« Retour au RN… A la niche ! » : les propos de Guillaume Peltier agitent la droite sénatoriale
Les prises de position du numéro deux des Républicains ont animé la réunion de groupe au Sénat ce mardi matin. « C’était chaud », confie l’un des participants, alors que le cabinet de Gérard Larcher l’appelle à « tirer les conséquences » de ses propositions.
Par Pierre Maurer
Temps de lecture :
6 min
Publié le
A force d’aboyer, les coups de bâtons finissent par tomber. « Que Peltier retourne au RN ! C’est de là qu’il vient. Retour à la niche ! Jacob doit taper du poing sur la table et le virer ! », exhorte un poids lourd des Républicains au Sénat en sortant de la réunion de groupe mardi midi. Les propos du numéro deux du parti, tantôt tenté par Robert Ménard, tantôt favorable à une justice d’exception, étalent au grand jour les fractures de la droite depuis dimanche. Le même ténor confirme : « C’était chaud ce matin ! ». Après deux heures passées à parler du projet de loi Climat, les propositions musclées de Guillaume Peltier ont animé brièvement la réunion. Dans le brouhaha – les avis sont mitigés – le sénateur François Calvet et le patron du groupe Bruno Retailleau prennent la parole. Les sénateurs regrettent notamment qu’il n’y ait pas un chef « pour mettre un holà sur les propos outranciers ». D’autres sont particulièrement agacés par la proposition d’une « Cour de sûreté », supprimant la possibilité de faire appel en matière terroriste. « Je suis en total désaccord avec lui. Avant de prononcer de tels propos, il faut consulter », peste un sénateur du groupe. « C’est une ligne rouge ! », renchérit un autre. En bref, le débat était « animé », résume une sénatrice.
Car beaucoup l’observent : « Sur le terrain, les électeurs partagent ces propos, ou ne nous font plus confiance et partent au RN », se désole un parlementaire très critique sur sa famille politique. Un peu plus tôt, les gardiens de la droite sénatoriale avaient donné leur ligne. A Public Sénat, le cabinet du président du Palais du Luxembourg, Gérard Larcher, annonce exiger un départ : « Si Guillaume Peltier pense vraiment ce qu’il dit, il doit en tirer les conséquences, car il n’est visiblement pas à sa place chez Les Républicains. Ce qu’il dit ne reflète absolument pas l’esprit du parti. »
« Il nous faut un chef ! »
Sur Europe 1, Bruno Retailleau s’est quant à lui dit, « attaché à l’Etat de droit » et pour « garantir le principe de l’appel », estimant « qu’il y a plein de choses qu’on peut faire avec notre droit sans recourir à une justice d’exception ». Il a toutefois jugé que « parfois par exemple la Cour européenne des droits de l’Homme va trop loin ». La condamnation est moins ferme, et le patron des sénateurs LR, qui veut être le candidat de son camp à la présidentielle, en profite pour remettre un coup de pression sur Christian Jacob, le numéro 1 des LR, en réclamant des primaires. « Juste après les régionales, je demande à Christian Jacob (président de LR, ndlr) et à mon parti d’organiser en urgence un bureau politique pour qu’on puisse enfin se mettre en ordre de bataille », plaide Retailleau. « L’heure n’est pas aux prises de position personnelles qui nuisent à tous mais à la mobilisation derrière nos candidats », avait réagi dimanche soir Christian Jacob.
Lundi déjà, nombreux étaient les sénateurs à attribuer ces dissensions à l’absence de leader naturel à droite. Nicolas Sarkozy condamné et hors-jeu, François Baroin préférant le confort de sa vie dans le privé, les Républicains se trouvent orphelins. Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez, Michel Barnier… Tous lorgnent un soutien du parti bonapartiste pour 2022 mais aucun ne fait l’unanimité. « Il nous faut un chef ! », se lamente désespéré, un sénateur. Et pour cause, la cacophonie continue. Les voix se croisent et s’entrechoquent, trop souvent depuis le psychodrame en Paca.
Une « faute »
Invité de la matinale de Public sénat, l’ancien ministre et lieutenant sarkozyste Brice Hortefeux estime que Guillaume Peltier a fait « une erreur en jouant une partition en solo alors que nous sommes engagés dans un combat collectif ». Pour la présidente du Conseil national des Républicains, Annie Genevard, Peltier a fait une « sortie de piste ». La députée du Doubs « regrette cette prise de position qui n’avait été validée par personne, discutée par aucun des membres de la direction du parti ». Le chef des députés LR et soutien de Xavier Bertrand, Damien Abad, a martelé dans le Figaro que la « digue » avec le RN était « infranchissable » et fustige la stratégie du « ni-ni ». Lui aussi candidat à la candidature pour 2022, l’ancien négociateur du Brexit Michel Barnier a jugé que Peltier avait fait « fait une faute » en s’exprimant « à titre personnel ».
Premier vice-président LR du Sénat, soutien de Valérie Pécresse, Roger Karoutchi rejoint ses collègues. « C’est le moment où le collectif prime. Alors avoir des idées fantasmagoriques et les présenter sur les plateaux de télé… Ou ne pas appeler à voter pour nos candidats, c’est une erreur lourde. C’est une faute politique », tacle le sénateur des Hauts-de-Seine. « C’est à Christian Jacob de prendre les décisions qui s’imposent pour que l’unité se fasse aux régionales et départementales. Il n’y a pas de grosses divisions en interne. Il y a simplement des gens qui parlent trop », poursuit-il.
Un comité stratégique du parti doit se tenir le 9 juin mais une exclusion n’est, pour l’heure, pas sur la table. En attendant, armé de son flegme légendaire et de son expérience de vieux routier de la politique, Roger Karoutchi donne un conseil à Guillaume Peltier : « Allez, un peu au frais ! De l’eau fraîche ! »
« Le système me salit »
Loin de se flageller, Guillaume Peltier a réitéré ses propos mardi matin dans le Parisien. L’ancien membre du Front national de la jeunesse s’en est aussi pris sur Twitter aux attaques venues des opposants, tous heureux de ronger l’os jusqu’à la moelle. « ‘ Vichyste ‘ (Schiappa), ‘Meurtrier’ (Delga), ‘ Le problème Peltier’ (l’Opinion). Sont-ils devenus fous ? Le problème, ce n’est pas moi, mais le terrorisme. Parce que je suis fier d’être de droite et pense différemment de la caste qui gouverne, le système me salit. Je maintiendrai », a écrit Peltier dans la foulée.
Le groupe LR n’anticipe pas de grands changements à l’issue du scrutin sénatorial dimanche. « J’attends que la majorité sénatoriale soit confortée », affirme Bruno Retailleau, président du groupe LR. « Nos divisions sont souvent délétères. C’est souvent ce qui nous fait perdre quelques sièges », met en garde le sénateur, qui doit faire face aussi à « l’émergence d’Horizons ».
Le Conseil d’État a rejeté ce 21 septembre la requête du Rassemblement national qui portait sur une circulaire émise par le ministère de l’Intérieur, dans le cadre des élections sénatoriales. Le parti contestait la présence de ses candidats dans le bloc de clivage « extrême-droite » utilisé par l’administration.
C’est le groupe faiseur de roi. L’union centriste, sans qui les LR n’ont pas la majorité au Sénat, mise globalement sur une stabilité pour les sénatoriales. Alliés des LR à la Haute assemblée, certains de ses membres soutiennent néanmoins Emmanuel Macron, au risque pour le groupe de jouer parfois le grand écart. Mais son président Hervé Marseille sait veiller sur « la marmite centriste » par son habileté politique.
Dans le Lot, neuf candidats sont sur la ligne de départ. Dans ce département rural, qui élit deux sénateurs au scrutin majoritaire, la bataille se joue essentiellement entre socialistes et radicaux. A gauche, l’élection de Jean-Marc Vayssouze-Faure semble assurée. Chez les radicaux en revanche, plusieurs candidats se disputent la succession de Jean-Claude Requier, président du groupe au Sénat.