Occupation et terrorisme : une situation nouvelle pour le Shin Bet
Suite à l’occupation des terres palestiniennes par les autorités israéliennes en 1967, l’agence doit trouver des interlocuteurs arabes pour faire face à cette nouvelle situation et aux actes terroristes qui en découlent.
À Naplouse par exemple (au nord de Jérusalem), « il y avait autant de chats errants que de terroristes » selon Yaakov Péri, dirigeant du Shin Bet de 1988 à 1994.
Le Shin Bet souhaite alors recruter des Palestiniens et voici comment il procédait : « Vous étudiez le terrain, vous interrogez des milliers de gens en les faisant parler de leur village, des clans familiaux, des institutions. Vous parvenez ainsi à cibler celui que vous allez recruter ».
Ainsi, l’agence de renseignement israélienne parvient à « maîtriser le terrorisme », comme l’affirme Avraham Shalmon, l’un des dirigeants : « On le maintenait à un niveau suffisamment bas pour que l’État Israélien puisse agir à sa guise. On était alors passé de 20 attentats par semaine à 20 attentats seulement par an ».
Autre problème selon cet ancien dirigeant du Shin Bet : l’absence de prise en considération par les différents Premier ministres Israéliens du peuple Palestinien.
De la guerre à la paix : la 1ère intifada et les accords d’Oslo
1987, le peuple Palestinien se révolte contre l’occupation Israélienne, c’est la 1ère intifada : « un mouvement d’une ampleur inédite. Des milliers de gens étaient dans la rue et seuls les tirs réels pouvaient les arrêter » selon les dires d’Avi Dichter, à la tête de l’agence de 2000 à 2005.
La responsabilité de ces violences n’est pas celle du Shin Bet pour Yaakov Péri mais celle du Premier ministre Yitzhak Shamir qui a toujours refusé de discuter avec les Palestiniens.
Mais à l’arrivée à la tête du gouvernement d’Yitzhak Rabin en 1992, la donne change.
Celui-ci parvient à établir une relation de confiance avec les Palestiniens, aboutissant aux accords d’Oslo en 1993. L’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) renonce alors au terrorisme et reconnaît le droit d’Israël à vivre en paix et en sécurité.
AFP : Yitzhak Rabin et Yasser Arafat à la signature des accords d'Oslo le 13 septembre 1993
Un changement soudain que Yuval Diskin, chef du Shin Bet de 2005 à 2011 a eu du mal à accepter. Il raconte : « J'avais poursuivi des gens, c'étaient des terroristes, des assassins et j'allais m'asseoir avec eux ? »
« Le Palestinien te dit : Toi aussi, tu es un terroriste. Vous comprenez alors que le terroriste des uns est le résistant des autres »
La paix instaurée par ces accords est cependant de courte durée car comme l’explique Carmi Gillon du Shin Bet : jusqu’aux accords d’Oslo, Israël avait un ennemi : le Fatah. Puis ce dernier cesse ces opérations terroristes, sous l’impulsion de Yasser Arafat (Dirigeant de l’OLP), mais « le Hamas et le Jihad Islamique remplissent alors ce vide ».
Pour Y. Diskin : « Avec l’assassinat du Premier ministre, nous avons pris conscience de nos lacunes et que nous avions fait passer les muscles avant la tête »
Avec les accords d’Oslo, le Shin Bet se retrouve dans l’impasse : « Nous ne savions pas comment les Palestiniens agiraient, à quel point ils s’engageraient dans la lutte contre le terrorisme. L’autre question était : comment prévenir le terrorisme si nous ne sommes plus sur place ? » s’interroge Yuval Diskin.
Les attentats suicides revendiqués par le Hamas et le Jihad Islamique se multiplient : à Afula (dans le nord d’Israël), un Palestinien lance une voiture piégée contre un autobus. L’année suivante, deux kamikazes du Jihad Islamique se font sauter à un arrêt de bus à Beit-Lid, au nord de Tel-Aviv.
S’ajoute à cela la menace des groupes activistes de la droite israélienne. Menés par Benyamin Netanyahou et Arik Sharon, ils s'opposent fermement aux accords d'Oslo et attisent la colère du peuple israélien contre le Premier ministre. Menacé, Yitzhak Rabin fini par être assassiné en 1995 par un ultranationaliste israélien. Un événement tragique mais révélateur pour Yuval Diskin : « Nous avons pris conscience de nos lacunes et que nous avions fait passer les muscles avant la tête ».
Après la mort du Premier ministre, « la volonté d’Israël d’aboutir à un véritable accord de paix n’a fait que s’amenuiser » explique Yaakov Péri : « La bonne foi a disparu entre les deux pays. Nous (l’Israël) voulions la sécurité mais le terrorisme augmentait et ils (les Palestiniens) voulaient un État et que les colonies se multiplient ». Une situation tendue qui aboutit à une seconde intifada en 2000.
Les espoirs des accords d’Oslo déçus, le Shin Bet prend conscience que la paix ne peut se construire que grâce à un dialogue entre les deux États : « On ne fait pas la paix avec des méthodes militaires. La paix ne peut se construire que sur des relations de confiance » affirme Avi Dichter.
Retrouvez l’intégralité du documentaire « The Gatekeepers » réalisée par Dror Moreh dimanche 29 juillet à 09 h 50.