Mobilisation contre la réforme des retraites : « Un baroud d’honneur », selon Bruno Retailleau

Alors que les opposants à la réforme des retraites sont dans la rue pour une quatorzième journée, c’est « la der des ders, le chant du cygne », selon le président du groupe LR, Bruno Retailleau. « On sait que la manifestation ne fera pas bouger le gouvernement », reconnaît le président du groupe PS, Patrick Kanner, mais « le combat continue ». Le communiste Fabien Gay évoque des mobilisations « de façon différente » durant « l’été », puis « à la rentrée », avec l’ensemble de la question sociale.
François Vignal

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Quatorzième journée de mobilisation. Malgré l’adoption de la réforme des retraites, sa validation par le Conseil constitutionnel, sa promulgation et la prise des premiers décrets d’application, les opposants au texte ont battu à nouveau le pavé. Pour une dernière fois ? Selon les sondages, une majorité de Français soutient toujours le mouvement. Mais le gouvernement, qui est resté sourd à la mobilisation, cherche à tourner la page depuis plusieurs semaines, malgré les « casserolades ». Emmanuel Macron a multiplié les déplacements comme les annonces. Elles ont été distillées par le chef de l’Etat lui-même ou ses ministres.

« La loi Liot n’a aucune chance d’aboutir » selon François Patriat

Pour François Patriat, fidèle du chef de l’Etat, il n’y a rien à craindre de cette journée. « Les syndicats ont dit eux-mêmes qu’ils ne continueraient pas à manifester », souligne le président du groupe RDPI (Renaissance) du Sénat.

Alors que cette journée est organisée deux jours avant l’examen à l’Assemblée de la proposition de loi du groupe Liot, visant à revenir sur le passage à 64 ans, et contre laquelle la majorité présidentielle a tout fait pour lutter, François Patriat semble déjà tourner la page : « Compte tenu que la loi Liot n’a aucune chance d’aboutir, je ne vois pas aujourd’hui quel événement il pourrait y avoir qui amènerait de futures manifestations ». Les multiples annonces des dernières semaines montrent que « contrairement à ce qu’on dit, que le gouvernement n’est pas empêché », soutient François Patriat, « le gouvernement avance ».

« Cette journée de mobilisation ne fera rien. C’est comme un séisme. Il y a toujours des petites répliques » selon Jérôme Bascher

Au Sénat, du côté de la majorité sénatoriale, qui s’est montrée être quasiment le meilleur allié du gouvernement sur cette réforme, on voit « cette journée comme la der des ders, comme le chant du cygne. D’ailleurs, il y a très peu de personnels en grève, que ce soit à l’Education nationale ou les transports. On voit bien que c’est un baroud d’honneur. Il faut désormais avancer », soutient à Public Sénat Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat. Si ce mouvement risque de laisser des traces, c’est la faute « à la conduite de la réforme », selon le sénateur LR de Vendée. Quant aux autres annonces faites ces dernières semaines, « bien sûr, ce sont des contre-feux, y compris sur le logement, avec la faillite qui s’étale devant nous depuis hier. (…) Le gouvernement a réussi l’exploit de faire l’unanimité contre lui », pointe Bruno Retailleau (voir la première vidéo, images de Samia Dechir).

« Ce n’est pas une manifestation de plus qui va changer quoi que ce soit », pense le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse, « pour autant, on peut comprendre la colère d’une majorité de Français, puisque la méthode avec laquelle la réforme a été faite est vraiment calamiteuse. De mon point de vue, il aurait fallu commencer par avoir de vraies discussions avec les partenaires sociaux ». Même sentiment de Jérôme Bascher, sénateur LR de l’Oise, selon qui « cette journée de mobilisation ne fera rien. C’est comme un séisme. Il y a toujours des petites répliques et à la fin, ça s’arrête. Là, c’est une réplique. Il y en aura comme ça jusqu’à la fin des 100 jours, c’est-à-dire le 14 juillet », prédit-il. Regardez :

« La victoire est peut-être possible sur le plan juridique. Sur le plan politique, ce sera beaucoup plus complexe », estime Patrick Kanner

A gauche, on est partagé entre sentiment d’arriver à la fin de séquence, et volonté de prolonger la contestation. « Le combat continue, et nous verrons bien ce qu’il se passe à l’Assemblée dans deux jours et si l’article 40 (lire notre article sur le sujet) est utilisé », souligne Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat. « Si l’article 40 est dégainé, ça signifie qu’à aucun moment l’Assemblée ne se sera prononcée sur cette réforme », pointe le sénateur PS du Nord, avant d’ajouter : « On sait que la manifestation ne fera pas bouger le gouvernement, je n’ai aucune illusion. Mais soit on considère que c’est mort, soit on fait valoir une autre expression. C’est une réponse démocratique à l’autoritarisme du gouvernement ». Pour Patrick Kanner, « les Français seront juges à un moment donné. Et dans ma campagne pour les sénatoriales dans le Nord, je parlerai du vote de certains sénateurs sur le sujet. La victoire est peut-être possible sur le plan juridique. Sur le plan politique, ce sera beaucoup plus complexe ».

Pour son collègue socialiste Jérôme Durain, sénateur de la Saône-et-Loire, le blocage de la PPL Liot « c’est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ça suffit. Est-ce qu’on peut dire dans ce pays ce qu’on pense ou est-ce qu’on doit toujours avoir recours à des manœuvres, des procédures, un empêchement ? » demande le sénateur PS, qui craint qu’« il en restera des traces profondes dans l’opinion ». Regardez :

« C’est un mouvement assez inédit depuis 20 ou 30 ans », souligne Fabien Gay

Le communiste Fabien Gay note que « c’est quand même la 14e journée de mobilisation. C’est un mouvement assez inédit depuis 20 ou 30 ans. Cela s’inscrit dans la durée. Je crois que la colère ne retombe pas. Les 100 jours d’apaisement ne fonctionnent pas. Et les travailleurs et travailleuses sont mobilisés, car ils ne veulent pas payer de leur vie deux ans de plus, alors qu’il y a beaucoup d’argent dans ce pays. On a appris d’ailleurs entre-temps que le gouvernement avait fait cette réforme pour satisfaire les marchés financiers », dénonce le sénateur PCF de Seine-Saint-Denis. Regardez :

« On entend depuis des mois que c’est en train de s’essouffler et ça continue », remarque encore Fabien Gay, qui n’exclut pas qu’il y ait « peut-être d’autres appels à la mobilisation », pourquoi pas « de façon différente, jusqu’à fin juin ou durant tout l’été, et peut-être à la rentrée. Il y aura la Fête de l’Huma le 15 septembre, qui sera un moment extrêmement fort, où tout le monde se retrouvera après l’été », souligne celui qui est aussi le directeur du journal L’Humanité et qui a dirigé l’événement avant d’être élu sénateur.

Lire aussi >> Mobilisation contre la réforme des retraites : syndicalistes et élus se projettent déjà vers « les défis » sociaux à venir

« L’opposition à cette réforme est toujours là, toujours profonde », selon Guillaume Gontard

De son côté, l’écologiste Guillaume Gontard ne « pense pas » que ce soit la dernière journée de mobilisation. « L’opposition à cette réforme est toujours là, toujours profonde. On le voit sur l’ensemble des territoires », soutient le président du groupe écologiste du Sénat. Le vote du texte du groupe Liot « serait un moyen simple de sortir de cette crise à un moment donné. Mais s’ils décident de vouloir encore contraindre et ne pas permettre que le texte soit voté, ça ouvrira la porte à une nouvelle mobilisation », pense le sénateur de l’Isère.

Guillaume Gontard n’est pas dupe de l’activisme du gouvernement. « Emmanuel Macron veut nous faire croire qu’on est passé à autre chose », selon le président de groupe, « on a eu les 100 jours. C’est quasiment une annonce par semaine. (…) Et on voit bien que la stratégie du gouvernement est de faire oublier cet épisode des retraites, de faire croire qu’on passe à autre chose et qu’on a des solutions. Mais derrière, c’est du creux, du vide, du néant ».

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