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Retraites complémentaires : le gouvernement a-t-il vraiment renoncé à prélever les excédents de l’Agirc-Arrco ?

Le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave a indiqué que le gouvernement ne déposerait pas « à ce stade » d’amendement, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, autorisant à ponctionner les caisses de l’Agirc-Arrco pour financer le régime de retraites général. Mais cette mesure n’a en réalité pas été totalement abandonnée.
Rose-Amélie Bécel

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Changement de pied. Selon France Info, à quelques heures de l’ouverture de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) à l’Assemblée nationale ce mardi 24 octobre, le gouvernement aurait renoncé à l’idée d’inclure au texte une mesure de prélèvement des excédents de l’Agirc-Arrco. Interrogé par l’AFP en fin de journée, le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave confirme qu’une ponction de la caisse de retraite complémentaire des salariés du privé n’est pas prévue « à ce stade ».

Ces dernières semaines, le ministre du Travail persistait pourtant dans cette voie. Considérant qu’une partie des excédents de la complémentaire des salariés du privé était directement liée à l’allongement de la durée de cotisations, en raison de la réforme des retraites, Olivier Dussopt avait à plusieurs reprises exprimé le souhait d’une participation de l’Agirc-Arrco au financement du déficit du régime de retraites général.

« À l’horizon 2026, sur le total des excédents, 1,2 milliard d’euros est du à la réforme des retraites adoptée au printemps dernier. Nous considérons comme légitime que cette part des excédents liés à la réforme puisse être mobilisée pour participer au financement d’un régime de solidarité », avait déclaré le ministre en réponse à une question de la sénatrice Vivette Lopez (LR), lors des questions d’actualité au gouvernement du 11 octobre.

Opposition ferme des partenaires sociaux

Une mesure impensable pour les partenaires sociaux, qui gèrent de façon paritaire les caisses de l’Agirc-Arrco. Début octobre, organisations syndicales et patronales étaient parvenues à un accord pour actualiser les règles de fonctionnement de la complémentaire. Celui-ci prévoit, à rebours de la proposition du gouvernement, d’utiliser ces excédents pour revaloriser les pensions de retraites des allocataires de l’Agirc-Arrco de 4,9 %, au niveau de l’inflation, dès le 1er novembre.

Invitée de la matinale de Public Sénat ce 24 octobre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a affirmé souhaiter que le gouvernement maintienne le dialogue avec syndicats et patronat sur le sujet. Un passage en force sur l’Agirc-Arrco « serait un sacré contre-signal venant d’un gouvernement qui nous dit avoir changé de méthode, qu’il veut du dialogue avec les organisations syndicales et patronales », a-t-elle prévenu.

Dans un tweet daté du 17 octobre, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet avait également alerté : « Si vous décidez de ponctionner dans les caisses des retraites complémentaires AGIRC-ARRCO, c’est une ligne rouge pour la CGT ».

L’exécutif tente de gagner du temps

Faut-il voir un calcul politique derrière ce qui serait un rétropédalage du gouvernement sur la question ? Selon France Info, la Première ministre « craignait de voir le gouvernement être renversé », si un amendement en faveur de la ponction de l’Agirc-Arrco était intégré au projet de loi de financement de la Sécurité sociale. En effet, le gouvernement a déjà fait savoir qu’un recours au 49.3 était envisagé pour faire adopter le PLFSS, ouvrant la voie au dépôt de motions de censure.

Mais ce n’est peut-être pas la fin de l’histoire. Interrogé par l’AFP, Thomas Cazenave réclame aux partenaires sociaux « des avancées concrètes et rapides » sur le sujet « dans le temps ouvert par la navette parlementaire », laissant penser que le prélèvement n’est pas totalement exclu. Interrogée sur un renoncement définitif au prélèvement de l’Agirc-Arrco, une source gouvernementale du côté de Bercy confie : « Ce n’est pas tout à fait vrai ».

L’exécutif compterait encore sur « la voie contractuelle » pour poursuivre les discussions. C’est en particulier l’article 9 de l’accord trouvé entre les partenaires sociaux sur l’Agirc-Arrco qui pourrait permettre au gouvernement de gagner du temps. Il prévoit la mise en place d’un groupe de travail paritaire au premier semestre 2024 « pour étudier un mécanisme de solidarité en direction des petites pensions », selon les termes de l’accord repris par la CGT. Les discussions pour flécher cette aide uniquement vers les allocataires de l’Agirc-Arrco, ou vers tous les bénéficiaires du régime de retraite général, sont ainsi toujours en cours.

« Une bombe sociale »

« Dans le cadre de la navette parlementaire, on a un peu de temps… », glisse-t-on de source ministérielle. À défaut d’une évolution de la position des partenaires sociaux sur la question, le gouvernement se « réserve la possibilité de déposer un amendement lors du retour du texte à l’Assemblée ». Autrement dit, la ponction de l’Agirc-Arrco, écartée pour l’heure, pourrait revenir par la fenêtre à la faveur de la navette parlementaire entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Ce qui permet, dans l’immédiat, au gouvernement de gagner du temps et de s’épargner une motion.

Un tel tour de passe-passe serait difficile à avaler pour les parlementaires, à n’en pas douter. Selon la sénatrice LR Frédérique Puissat, la mesure portée par le gouvernement serait « une bombe sociale », tant elle fait l’unanimité contre elle. « Quand un système est vertueux, comme l’est l’Agirc-Arrco qui n’est pas endetté, il faut le saluer et l’encourager, pas le déstabiliser », ajoute-t-elle. Une position partagée par son homologue socialiste Monique Lubin, pour qui un PLFSS intégrant une telle mesure recueillerait une majorité d’oppositions au Sénat : « Si le gouvernement a besoin de se rattraper par un vote au Sénat, à la suite d’un nouveau 49.3 à l’Assemblée, avec cette mesure, il serait en mauvaise posture ».

À ce titre, la sénatrice LR Vivette Lopez, à l’issue de son échange avec Olivier Dussopt lors des questions au gouvernement du 11 octobre, avait été très claire : « Si, d’aventure, le gouvernement passait par la loi de financement de la sécurité sociale, nous serons là et nous engagerons notre responsabilité pour garantir l’avenir des relations sociales et la pérennité des retraites complémentaires ».

Rose-Amélie Bécel et François Vignal

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