Retrait de la proposition de loi constitutionnelle LR sur l’immigration : « Ça ne servait à rien d’avoir un texte totalement dénaturé », estime Bruno Retailleau

C’est un évènement qui est passé inaperçu lundi soir. Alors qu’à l’Assemblée, le gouvernement prenait acte de l’adoption d’une motion de rejet de son projet de loi immigration, au Sénat, le président du groupe LR, Bruno Retailleau prenait la décision de retirer sa proposition de loi constitutionnelle sur le même thème, faute d’avoir pu trouver un accord avec ses alliés centristes.
Simon Barbarit

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On peut dire que Bruno Retailleau a bien choisi son moment pour battre en retraite. Lundi soir, alors que le monde politique était en ébullition après l’adoption à l’Assemblée nationale d’une motion de rejet sur le projet de loi immigration, le président du groupe LR du Sénat retirait en catimini sa proposition de loi constitutionnelle « relative à la souveraineté de la France, à la nationalité, à l’immigration et à l’asile » de la niche parlementaire de son groupe. La proposition de loi devait être examinée mardi soir.

Le texte qui prévoit la possibilité de déroger au droit européen en matière d’immigration et l’élargissement du champ du référendum à cette question, avait déjà subi un sérieux revers une semaine plus tôt à l’Assemblée nationale où il était également examiné dans la niche parlementaire des Républicains. « Nous avons vu dans cet hémicycle se constituer une majorité », « un étrange attelage de la Nupes et de la majorité Renaissance, soutenu par le gouvernement », avait déploré le patron des députés Les Républicains, Olivier Marleix pour justifier le retrait de cette proposition de loi.

« Il y a une majorité sénatoriale, mais quand il y a des désaccords sur des sujets importants, On n’en fait pas un drame »

Au Sénat, où pourtant Les Républicains sont majoritaires avec leurs alliés centristes, la proposition de loi a connu le même sort. En commission des lois la semaine dernière, les deux groupes de la majorité sénatoriale avaient déjà acté « un désaccord majeur », selon les termes de Bruno Retailleau. Avec l’appui des centristes, la commission avait supprimé deux articles phares du texte. L’article 2 qui prévoit d’élargir les conditions du recours au référendum de l’article 11 de la Constitution aux questions relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit de la nationalité, et l’article 3 qui permettrait à la France de déroger aux règles européennes, notamment en matière migratoire si celles-ci « contreviennent à l’identité constitutionnelle de la France » (voir notre article).

Après avoir fait les comptes, le rapporteur Christophe-André Frassa (LR) a vu son optimisme fondre au fil des jours sur l’éventualité d’une adoption du texte en séance avec ces deux articles polémiques. « C’est la dure réalité des chiffres. J’ai bien vu que les positions n’évoluaient pas. Je reste pourtant convaincu que la seule solution pour pallier certains problèmes, c’est de réviser la Constitution ».

Ce mardi, Bruno Retailleau a pris acte de ce blocage au sein de la majorité. « Nous estimons que la question de l’immigration qui a bouleversé la société française comme aucun autre phénomène, devra être tranchée par le peuple Français. Cet article a été supprimé par une sorte d’alliance entre la gauche, le centre et les macronistes […] ça ne servait à rien d’avoir un texte totalement dénaturé, défiguré en séance publique ».

De là à dire que le texte est enterré ? Le sénateur de Vendée rappelle que la proposition d’élargir le référendum aux questions migratoires a de toute façon été rejetée par le président de la République. Quant aux implications de ce retrait dans les rapports entre centristes et Républicains au Sénat, il assure : « Il y a une majorité sénatoriale, mais quand il y a des désaccords sur des sujets importants, on en prend acte. On n’en fait pas un drame. Mais il était hors de question qu’on transige sur ces deux points-là ».

Le sujet de l’élargissement du référendum « dépassé »

Le sénateur centriste, Philippe Bonnecarrère rappelle que son groupe était favorable à 6 articles sur les 8 que contient la proposition de loi mais rappelle les lignes rouges. « Nous ne sommes pas favorables à l’extension du référendum de l’article 11 et l’avons dit très tôt. Face aux tempêtes qui s’annoncent ou peuvent s’annoncer en 2027, la distinction entre les articles 11 et 89 de la Constitution (qui permet de réviser la Constitution par référendum après un vote conforme du Parlement NDLR) est un bien précieux auquel nous tenons pour la stabilité de nos institutions. Il ne peut y avoir de modification constitutionnelle sur les sujets migratoires ou de nationalité par le référendum de l’article 11 ».

Le président du groupe centriste Hervé Marseille estime « que les conditions n’étaient pas réunies pour pouvoir discuter de ce texte ». Il juge le sujet de l’élargissement du référendum « dépassé ». « On peut parler de ça tant qu’on veut mais le sujet a été clos par le président de la République, car il supposerait une révision de la Constitution qui n’est pas d’actualité ».

 

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