Interrogé sur les deux assassinats survenus à Marseille sur fond de guerre des gangs, le ministre de la Justice a annoncé une enquête administrative sur les conditions de détention, puisque le commanditaire agissait depuis sa cellule. Didier Migaud a également donné rendez-vous à la fin de l’année pour les débats sur la proposition de loi sénatoriale de lutte contre le narcotrafic.
Retraites: derniers calages avant blocages
Par Gabriel BOUROVITCH, Benoît FAUCHET
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Le gouvernement poursuit les discussions sur sa réforme très contestée des retraites et se prépare à un mouvement massif voire durable à partir du 5 décembre, jeudi noir qu'il ne veut pas voir transformé en "match mortifère" avec les syndicats.
La mobilisation contre la fusion des 42 régimes de retraite existants en un système "universel" par points "s'annonce forte et durable", a prévenu vendredi la CGT, qui a appelé à une grève interprofessionnelle avec FO, la FSU et Solidaires.
Le mouvement devrait être particulièrement suivi et pourrait durer plusieurs jours dans les transports, notamment en Île-de-France, en raison de l'appel à une grève illimitée à la RATP et à la SNCF.
Les organisations syndicales et de jeunesse (les lycéennes Fidl, MNL et UNL, l'étudiante Unef) se projettent déjà dans l'après 5-décembre, avec une nouvelle intersyndicale prévue dès le 6 au matin pour envisager la suite.
Dans l'opposition, à gauche comme à droite, certains rêvent d'une mobilisation puissante: un "grand coup de semonce" pour Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), "un 5 à 7" pour durer au moins jusqu'au samedi 7 avec "des +gilets jaunes+ dans la rue", espère Jean-Luc Mélenchon (LFI).
- "Sans brutalité" -
L'exécutif lui-même planche sur une crise sociale s'inscrivant dans la durée.
"Le gouvernement mettra tout en œuvre pour accompagner au mieux les Français", a assuré le Premier ministre Édouard Philippe.
Il a donc convoqué vendredi après-midi à Matignon des ministres-clés pour organiser les services d'urgence en cas de blocage du pays. Organisation des transports, accueil du public dans les écoles et les hôpitaux, télétravail: la réunion "a permis de passer en revue l'ensemble des plans de continuité des services publics et de faire un examen des enjeux d'ordre public", a indiqué Matignon dans un communiqué, précisant que le Premier ministre avait dans le même temps rappelé "son attachement au respect du droit de grève et au droit de manifestation".
Quant au haut-commissaire aux Retraites, Jean-Paul Delevoye, il a confirmé vendredi qu'il recevrait de nouveau, pour une ultime opération déminage, "toutes les organisations syndicales entre maintenant et le 5 décembre", plaidant dans un entretien à 20 Minutes pour "ne pas transformer ce 5 décembre en match mortifère".
L'exécutif a multiplié les consultations cette semaine, envoyant à la fois des signes d'ouverture aux syndicats et des consignes de fermeté à ses troupes, pour mieux abattre ses cartes avant Noël. D'un côté, le feu nourri sur les régimes spéciaux "d'une autre époque" et leurs "revendications corporatistes". De l'autre, la main tendue aux "partenaires sociaux", avec qui "le dialogue se poursuit".
Pressé de sortir de "l'ambiguïté", que lui reprochent à la fois les syndicats et le patronat, le gouvernement assume son ambivalence. A l'image d'un Édouard Philippe "plus déterminé que jamais à construire le système universel de retraite" mais "ouvert à la discussion" pour y parvenir "sans brutalité".
Quitte à lâcher du lest sur des thèmes chers aux syndicats, comme les droits familiaux, la pénibilité ou les "garanties" attendues par les enseignants.
Voire à décaler l'entrée en vigueur de la réforme au-delà de 2025: les nouvelles règles ne s'appliqueraient donc pas à partir de la génération 1963 mais "à des personnes un peu plus éloignées de la retraite".
De quoi, espère le pouvoir, désamorcer la contestation et empêcher le front constitué par la CGT, FO et les cadres de la CFE-CGC de s'élargir à la CFDT, dont le soutien à la réforme ne tient qu'à un fil, alors que sa fédération de cheminots a elle-même déposé un préavis de grève.
SNCF, RATP, Air France, contrôleurs aériens, EDF, poids lourds, raffineries, enseignants, étudiants, policiers, avocats, magistrats, éboueurs... Les appels se sont multipliés pour le 5 décembre. La CGT en avait recensé jeudi "plus de 1.000" dans le secteur privé, où les préavis ne sont pourtant pas obligatoires.
A la SNCF en Île-de-France, de premières estimations du nombre de grévistes laissent augurer une mobilisation écrasante. Sur les lignes D et R, "on pense atteindre les 97%", a indiqué Fabien Villedieu de SUD-Rail.
Plus de 150 manifestations sont prévues jeudi prochain, dont une à Paris dans l'après-midi entre la gare de l'Est et la place de la Nation si la préfecture de police valide ce parcours.
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