Réouverture des frontières : « Si on ne peut pas circuler librement en Europe, il n’y a pas d’Europe »

Réouverture des frontières : « Si on ne peut pas circuler librement en Europe, il n’y a pas d’Europe »

Quand pourrons-nous de nouveau nous déplacer en Europe ? Réunis vendredi 5 juin, les ministres de l’intérieur européens n’ont pas arrêté de calendrier commun. Tandis que l’Europe poursuit son déconfinement, les réouvertures de frontières en ordre dispersé suscitent des tensions entre pays européens.
Public Sénat

Par Fabien Recker

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Vendredi 5 juin à midi, la République Tchèque a rouvert ses frontières avec l’Allemagne et l’Autriche. Sa frontière avec la Pologne demeure fermée. Si l’Italie a rouvert ses portes, ce n’est pas le cas de la France, ni de la Grèce. L’Espagne a quant à elle annoncé qu'elle rouvrirait l’accès à son territoire le 22 juin.

Des réouvertures en ordre dispersé, à l’image de la cacophonie européenne en matière de gestion des frontières depuis le début de la crise du coronavirus. Une visioconférence des ministres de l’intérieur des vingt-sept, vendredi 5 juin, n’a pas permis de déboucher sur une date de réouverture commune.

« But commun »

La veille, les députés européens s’étaient pourtant émus du manque de concertation dans le processus de réouverture à l'intérieur de l'espace Schengen. Via une résolution adoptée à une très large majorité, ils avaient appelé à « un retour rapide et coordonné à un espace Schengen pleinement opérationnel », plaidant pour « une approche régionale (qui) serait plus proportionnée que les contrôles aux frontières nationales ».

A l’issue de la réunion des ministres, Terezija Gras, la secrétaire d’Etat croate aux affaires européennes, a souligné que le rétablissement de la libre circulation au sein de Schengen était un « but commun ». « Une majorité d’Etats membres veulent lever les restrictions d’ici le 15 juin, d’autres veulent le faire d’ici la fin du mois de juin, en fonction de l’évolution de l’épidémie » a poursuivi Mme Gras. 

Des restrictions injustifiées sur le plan sanitaire ?

Ylva Johansson, commissaire européenne aux affaires intérieures, a rappelé que « si la distanciation sociale reste nécessaire, les autorités de santé sont claires : les restrictions de voyage et mesures à la frontière ne se justifient plus ». La commissaire suédoise s’est déclarée optimiste quant à un retour à un « espace Schengen pleinement opérationnel d’ici fin juin ». Elle a souligné que les Etats membres devaient « respecter les principes de non-discrimination et de proportionnalité en levant les mesures à la frontière ».

Alors que l’Europe se déconfine progressivement, les décisions unilatérales aux frontières ont conduit à des tensions diplomatiques. Ainsi Luigi di Maio, ministre italien des Affaires étrangères et leader du Mouvement « 5 étoiles », s’était agacé que l’Italie soit « traitée comme un pestiféré » par ses voisins européens. Une flèche destinée notamment à l’Autriche, qui barre l’accès aux transalpins tandis que Rome a rouvert ses frontières. Mercredi 3 juin, des embouteillages dus aux contrôles à l’entrée en France au poste-frontière de Menton ont conduit à des tensions.

Vexation

« Quand un pays veut ouvrir et que l’autre ne veut pas - ce que l’on constate avec l’Italie - ou quand on impose des quarantaines à tel ou tel pays, cela peut entraîner des escalades et peut paraître vexatoire pour les populations concernées » analyse Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors. Un sentiment de vexation déjà éprouvé par les travailleurs français transfrontaliers avec l’Allemagne, après la décision unilatérale de Berlin de fermer sa frontière dès le début de la pandémie.

« Mini-Schengen »

« Il serait dommage que le manque de coordination se perpétue au travers du déconfinement et que nous assistions à une cacophonie à vingt-sept » met en garde Jean Bizet, président de la commission des Affaires européennes du Sénat. Car l'enjeu de la coordination européenne « est de rétablir la libre circulation au sein de l’espace Schengen » rappelle Sébastien Maillard. « Il s’agit d’un bien précieux de la construction européenne. Si on ne peut pas circuler librement en Europe, il n’y a pas d’Europe ».

Dès lors, l’apparition de « mini-Schengen », à l’image des Etats baltes qui ont rouvert leurs frontières entre eux, « peut porter préjudice à la cohésion européenne si la situation se prolonge » estime Sébastien Maillard. Certes, « les Etats membres ne se sont pas mis dans l’illégalité, on a le droit de fermer sa frontière » rappelle le spécialiste des affaires européennes, « mais il faut pouvoir le justifier ».

Pas de réouverture des frontières extérieures avant juillet

Si l’imbroglio européen suscite des tensions, Sébastien Maillard n’y voit pas de remise en cause du principe de Schengen. « Les pays qui participent à Schengen y sont attachés. C’est aussi une condition pour la reprise. Sans libre circulation, cela sera peut-être plus dur de se relever économiquement. Ce n’est pas l’intérêt des Etats membres ». Pour Jean Bizet, la crise « nous a fait prendre conscience de l'importance du marché unique et du coût de ces entraves. Il est nécessaire de lever maintenant ces barrières ».

Reste la question des frontières extérieures de l’UE. Celles-ci ne devraient pas rouvrir avant le mois de juillet, conformément à la demande de la France. « Nous devrons ensuite avoir une stratégie d’ouverture coordonnée, prenant en compte la situation épidémiologique des pays tiers » a indiqué Laurent Nunez, qui participait à la réunion des vingt-sept, sur twitter



 

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