Retraites des femmes : la mesure proposée par la droite sénatoriale estimée à « 300 millions d’euros »

Retraites des femmes : la mesure proposée par la droite sénatoriale estimée à « 300 millions d’euros »

Dans le cadre de la réforme des retraites, les sénateurs LR veulent une meilleure prise en compte de la maternité pour les femmes. Bruno Retailleau en fait « une ligne rouge ». Il défend en « priorité » l’idée d’une surcote de 5 %. Le gouvernement comme Emmanuel Macron sont « d’accord » sur le principe. Reste à régler les détails.
François Vignal

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Un pas de deux. La réforme des retraites arrive au Sénat et devrait, à n’en pas douter, en ressortir modifiée. Les sénateurs LR, qui ont la main avec leurs alliés du groupe centriste, travaillent depuis la semaine dernière en amont avec le gouvernement afin de chercher des points de compromis. La majorité sénatoriale entend notamment marquer le texte de son empreinte sur la situation des femmes.

« Le gouvernement abordera (ce débat) avec de l’ouverture » assure Emmanuel Macron

Dans un entretien au Parisien, ce week-end, le président du groupe LR, Bruno Retailleau, a précisé ses demandes. « Nous comptons proposer au gouvernement deux options : soit une surcote de 5 % pour les mères de famille qui auraient atteint à la fois une carrière complète et l’âge légal, soit un départ anticipé à 63 ans. L’idée serait de laisser aux femmes le choix entre ces deux options. Le gouvernement n’aura pas l’aval du Sénat sans mesures fortes pour les mères de famille », prévient le patron du groupe LR.

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Le même jour, depuis le Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron a dit « souhaiter que le Sénat puisse enrichir » le texte « avec ce qui lui paraît utile ». « J’ai vu (que) le Sénat voulait faire avancer les choses sur la politique familiale et les droits des femmes. Je pense que le gouvernement abordera (ce débat) avec de l’ouverture et de la volonté d’engager pour bâtir une majorité derrière ce texte » a assuré le chef de l’Etat, se montrant donc pour le moins ouvert à trouver un terrain d’entente. Dimanche, sur BFMTV, c’est le ministre du Travail, Olivier Dussopt, qui s’est dit « d’accord et ouvert » avec le principe posé par les sénateurs LR, expliquant qu'« avoir des âges de départ différenciés entre les femmes et les hommes, ce n’est pas très juste ».

Bruno Retailleau défend « une dimension capitale » de la réforme

De quoi commencer à se réjouir pour les sénateurs LR. « Bien sûr. C’est une dimension qui est aujourd’hui absente du projet. Or elle est capitale. Une réforme des retraites ne doit pas se faire sur le dos des mères de famille. En ayant des enfants, elles contribuent à consolider le système. Mais le recul de l’âge gomme les majorations de trimestres obtenues avec la maternité. Il s’agit de rétablir cette injustice », nous affirme ce lundi Bruno Retailleau, qui prévient :

C’est une ligne rouge pour le Sénat, pour nous LR, comme pour nos amis centristes.

Bruno Retailleau « souhaite que ce soit la majorité sénatoriale qui puisse porter cet amendement ». Autrement dit, un amendement commun avec les centristes. « Notre groupe réfléchit à bonifier de 5 % la pension dès le deuxième enfant », affirmait déjà la semaine dernière aux Echos le président du groupe Union centriste, Hervé Marseille. Les discussions sont en cours. « J’espère que nous aurons une solution qui satisfait tout le monde », affirme la sénatrice Elisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat. Tout devrait se caler dans les prochaines heures. « Une réunion est prévue aujourd’hui à 17h30 avec les présidents de la majorité et Gérard Larcher », confie un membre de la Haute assemblée. Il n’y a pas le choix. La commission, où seront connus les amendements des rapporteurs, se réunit ce mardi à 14h30.

« La surcote est véritablement une bonne formule »

Reste à savoir quelle option sera retenue dans l’amendement déposé. « Notre priorité, c’est la surcote. Elle pourrait être calculée par trimestre à 1,25 %, avec un plafond de quatre trimestres, ce qui fait 5 % », explique Bruno Retailleau. Pour quel coût ? « René-Paul Savary (rapporteur LR du texte, ndlr) est en train de le chiffrer. Ça coûte autour de 300 millions d’euros. Ça n’a rien à voir avec le surcoût des carrières longues. Ce n’est pas une mesure qui coûte trop cher », avance le sénateur LR de Vendée, qui répète qu’il entend conserver « l’équilibre » du système à l’horizon 2030.

« Cette surcote est véritablement une bonne formule », confirme de son côté René-Paul Savary, « il est plus intéressant de percevoir une majoration de pension car on sait qu’elle est plus faible pour les femmes que pour les hommes, car elles ont eu des carrières coupées par la grossesse, et donc des évolutions de carrières forcément moins bien rémunérées. C’est un moyen de revaloriser les pensions des mères ». Par ailleurs, entre la surcote et partir à 63 ans, « c’est à peu près l’équivalent sur le plan financier », ajoute le rapporteur du texte, qui reconnaît que laisser les deux options aurait « l’avantage de laisser un choix ».

« Les négociations vont bon train avec Olivier Dussopt et Elisabeth Borne »

Reste « des difficultés sur le plan juridique, avec le principe d’égalité » devant la loi, soulève Elisabeth Doineau, avec un amendement qui « cible délibérément les femmes avec deux enfants, ou trois enfants ou plus. On est en train de vérifier tout ça ».

La question du coût est travaillée directement avec l’exécutif. D’autant plus que les sénateurs ne peuvent créer de nouvelles dépenses par amendement, quand le gouvernement le peut. « On commence à avoir les estimations exactes du gouvernement. On les a eues hier. On vérifie tout ça », glisse René-Paul Savary. « Je sais que les négociations vont bon train avec les ministres, que ce soit Olivier Dussopt, ou la première ministre, Elisabeth Borne », ajoute Elisabeth Doineau.

Pour financer la mesure, les LR misent sur « lutte contre la fraude » et l’accélération de la fin des régimes spéciaux

D’autres mesures pour les femmes seront aussi défendues, comme « ouvrir aux professions libérales la majoration de 10 % pour les femmes qui ont trois enfants. Le gouvernement était d’accord sur ce point », avance le rapporteur LR, qui met aussi dans sa corbeille « la possibilité de la retraite progressive à partir de 60 ans, alors que le gouvernement propose 62 ans. Ce serait 80 % de rémunération par le travail et 20 % de compensation par la retraite. Cela peut concerner les femmes ».

Pour financer ces nouvelles mesures pour les femmes, où la majorité sénatoriale, attachée à l’équilibre de la réforme, va-t-elle trouver les ressources pour compenser ? « On durcit la lutte contre la fraude », répond Bruno Retailleau. L’accélération de la fin des régimes spéciaux, que réclament aussi les sénateurs LR, y contribuerait également. « C’est une mesure d’égalité, ça permet de réduire des différences », répond René-Paul Savary, qui reconnaît que ce durcissement sur les régimes spéciaux « a un effet collatéral, c’est un effet de ressources pour le régime ».

« Il faudra peut-être arbitrer sur des recettes. Ce sera le grand débat au Sénat »

« Il faudra peut-être arbitrer sur des recettes. Ce sera le grand débat au Sénat », prédit Elisabeth Doineau, qui demande s’il ne faut pas « accepter tel gain sur un point de CSG sur les rendements du capital (qui fait l’objet d’un amendement centriste, ndlr) ». La sénatrice de la Mayenne évoque « aussi des propositions du côté PS ou des communistes sur les superprofits, j’imagine ».

La rapporteure générale souligne qu’entre les ajouts adoptés à l’Assemblée – « soit 400 millions d’euros » – et « les amendements des députés qui seront repris par le gouvernement, comme des rachats de trimestres pour apprentissage, l’allongement des durées de rachat de stages et études, la validation des trimestres pour les pompiers volontaires, ou des mesures pour les enseignants, ça fait au total 600 millions d’euros ». Sans oublier les 300 millions supplémentaires annoncés par la première ministre sur les carrières longues pour tenter de plaire aux députés LR. Alors que la réforme est censée, à l’origine, faire 17,7 millions d’euros d’économies en 2030, l’addition commence à être salée aux yeux de la majorité sénatoriale. « On voit comment d’autres mesures peuvent être éventuellement remises en cause ou comment trouver des recettes supplémentaires », avance Réné-Paul Savary, qui prévient, à l’égard de ses amis centristes, que les LR sont « très réservés » sur toute taxation du capital.

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