Retraites : comment fonctionne le dispositif des carrières longues ?

Retraites : comment fonctionne le dispositif des carrières longues ?

La question des carrières commencées à un jeune âge s’est retrouvée très tôt dans le débat de la réforme des retraites. Avec le projet de report de l’âge légal de départ à 64 ans, ce sont les contours des départs anticipés pour carrière longue que le débat actuel pose.
Guillaume Jacquot

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Beaucoup d’éléments influent sur l’âge de départ à la retraite. Au sein des différents paramètres à prendre en compte, figure le motif dit des « carrières longues », qui représentait 22 % des départs en retraite en 2020. Créé en 2003, ce dispositif des carrières longues vise à compenser l’effort des personnes qui ont travaillé longtemps et qui ont commencé très tôt, en leur permettant de partir avant l’âge légal de l’ouverture des droits. Et c’est justement le sort des travailleurs précoces, en cas de recul de deux ans de l’âge légal de départ, qui crispe certains parlementaires pourtant favorables à la réforme des retraites, notamment chez une partie des députés LR. Quelques explications sur ce dispositif.

Les modalités du dispositif de départ anticipé pour carrière longue

En résumé, le départ anticipé pour carrière longue permet aux salariés qui ont commencé leur carrière avant 20 ans (et sous réserve d’avoir cotisé suffisamment de trimestres) de pouvoir partir dès 60 ans, c’est-à-dire deux ans avant l’âge légal actuel fixé à 62 ans. Pour les personnes ayant commencé leur carrière avant 16 ans, le départ sera possible à partir de 58 ans.

Dans les détails, c’est un peu plus compliqué, le dispositif à la fois dépend du nombre de trimestres travaillés en début d’activité, et du nombre de trimestres cotisés tout au long de la vie. Pour partir avant 60 ans, une personne devra justifier de cinq trimestres avant la fin de l’année de son 16e anniversaire. Pour partir avant 62 ans, le principe est le même : il faut réunir cinq trimestres avant la fin de l’année de son 20e anniversaire. Dans les deux cas, quatre trimestres suffisent si la personne est née au cours du dernier trimestre de l’année, ou si la carrière a été commencée au régime des non-salariés agricoles.

Les conditions de départ varient par ailleurs en fonction de l’année de naissance. En effet, les durées de cotisation requises varient en fonction des générations, comme le prévoit la loi Touraine. Pour partir avant 60 ans, il faudra avoir cotisé au moins 168 trimestres (42 ans) pour les personnes nées en 1961-1962. Ou 172 trimestres (43 ans), pour les personnes nées à partir de 1973. Pour accéder à la retraite à partir de 58 ans, c’est-à-dire deux plus tôt, la durée de cotisation doit supérieure de deux ans. Autrement dit, pour les générations 1961-1963, la durée attendue est de 44 ans pour partir à 58 ans.

Des trimestres rachetés peuvent intégrer le calcul des trimestres cotisés, mais pas uniquement. D’autres périodes de la vie peuvent être retenues comme trimestres cotisés, c’est le cas des périodes d’assurance maternité, de service national, de chômage indemnisé ou encore de maladie.

Ce que prévoit la réforme présentée par le gouvernement en janvier

Le gouvernement conserve dans la réforme le dispositif des carrières longues. Il veut introduire un niveau intermédiaire, pour les personnes ayant commencé à travailler avant 18 ans. Au terme de la réforme en 2030, quand l’âge légal aura été décalé à 64 ans, l’âge restera à 58 ans pour les personnes ayant commencé à travailler avant 16 ans, et 60 ans pour les personnes ayant commencé entre 16 et 18 ans. Pour ceux ayant commencé avant 18 et 20 ans, le départ sera possible à partir de 62 ans.

Le gouvernement veut par ailleurs intégrer de nouvelles périodes pour le calcul de la durée cotisée au titre d’une carrière longue. Selon l’état actuel du projet de loi, l’idée est de prendre en compte des trimestres acquis au titre de l’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) et de l’assurance vieillesse des aidants (AVA) pour le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue. Cette disposition sera toutefois limitée à quatre trimestres.

Ce que le gouvernement est désormais prêt à modifier

Plusieurs voix se sont élevées contre l’injustice de la réforme en matière de durée de cotisation. Exclues du dispositif de carrière longue, les personnes qui commencent leur carrière à 20 ans se trouveraient alors contraintes de travailler pendant 44 annuités, jusqu’au nouvel âge légal de 64 ans, soit une année de plus que la durée de cotisation nécessaire. Les organisations syndicales sont montées au créneau, mais également l’U2P, organisation patronale qui représente les artisans et les professions libérales, tout comme des groupes parlementaires d’opposition.

Dans une interview au Journal du Dimanche, la Première ministre a annoncé que le gouvernement allait « bouger » sur cette question. Elle est désormais favorable à étendre le dispositif de carrière longue à ceux qui ont travaillé entre 20 et 21 ans. « Ils pourront ainsi partir à 63 ans, conformément aux règles prévues par le dispositif », s’est engagée Élisabeth Borne à l’hebdomadaire. D’après Matignon, cet élargissement coûtera « entre 600 millions et un milliard d’euros par an » et « concernera jusqu’à 30 000 personnes par an ». La Première ministre a précisé qu’il faudrait « trouver des voies de financement ».

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