Emmanuel Macron joue-t-il le pourrissement ? Au moment où la grève contre la réforme des retraites entre dans sa quatrième semaine, oppositions...
Retraites: l’exécutif se défend de laisser « pourrir » le mouvement
Emmanuel Macron joue-t-il le pourrissement ? Au moment où la grève contre la réforme des retraites entre dans sa quatrième semaine, oppositions...
Par Gaëlle GEOFFROY
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Emmanuel Macron joue-t-il le pourrissement ? Au moment où la grève contre la réforme des retraites entre dans sa quatrième semaine, oppositions et syndicats redoublent de critiques contre l'exécutif, accusé de laisser la situation s'enliser en misant sur un retournement de l'opinion publique pour remporter le bras de fer.
Le chef de l'Etat l'avait promis le 21 décembre, depuis Abidjan, alors que débutaient les congés de fin d'année: "Il n'y aura pas de trêve pour le gouvernement pendant cette période compte tenu de nos engagements et de l'importance de la situation".
Mais l'annonce d'un agenda de concertations qui donne rendez-vous aux organisations syndicales à Matignon le 7 janvier - et pas avant - a fait s'interroger certaines d'entre elles, alors que le projet de texte sera en conseil des ministres dès le 22. Et les vacances de Noël à Marrakech de la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne, qui a sous sa tutelle le portefeuille des transports, ont créé la polémique.
Une "polémique bien inutile", a répliqué le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner: "les ministres ont droit aussi à quelques moments de partage dans leur famille".
Mais pour Eric Meyer, secrétaire fédéral du syndicat Sud-Rail, depuis les derniers rendez-vous à Matignon les 18 et 19 décembre, "on fait face à une stratégie du pourrissement, où il n'y a plus aucun contact entre le gouvernement et les organisations syndicales, où le gouvernement est en vacances et laisse la grève se maintenir jusqu'à la rentrée, jusqu'à on ne sait pas quand", a-t-il accusé sur franceinfo.
Les mouvements de grève les plus longs en France depuis 1985
AFP
Faux, rétorque Matignon, qui souligne la "volonté forte du gouvernement de continuer les discussions sur les sujets identifiés par les organisations syndicales et ce dans un calendrier qui puisse permettre d'avancer rapidement".
"Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de rendez-vous qu'il n'y a pas de travail", assure Sylvain Maillard, porte-parole des députés LREM, alors que le conflit, déjà aussi long que celui de 1995, semble bien parti pour dépasser le record de 28 jours atteint en 1986/87 à la SNCF.
D'ailleurs, le secrétaire d'Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari et le nouveau "monsieur Retraites" du gouvernement, Laurent Pietrasweski, ont arraché cette semaine une suspension de l'appel à la grève de quatre syndicats d'hôtesses et stewards à partir du 3 janvier grâce à des "garanties" données.
- Voeux du 31 décembre -
"Ceux qui parlent de +stratégie de pourrissement+ entretiennent volontairement une confusion afin de rouvrir le sujet des régimes spéciaux et de justifier la poursuite de la grève dans les transports publics", alors que "des propositions fortes" ont été faites à la RATP et la SNCF, fait valoir un conseiller de l'exécutif.
Mais les interrogations demeurent sur la stratégie du gouvernement, accusé tour à tour d'"amateurisme", avec l'annonce de la réforme à quelques encablures des vacances de Noël, et de "provocation", avec le maintien de l'idée d'un âge-pivot, combattue y compris par la CFDT.
Pour Philippe Moreau-Chevrolet, expert en communication politique, on est bien "dans une stratégie de pourrissement", qui permet de "gagner du temps", alors que l'équilibre des forces dans un conflit social est par nature "pas symétrique": le gouvernement "maîtrise l'agenda", tandis que les syndicats "sont pressés par leur base", qui "n'a pas forcément les moyens de tenir une grève très longue".
Sauf que cela revient aussi à prendre le risque d'un "conflit très dur" et d'une "radicalisation", un an après la crise des "gilets jaunes", met-il en garde.
La séquence ouvre en tout cas un boulevard aux critiques de l'opposition, alors que les sondages d'avant-Noël montraient un soutien toujours majoritaire des Français au mouvement.
A gauche, le député LFI Eric Coquerel dénonce un faux-semblant de discussions, "rien de concret" pour les cheminots, alors que "ça fait des mois et des mois qu'ils négocient".
En jouant "l'épreuve de force" et "le pourrissement", le gouvernement "espère à terme que la lassitude des usagers se retournera contre les grévistes", a estimé Thierry Mariani, député européen RN et ex-ministre des Transports, sur BFMTV, brocardant "un ministre parti à Marrakech" et "un président de la République au Fort de Brégançon" alors que "les Français sont dans la galère".
Tous les regards se tournent déjà vers Emmanuel Macron et les voeux qu'il prononcera au soir du 31 décembre après quelques jours passés en famille dans le Var.
La suspension de la réforme des retraites passera par un amendement au budget de la Sécu. Mais le texte comporte de nombreuses mesures dénoncées au PS. « On va se battre pied à pied pour sortir toutes les saloperies qui existent », prévient le patron des sénateurs PS, Patrick Kanner. En interne, certains dénoncent aujourd’hui « l’erreur » d’Olivier Faure, qui a exigé le non-recours au 49-3, au risque de donner « un budget invotable ». « Si la copie est trop injuste, nous voterons contre », prévient la porte-parole du PS, Dieynaba Diop.
Le gouvernement Lecornu II est parvenu à se négocier un sursis, en acceptant de suspendre la réforme des retraites jusqu’au 1er janvier 2028, ardemment réclamée par les socialistes. Une ligne rouge des Républicains, qui ont toutefois décidé de ne pas censurer. Un choix que n’aurait pas fait la sénatrice Muriel Jourda.
C’était attendu, le Conseil d’Etat a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) de Marine Le Pen. La triple candidate à l’élection présidentielle avait promis d’utiliser « toutes les voies de recours possibles » pour contester l’exécution provisoire de sa peine de 5 ans d’inéligibilité prononcée en première instance dans l’affaire des emplois fictifs d’assistants parlementaires RN. Mais elle va devoir attendre la décision de son procès en appel pour savoir si elle pourra se présenter devant les électeurs. Explications.
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