber à l’État et non aux maires, même si ces derniers sont partie prenante.