Après une semaine de révélations sur ses activités et mandats non déclarés, le haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, a présenté lundi sa démission à Emmanuel Macron, qui doit désormais remplacer ce pilier de l'exécutif "dans les plus brefs délais", en plein conflit social sur la réforme qu'il portait depuis deux ans.
Désigné en septembre 2017 pour préparer le "système universel" promis par le chef de l'État, M. Delevoye "paye" sa "légèreté coupable" et ses nombreuses négligences dans sa déclaration d'intérêts, admet-il dans une déclaration transmise à l'AFP.
Depuis la première révélation du Parisien, il y a tout juste une semaine, sur ses liens avec un institut de formation du secteur de l'assurance (Ifpass), qu'il avait qualifié "d'omission par oubli", pas un jour ne s'est écoulé sans rebondissement.
Fonctions bénévoles à la Fondation SNCF, à l'Observatoire de la commande publique des Hauts-de-France, à la Fédération française des diabétiques... En tout, le haut-commissaire cumulait 13 mandats, dont 11 bénévoles.
Il était également rémunéré depuis mi-2016 par le groupe de formation IGS, dont il a continué à percevoir plus de 5.000 euros par mois même après son entrée au gouvernement début septembre, ce qui est interdit par la Constitution.
"Mon erreur est d'une légèreté coupable. Je la paye. C'est la dure loi de la responsabilité, de l'exemplarité et de la transparence qui doit s'appliquer à tous et à moi en particulier", reconnaît aujourd'hui celui qui n'a cessé de clamer sa volonté d'"embarquer la confiance" avec sa réforme.
M. Delevoye dénonce au passage les "attaques violentes" et les "amalgames mensongers" dont il estime être l'objet.
"En instrumentalisant mon procès, en réalité, on veut porter atteinte au projet" du président de la République, qui veut instaurer un "système universel" de retraite par points pour remplacer les 42 régimes existants.
"Ce projet est essentiel pour la France. En me maintenant, je le fragilise", ajoute l'ex-haut-commissaire, dont le cas sera examiné mercredi "comme initialement prévu" par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
- "Un gâchis" -
M. Macron n'a eu d'autre choix que d'accepter "avec regret" la démission de son homme de confiance, qu'il avait tiré de sa retraite en 2017 pour le nommer à la commission d'investiture des candidats aux élections législatives, avant de le charger du chantier titanesque de la réforme des retraites.
"Il a décidé de ne pas handicaper l'action du gouvernement en demeurant à son poste", a commenté la porte-parole Sibeth Ndiaye.
Saluant sa "démarche de responsabilité", l'Élysée souligne que M. Delevoye "aura les moyens de se défendre en quittant ses fonctions" et indique qu'il sera remplacé "dans les plus brefs délais".
Son départ tombe au pire moment pour l'exécutif, empêtré dans une grève des transports qui dure depuis 12 jours et pourrait continuer jusqu'à Noël.
Loin d'apaiser la situation, les annonces du Premier ministre, Édouard Philippe, mercredi, ont renforcé le front syndical et fait basculer la CFDT dans la contestation: le premier syndicat français sera présent dans les manifestations prévues mardi, pour la première fois depuis le début du conflit.
Dans ce contexte, la démission du "Monsieur Retraites", apprécié des partenaires sociaux qu'il consultait depuis son arrivée, est "un gâchis", déplore un parlementaire de la majorité.
Ce genre de revers "tombe toujours mal, mais encore plus cette semaine qui peut être décisive dans le bras de fer entre le gouvernement et les syndicats", ajoute ce "marcheur".
Le chef des députés LREM, Gilles le Gendre, a toutefois exprimé au nom de son groupe "tristesse et respect après la décision courageuse" de M. Delevoye.
Il a eu "une réaction assez saine et propre", a déclaré à l'AFP Frédéric Sève, négociateur de la CFDT sur les retraites, qui "souhaite que son ou sa successeur puisse être comme lui un vrai militant de la réforme, telle qu'elle était décrite dans la feuille de route initiale".