Retraites : l’équilibre budgétaire continue de faire débat entre le gouvernement et les syndicats

Retraites : l’équilibre budgétaire continue de faire débat entre le gouvernement et les syndicats

Laurent Berger préconise d’augmenter les cotisations retraite pour parvenir à l’équilibre à court terme. Le gouvernement n’y est pas favorable. Certains sénateurs appellent à ne pas rejeter l’idée.
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Après avoir claqué la porte et manifesté ce mardi aux côtés de tous les syndicats, le numéro un de la CFDT se dit prêt à revenir à la table des négociations. À une condition : que le gouvernement retire la disposition sur l’âge d’équilibre, un seuil qui sera assorti d’un bonus ou d’un malus suivant que l’on parte à la retraite plus tard ou plus tôt. Laurent Berger reste révolté contre cette mesure financière « absurde », selon ses mots. Dans un entretien au journal La Croix, le leader syndical estime qu’avec une telle mesure, le futur régime de retraite va « creuser les inégalités avant de les corriger ». Il dresse l’exemple de ces professions, très souvent mal payées, où les salariés ont commencé leur carrière tôt et qui, à l’avenir, ne pourront plus partir à 62 ans. « Ce n’est pas une incitation, c’est une contrainte », selon lui.

Mais alors, où trouver l’argent nécessaire pour résorber le déficit attendu dans la prochaine décennie ? « L’équilibre financier n’est pas un gros mot », concède Laurent Berger, convaincu qu’il « y a d’autres solutions de court terme ». Par exemple : une hausse des cotisations vieillesse.

LA CFDT n’est pas la seule centrale à s’être engagée sur ce terrain. Au même moment, Force Ouvrière formule une idée similaire. Yves Veyrier propose aussi comme alternative une « augmentation des cotisations de 1 % ». L’idée figurait d’ailleurs parmi les pistes du rapport remis en novembre par le Conseil d’orientation des retraites (COR), au même titre d’un relèvement de l’âge de départ ou d’un allongement de la durée de cotisation. Suivant les scénarios macroéconomiques, le conseil préconisait une hausse des cotisations allant de 0,7 à 1,5 point.

« Ça tuerait l'économie », s’inquiète Darmanin

Opposé de longue date à toute hausse des cotisations (qu’il s’agisse de la part salarié ou de la part employeur), le patronat a également fait part de son opposition à la proposition de Laurent Berger. « Cher Laurent Berger, 40 % des cotisations sont payées par les salariés, qui subiraient donc une baisse de pouvoir d’achat… Curieuse proposition pour un syndicaliste ! », tweete ainsi Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef. Le patron des patrons ferme aussi la porte à la seconde idée de Laurent Berger, celle d’ajuster temporairement le système « grâce aux réserves des différents régimes ». « Ni juste ni raisonnable », balaye Geoffroy Roux de Bézieux.

Le gouvernement n’est pas plus emballé. « Ce n'est clairement pas le scénario du gouvernement », a insisté le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, sur RMC et BFMTV. Cette mesure se traduirait par une baisse de pouvoir d’achat et « plus de charges pour les patrons selon lui » : « ça tuerait l'économie ».

Après avoir réduit les cotisations chômage et maladie pour les salariés du privé, on imaginait mal en effet l’exécutif s’engager dans cette voie. D’autant que le gouvernement a répété à plusieurs reprises qu’il fallait limiter le poids des retraites dans la richesse nationale produite à 14%, et plus largement les prélèvements obligatoires. « Il y a déjà beaucoup de charges sociales sur les Français. Toute la discussion est sur l'âge », déclarait au début du mois Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale.

Aux questions d’actualité, à l’Assemblée nationale, Édouard Philippe est resté sur sa ligne. La future gouvernance du régime universel sera assumée par les partenaires sociaux. Charge à eux de retrouver les moyens de parvenir à l’équilibre budgétaire. « S’ils disent avoir trouvé une solution, évidemment nous la prendrons en compte et la soumettrons au Parlement dans la loi. Encore faut-il qu’elle recueille l’accord des organisations syndicales et patronales », a répondu le chef du gouvernement au député (Liberté et territoires) Charles de Courson. Les divergences de point de vue entre la CFDT et le Medef ne lui ont, semble-t-il, pas échappé. D’où la colère de Laurent Berger, qui parle de « négociation piège ».

« Pourquoi leur dicter la mesure qu’il faudrait prendre », s’interroge le sénateur Jean-Marie Vanlerenberghe

Âge pivot : « Pourquoi leur dicter la mesure qu’il faudrait prendre », s'interroge Jean-Marie Vanlerenberghe
02:15

Le sénateur Modem Jean-Marie Vanlerenberghe, l’un des huit parlementaires à siéger au sein du COR, continue d’appeler le gouvernement à « rétropédaler » rapidement sur l’âge d’équilibre, et à laisser aux partenaires sociaux le soin de trouver une solution pour l’équilibre du régime. « Ce n’est pas au gouvernement d’en décider. Pourquoi leur dicter la mesure qu’il faudrait prendre ? » Cet ancien adhérent à la CFDT (comme il le reconnaissait sur notre antenne le 16 décembre) ne ferme pas à la porte à la solution d’une hausse des taux de cotisation. « Tout cela peut s’envisager. En tout cas ne décidons pas aujourd’hui […] Tout ceci se gère dans le temps. Qui peut dire aujourd’hui quelle sera la croissance demain ? »

Le rapporteur général de la Sécurité sociale au Sénat conseille de ne pas « s’enfermer dans un débat pollué par ceux qui veulent à tout prix l’équilibre, là, tout de suite. » Par le passé, syndicats et patronat ont su « prendre leurs responsabilités », comme il le rappelle. Ce fut le cas pour l’accord décroché pour la caisse de la retraite complémentaire des salariés du privé, l’Agirc-Arrco, en 2015. Quant à la hausse des cotisations, la France l’a connue sous le quinquennat précédent (+ 0,6 % sur la cotisation déplafonnée et + 0,5 % sur la cotisation plafonnée), l’effort a été réparti à parts égales entre les salariés et les entreprises.

À gauche, au Sénat, on ne jette pas non plus l’idée de Laurent Berger. « Il ne faut s’interdire d’y réfléchir […] C’est une solution comme une autre, peut-être pas la meilleure », estime la socialiste Monique Lubin. Heurtée par l’argument de l’augmentation de l’espérance de vie, « trop simpliste », la sénatrice appelle à « se pencher sur de nouvelles manières de financer » les retraites, comme instaurer des cotisations « sur le capital ». Dans la négociation actuelle, la confiance est « rompue » selon elle. « Le marché qui est mis dans les mains des syndicats est un marché de dupes ».

Chez les radicaux, Jean-Marc Gabouty recommande de pas instaurer de « tabou » dans une négociation sociale. Sur le sujet des cotisations, « il faut peut-être trouver des systèmes pour les moduler », en fonction des profils. « On ne peut pas prévoir une augmentation générale des cotisations, qui pèserait sur le pouvoir d’achat des salariés d’un côté ou sur la compétitivité des entreprises de l’autre. Mais à la marge, il y a sûrement des possibilités de recettes, c’est possible. »

Les précautions de langage d’Édouard Philippe

Et si tout était finalement une question de curseur ? Le 27 novembre, un mot doit retenir l’attention dans le discours d’Édouard Philippe. « Le président de la République l'a indiqué : nous voulons préserver le pouvoir d'achat des Français, celui des travailleurs comme celui des retraités. Par conséquent, nous excluons de baisser les pensions ou d'augmenter fortement les cotisations de ceux qui travaillent. C'est cela, un projet de justice sociale. » Tout est dans le « fortement ».

Le gouvernement serait-il prêt à accepter une hausse minime des cotisations ? Ce mardi, aux questions d’actualité, le Premier ministre a encore une fois donné sa définition d’un régime équilibré. « Cela veut dire que les pensions sont bien payées sans perte de pouvoir d’achat et que les actifs, eux, n’aient pas nécessairement à subir des augmentations de cotisations massives ». La précaution de langage est ici le mot « massives ». Comme si le chef du gouvernement prenait garde de ne pas insulter l’avenir.

« Je suis extrêmement attaché à l'idée que le système futur soit équilibré »
02:11

Dans les 48 heures prochaines heures, le gouvernement rencontrera les partenaires sociaux dans une suite de rencontres bilatérales et multilatérales. S’il devait céder en partie ou en totalité sur l’âge pivot, l’alternative pourrait ressembler à une palette de solutions.

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