Report des régionales ? Les sénateurs ne veulent « pas mettre la démocratie entre parenthèses » face au Covid
Alors que le report des prochains scrutins locaux est évoqué par l’exécutif, l’idée ne semble pas connaître un franc succès chez les sénateurs. « Bientôt, il n’y aura plus d’élections départementales et régionales car ça va arranger l’exécutif » raille le président du groupe centriste, Hervé Marseille.
Les élections régionales et départementales de mars 2021 seront-elles reportées à cause de l’épidémie ? La question se pose, depuis que l’exécutif a remis la question sur la table. Un comité des sages va se charger de plancher sur le sujet. Emmanuel Macron va réunir une commission où les oppositions seront représentées. Sept présidents de départements se sont par ailleurs prononcés pour un report. « Il faut que la décision soit prise avant que la campagne officielle commence », a expliqué sur France Info Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, soit « avant la fin de l'année, début de l'année 2021 ».
Le chef de l’Etat avait déjà évoqué cette idée en juin dernier avec Renaud Muselier, président LR de la région Sud, mettant en avant la nécessité de mettre en œuvre au mieux le plan de relance, avant d’écarter cette option. Face à la seconde vague de Covid-19, elle revient encore plus fortement. Le sujet sera, à n’en pas douter, au cœur des débats du congrès de l’association des Régions de France, ce lundi (à suivre sur Public Sénat). Il sera aussi au menu des discussions mardi après-midi, où le premier ministre reçoit les présidents de groupe.
François Patriat (LREM) veut « repousser les départementales et régionales après la présidentielle »
Au Sénat, le président du groupe RDPI (LREM), François Patriat, a pris clairement position pour le report. « Je ne vois pas, dans les conditions actuelles, comment une campagne pourrait se tenir dans des conditions normales. Il faut repousser les élections départementales et régionales après la présidentielle, c’est clair. Surtout si le virus est encore là dans un an » nous affirmait jeudi ce fidèle d’Emmanuel Macron.
A la Haute assemblée, son empressement à changer les dates du scrutin ne semble pas suivi. Au groupe LR, son président, Bruno Retailleau, reste prudent. « S’il y a un risque élevé sur la tenue des élections, il faudra envisager le report » a-t-il affirmé au Monde, « mais il faudra le décider tôt et pas la veille du scrutin ».
Philippe Bas (LR) : « Avant de songer à reporter des élections, il faut réfléchir aux moyens de les sécuriser »
Philippe Bas, sénateur LR de la Manche, écarte pour sa part tout report. C’est ce qu’explique l’ancien président de la commission des lois à publicsenat.fr :
On ne peut pas mettre la démocratie entre parenthèses. Imaginez ce que ce serait, si c’était l’élection présidentielle qui avait lieu l’an prochain !
Philippe Bas continue : « Avant de songer à reporter des élections, il faut réfléchir aux moyens de les sécuriser. On sait faire tourner les entreprises, les administrations et les transports pendant le Covid-19. Apprenons à organiser aussi des campagnes et des scrutins en toute sécurité : campagnes numériques, vote électronique, vote par correspondance sécurisé, possibilité de deux procurations par mandataire, etc. Et il faut y travailler de toute urgence pour être prêt à temps. C’est indispensable en prévision de 2022 aussi, pour être prêt à toute éventualité »… L’examen du projet de loi sur l’état d’urgence sanitaire sera peut-être l’occasion d’amendements en ce sens.
Dans le même esprit, Philippe Bas avait déjà mis en garde mardi soir, en séance, lors de l’examen du projet de loi sur le régime transitoire post-état d’urgence. « La démocratie est une chose trop sérieuse pour la suspendre aux risques sanitaires. Si la présidentielle avait lieu en 2021, faudrait-il que les Français ne se prononcent pas ? » demandait déjà le rapporteur. Les sénateurs avaient enrichi le texte en facilitant les procurations et en réhabilitant le vote par correspondance.
Pour compliquer les choses, tout report sera entaché du soupçon de tripatouillage électoral. Car Xavier Bertrand, à la tête de la région Hauts-de-France, et Valérie Pécresse, en Ile-de-France, sont de possibles candidats à l’élection présidentielle de 2022. Reporter l’élection, surtout après 2022, empêcherait ces prétendants de bénéficier d’une forme de dynamique politique, en cas de réélection.
Hervé Marseille : « Je ne parlerais pas d’instrumentalisation mais… »
Selon le président du groupe Union centriste du Sénat, Hervé Marseille, un report poserait question sur ce plan. « Il a bon dos le problème sanitaire. Non seulement on prend des décisions sans tenir compte des instances démocratiques, et bientôt, il n’y aura plus d’élections départementales et régionales car ça va arranger l’exécutif. (…) Je ne suis pas tout à fait innocent au point de penser que le président de la République n’a pas ça en tête ( l’élection présidentielle de 2022) » lâche le sénateur UDI des Hauts-de-Seine, invité ce vendredi de Parlement hebdo, sur Public Sénat et LCP-AN.
« Je ne parlerais pas d’instrumentalisation mais le président de la République pense à l’élection du président de la République. On ne peut pas lui en vouloir. Il se dit, "qu’est ce qui est bon pour préparer l’élection présidentielle ? Peut-être que ce n’est pas indispensable d’avoir les élections régionales et départementales, car mes copains ne sont pas tellement préparés à ce genre d’élection, ce n’est pas bon. Et pour moi, c’est peut-être mieux si j’ai ce genre de texte pour préparer 2022" » continue Hervé Marseille, évoquant ici le projet de loi sur le séparatisme.
A l’inverse, sa collègue du groupe centriste, Nathalie Goulet, réclame un report. La sénatrice UDI de l’Orne appelle Emmanuel Macron, dans un entretien à Challenges, à « ne pas reproduire les erreurs du printemps dernier » avec le maintien du premier tour des municipales. A l’époque, le chef de l’Etat avait sondé Gérard Larcher et les LR. La droite s’était opposée à tout report.
« On a la capacité à tenir les bureaux de vote » selon Patrick Kanner (PS)
A gauche, Patrick Kanner, qui dirige le groupe socialiste du Sénat, n’est pas non plus favorable à repousser l’élection. Il vient d’ailleurs d’être désigné jeudi soir, par les militants socialistes, chef de file pour le PS pour les régionales dans les Hauts-de-France. L’ancien ministre se prononce « pour le maintien du scrutin avec une campagne en mode dégradée. Mais l’élection ne s’est pas autodégradée ». « On a la capacité à tenir les bureaux de vote. 20 millions de personnes concernées par le couvre-feu, ce n’est pas 60 millions. Pour l’instant, nous ne sommes pas favorables à prendre en otage la démocratie » ajoute le sénateur PS du Nord, qui pense que « dans le climat de défiance actuel, un rendez-vous démocratique sera un antidote au poison complotiste ». Patrick Kanner note par ailleurs « qu’il est très peu probable qu’il y ait une seule région LREM au soir de l’élection… »
Celui qui mènera donc la liste PS pour les régionales, si aucun accord d’union n’est trouvé avec EELV et le PCF, souhaite aussi « qu’on tranche avant Noël ou début janvier ». D’ici là, il sera « d’une prudence de sioux » concernant les dépenses de campagne. Les comptes de campagne commencent en effet six mois avant un scrutin, soit septembre, si les élections sont maintenues en mars. Mais difficile d’ouvrir les dépenses si tout est repoussé. « Et comme on dit dans le Nord, quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup » sourit Patrick Kanner.
Mais le député et numéro 1 du PCF, Fabien Roussel, qui pourrait se présenter aussi dans les Hauts-de-France, si les discussions n’aboutissent pas avec le PS, est plus prudent. « Nous avons émis des doutes sur la tenue des élections départementales et régionales. Je ne veux pas que la démocratie soit confinée mais il n'est pas question d'emmener les Français aux urnes, si les conditions sanitaires ne sont pas réunies » a-t-il mis en garde, interrogé par Le Figaro. Se mettre d’accord à gauche n’est pas toujours évident, on le voit à nouveau. Un report aurait au moins l’avantage de leur laisser un peu plus de temps pour s’entendre.
Débats budgétaires hors de contrôle, tensions entre alliés macronistes et LR, manque de cohésion au gouvernement : la vie du « socle commun » n’est pas un long fleuve tranquille. Les deux camps, qui « se foutaient sur la gueule » avant l’été, n’ont pourtant pas d’autres choix que de s’entendre, du moins aujourd’hui.
Invitée de la matinale de Public Sénat, la ministre déléguée chargée de l’énergie, Olga Givernet a défendu une hausse des taxes sur l’électricité. La mesure, particulièrement impopulaire, a été supprimée par les députés du projet de loi de finances 2025.
« Il n’y aura pas de nouvelle taxe, mais il faut réfléchir à une participation possible au fait de vivre dans la ville ou le village », avance la ministre Catherine Vautrin, qui ouvre la réflexion avec les élus. Au Sénat, le président de la délégation aux collectivités, Bernard Delcros, évoque une « réforme de la taxe foncière », quand le vice-président de l’AMF, Philippe Laurent, défend une contribution qui « tient compte très largement du revenu ». Le débat est loin d’être clôt.
En écho aux nombreux faits divers liés au trafic de drogue, le député Rassemblement national, Jean-Philippe Tanguy, demande la création de courtes peines de prison pour les consommateurs de stupéfiants. Une solution que rejette Raphaël Glucksmann ou Mathilde Panot et qui fait réagir les syndicats de magistrat et de police.