L’Assemblée nationale a adopté jeudi, en première lecture, le projet de loi « responsabilité pénale », écrit en réaction à l’affaire Sarah Halimi. L’absence de procès pour le meurtrier de cette femme juive avait suscité au printemps dernier une vive émotion à travers le pays, la cour de cassation ayant conclu à l’irresponsabilité pénale du suspect en raison d’un manque de discernement, attribué par les experts à une prise de psychotropes. Le texte adopté par les députés introduit une exception au principe d’irresponsabilité pénale, en l’occurrence lorsqu’une personne a volontairement consommé des produits psychoactifs avant de passer à l’acte.
Cette réforme, adoptée en amont, aurait-elle permis d’obtenir la condamnation du meurtrier de Sarah Halimi ? « On ne peut jamais, en justice, avoir de certitude sur l’issue d’un procès pénal, et c’est heureux parce qu’on est sur de la matière humaine », a répondu Yaël Braun-Pivet, députée LREM et présidente de la commission des lois, vendredi au micro de « Parlement Hebdo » sur Public Sénat et LCP. « Nous faisons le droit, nous écrivons la loi et les juges sont chargés de l’appliquer. Les juges dans une démocratie jugent en fonction d’une situation particulière et des éléments du dossier », insiste l’élue. « Il n’y a rien d’automatique ».
Elle n’exclut pas que d’autres affaires de ce type puissent, à l’avenir, poser problème et susciter à nouveau de vifs débats, notamment entre experts psychiatriques et magistrats. Ne serait-ce que pour prouver l’intention dans la prise de psychotrope. « Mais les débats ne sont jamais vains. C’est cela une démocratie : débattre entre experts, entre juges ! »
« Nous avons conservé la structure de notre droit pénal »
À ceux qui accusent le gouvernement d’avoir légiféré sous le coup de l’émotion, Yaël Braun-Pivet assure que les réactions soulevées par cette affaire ont permis de faire la lumière sur une faille importante du droit. « La législation est ancrée dans la réalité, vous ne légiférez pas en étant hors-sol, en étant sur de la théorie. Là nous avions une affaire qui était absolument abominable. Le jugement a suscité dans le pays une émotion considérable. Les juges de la cour de cassation nous ont expliqué avoir été obligés de juger de la sorte car il y avait un trou dans la raquette ».
Elle réfute également l’argument selon lequel ce texte introduirait un déséquilibre dans l’édifice pénal français, brouillant le principe selon lequel « on ne juge pas les fous ». « Les dispositions que nous avons créées sont bonnes, dans le sens où nous créons une intention autonome », insiste-t-elle. « Nous avons conservé la structure de notre droit pénal qui fait que l’on ne juge pas quelqu’un considéré par des experts psychiatres comme ayant un jugement aboli ! »