« Au début, j’ai cru que c’était une fake news. Si ça a vraiment été dit, c’est très grave. En gros, Emmanuel Macron a dit aux présidents de régions, aidez-moi à être réélu et je vous aiderai » s’insurge le sénateur LR du Pas-de-Calais, Jean-François Rapin, proche de Xavier Bertrand, lorsqu’on l’interroge sur les propos rapportés du chef de l’État.
« Si les propos prêtés à Emmanuel Macron dans cet article sont vrais, c’est un grave dévoiement de la fonction Présidentielle. Les dates des élections et les dotations de l’État ne relèvent pas des convenances personnelles du Président de la République » tweete David Cormand, député européen EELV.
Tout est parti d’un déjeuner avec Renaud Muselier, le président de Régions de France et le chef de l’État, les discussions auraient porté sur la mise en œuvre du plan de relance post Covid-19 mais également sur le calendrier électoral.
« Je ne vais pas donner de l'argent à mes adversaires »
À la sortie de ce déjeuner, Renaud Muselier aurait appelé plusieurs présidents de régions pour leur rapporter cette phrase d’Emmanuel Macron : « Je vous aide (financièrement) si vous m'aidez à reporter les régionales après la présidentielle car j'ai des opposants politiques parmi vous (…) « Je ne vais pas donner de l'argent à mes adversaires » aurait-il indiqué selon le récit fait par le Figaro.
Le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse ou encore le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez sont, effectivement, autant de concurrents potentiels pour Emmanuel Macron à la présidentielle de 2022.
Le président de la région Sud a depuis fermement démenti ces propos et rappelle que le seul objectif de Régions de France « est de permettre à la France de rebondir dans le cadre d’un accord intelligent Etat-régions ». « Nous ne nous laisserons entraîner dans aucune polémique stérile » prévient-il.
Du côté de l’Élysée, on confirme que le chef de l’État « a ouvert le débat » à un report des régionales après l’élection présidentielle de 2022. Mais la raison invoquée est l’ordre de « l’intérêt général ». « On ne peut pas demander que les régions participent au plan de relance mais qu’elles interrompent leur action à cause de la campagne » explique l’Élysée à l’AFP.
« Une logique d’intérêt général »
« Des discussions sont en cours. Je ne commenterai pas ces premiers échanges ». Difficile ce matin d’obtenir une réaction de la part d’un président de conseil régional sur le report éventuel des élections de mars prochain. Mais l’idée est, pour le moment, loin d’être exclue. Dans une lettre ouverte au président de la République, publiée par Libération cet après-midi, Renaud Muselier se dit même prêt à l’envisager. « S’il faut soigneusement peser le pour et le contre d’une telle idée, il ne me semble pas qu’elle doive être d’emblée rejetée. Elle peut s’inscrire dans une logique d’intérêt général pour notre pays. La situation est grave, nul ne peut l’ignorer, et nous devons agir avec la conscience de l’urgence et une très grande détermination » écrit-il.
Une position qui ne semble pas être partagée par l’ensemble des exécutifs régionaux. « Les élections, ce n’est pas un jeu de dés » a prévenu dimanche sur BFMTV, Xavier Bertrand. « Xavier Bertrand sera probablement candidat à sa réélection en mars. En cas de victoire, il confortera sa position politique, ça pourrait poser un problème du côté des plus hautes instances de l’État » suggère Jean-François Rapin.
« Le Président veut éviter de prendre une nouvelle raclée électorale »
Proche de Valérie Pécresse, le sénateur LR des Hauts-de-Seine, Roger Karoutchi esquisse une autre raison qui pourrait motiver le choix présidentiel d’un report des municipales. « Tout tripatouillage du calendrier à 9 mois des élections serait perçu par les citoyens comme une manœuvre électoraliste. « Si le Président veut éviter de prendre une nouvelle raclée électorale, alors à ce moment-là, il faut reporter les sénatoriales mais aussi les départementales qui auront lieu en même temps que les régionales. Et puis tant qu’on y est, il peut même reporter la présidentielle à 2025 pour ne pas percuter le scrutin avec la relance économique qui va prendre plusieurs années » ironise-t-il avant de conclure : « Que voulez-vous, le nouveau monde ne s’est pas implanté dans les territoires, c’est un fait ».
Sur twitter, Raphaël Glucksmann, député européen qui siège au groupe S&D (Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates) ne dit pas autre chose.
Un report dans le cadre d’une grande réforme des territoires ?
Enfin, l’hypothèse d’un report des régionales pourrait être également motivée par la nouvelle étape de la décentralisation annoncée par Emmanuel Macron, dimanche soir. « Je veux ouvrir pour notre pays, une page nouvelle donnant des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies » a-t-il promis. À ce sujet, un groupe de travail du Sénat et Territoires Unis (communes départements, régions) travaillent sur « un grand texte des libertés locales » attendu pour fin juin, début juillet. « Si on part sur une grande réforme des territoires avec un changement de mode d’élection, avec par exemple, le retour du conseiller territorial, (crée sous Nicolas Sarkozy, abrogé par François Hollande NDLR), on pourrait éventuellement décaler les élections mais il n’y a pas le début d’un commencement d’un texte » note Roger Karoutchi.
« Il ne faut pas inverser les choses, d’abord un texte et ensuite le calendrier. Il faut des motifs impérieux pour changer les dates d’élections. Elles ne peuvent pas faire l’objet d’une décision discrétionnaire du chef de l’État » rappelle François Bonhomme sénateur LR, secrétaire de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales.