Invitée de la matinale de Public Sénat, la ministre déléguée chargée de l’énergie, Olga Givernet a défendu une hausse des taxes sur l’électricité. La mesure, particulièrement impopulaire, a été supprimée par les députés du projet de loi de finances 2025.
Retraites : l’impact de la crise s’est réduit, mais des sénateurs doutent du retour de la réforme
Par Public Sénat
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Le régime des retraites a finalement un peu limité la casse en 2020. Dans son rapport annuel qui sera présenté publiquement le 10 juin, le Conseil d’orientation des retraites (COR) fait toujours état d’un solde qui s’est « massivement » creusé lors de la première année de la pandémie de covid-19. C’est la conséquence notamment d’exonérations de cotisations sociales et de l’activité partielle, qui a entraîné une baisse des rentrées de cotisations à l’assurance vieillesse. Si le déséquilibre reste considérable, le déficit est sensiblement moins profond que celui calculé il y a sept mois. En novembre, le COR tablait sur -23,4 milliards d’euros (soit 1,1 % du PIB). Ce creux est ramené à -18 milliards d’euros. Avec le rebond de 2021, le déficit pourrait même se réduire à 0,4 % du PIB.
Comme pour le budget général de l’Etat, les chiffres de l’activité révisés à la hausse ont mécaniquement allégé le poids relatif des dépenses de retraite. Elles ont pesé pour 14,7 % de la richesse nationale en 2020. En 2025, elles devraient représenter 13,7 % du PIB : là encore, c’est moins que ce que les projections envisagées il y a encore sept mois. Vu l’ampleur des chiffres, le sénateur LR René-Paul Savary, siégeant au COR, a tendance à voir le verre à moitié vide. « Cela montre qu’il y a un trou important et qu’il sera cumulé d’année en année », redoute le sénateur de la Marne.
« Le covid-19 n’a quasiment pas d’incidence », selon la sénatrice Sylvie Vermeillet
Si l’année 2020 est une année qualifiée d’ « exceptionnelle », le COR anticipe un retour du poids des retraites par rapport au PIB à son niveau d’avant-crise. Au début des années 2030, leur poids devrait même être inférieur, là encore, aux projections établies en novembre. L’explication réside dans la trajectoire démographique calculée par l’Insee. En janvier, l’Institut a révisé à la baisse l’espérance de vie, ce qui améliorera la trajectoire financière des retraites. Contrairement à la surmortalité entraînée par le covid-19, la stagnation de l’espérance de vie qui avait été observée de 2014 à 2018 aura plus d’incidence. « Pour le COR, qui se projette sur l’horizon 2070, le covid-19 n’a quasiment pas d’incidence », souligne Sylvie Vermeillet, sénatrice centriste siégeant elle aussi au Conseil d’orientation des retraites.
Auditionné au Sénat en octobre 2020, avant la seconde vague, Gérard Rivière, le président du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse avait estimé que la pandémie aurait un impact limité sur les dépenses touchant 15 millions de retraités, et qu’il n’y avait « pas urgence » à prendre des décisions. « Ce qui pour moi a de l’incidence dans le rapport, c’est le fait qu’on ait pris l’hypothèse basse de fécondité et d’espérance de vie », insiste la sénatrice Sylvie Vermeillet. « C’est une bonne nouvelle en termes de chiffres sur les projections, mais du point de vue humain, c’est dramatique. » La sénatrice rappelle que les réformes qui se sont succédé ces 20 dernières années « prennent tout leur poids actuellement ».
Suivant les scénarios économiques, la situation pourrait s’améliorer progressivement, le poids des retraites diminuant jusqu’à l’horizon de projection de 2070. Le COR aime voir les choses loin. Mais l’amélioration des comptes ne débuterait réellement qu’à partir du milieu des années 2030. Et le retour à l’équilibre d’ici à 2040 ne se produira qu’à condition que l’Etat garantisse une stabilisation des cotisations et les subventions d’équilibre en proportion du PIB à un niveau de 2020, selon un graphique dévoilé par Les Echos.
Les projections du COR arrivent en tout cas au moment où l’exécutif entretient un certain flou au sujet de la réforme des retraites, à l’arrêt depuis la déferlante du coronavirus en mars 2020. En déplacement dans le Lot, Emmanuel Macron a reconnu qu’il était « trop tôt » pour se prononcer sur la suite – la priorité affichée étant donnée à la reprise d’activité – mais que « rien » n’était « exclu » la concernant. Si ce n’est que la réforme initiale ne sera pas « reprise en l’état ». Le chef de l’Etat avait aussi évoqué la nécessité de prendre des « décisions difficiles », sans préciser lesquelles.
« La France a besoin d’une réforme des retraites », répète Bruno Le Maire
En avril, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire s’était montré plus cash sur la nécessité de réduire le déficit du régime des retraites. « Ce n’est pas Bruxelles qui nous demande une réforme des retraites, c’est la France qui a besoin d’une réforme des retraites pour que son système des retraites par répartition soit financièrement viable. » Invité ce 7 juin d’Audition publique sur les chaînes parlementaires, le secrétaire d’Etat chargé de la Transition numérique Olivier O, avait répondu que la question se posait « évidemment », précisant que la France devait « travailler plus et plus longtemps probablement ». « On sait qu’il va falloir présenter une réforme des retraites. Quand ? C’est au président de la République d’en décider. »
Or, selon Le Parisien, l’Elysée songerait à convoquer une conférence sociale au cours de l’été. Le quotidien rappelle en outre que l’exécutif dispose de plusieurs scénarios, élaborés début 2020, pour une réforme paramétrique, capable de générer des économies rapidement, plutôt qu’une réforme systémique, plus lourde à gérer. La première solution, paramétrique, ne demanderait d’ailleurs qu’à être intégrée au traditionnel projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), examiné annuellement au Parlement en octobre-novembre.
Pour rappel, la droite sénatoriale avait proposé dans ce cadre de reculer de 62 à 63 ans l’âge légal minimum de départ à la retraite à l’automne dernier, pour assurer l’équilibre de la branche vieillesse de la Sécu. Elle savait que son amendement d’appel n’avait que peu de chances de survivre à la navette parlementaire. En réalité, Les Républicains veulent aller plus loin, comme le rappelait Éric Woerth dans Le Figaro. « La tendance des LR, c’est de dire qu’il faut être lucide, et de passer à 64, puis à 65 ans, compte tenu de l’espérance de vie, et du ratio actifs-retraités », détaille René-Paul Savary. « Mais il faut accompagner ce recul de l’âge de départ d’un accompagnement des seniors et d’une prise en compte de la pénibilité. »
L’un des Marcheurs du Sénat, Martin Lévrier, qui aurait dû avoir un rôle clé dans la réforme avortée l’an dernier, estime qu’il faut reprendre une réforme en profondeur, mais « différemment ». « Je maintiens qu’il faut une réforme des retraites sur le long terme, car j’ai trop vu les iniquités que le système représente. On ne peut pas continuer à avoir des femmes qui ont des retraites bien inférieures à celles des hommes, des personnes avec des métiers précaires pénalisés, des régimes spéciaux… », défend le sénateur LREM des Yvelines. « Remettre le métier à l’ouvrage, je ne vois pas en quoi c’est choquant si on prend le temps de le faire. » Une réforme globale, systémique donc, même revisitée, prendra du temps. Et ce calendrier ne doit pas empêcher de lancer une réflexion « sur le paramétrique » (les curseurs d’âge ou de durée de cotisation), selon lui : « Je n’ai pas d’état d’âme. Les déficits ne peuvent pas durer. » Quitte à lancer les paramètres d’économies en premier. « Il faut expliquer que le systémique doit arriver après le paramétrique. »
La perspective d’un recul à 64 ans « révolte » la socialiste Monique Lubin, une autre parlementaire à siéger au collège du COR. Elle considère que la réforme Touraine rallongeant progressivement la durée de cotisation (43 ans en 2032, contre 41 ans aujourd’hui) a déjà montré ses effets dans la population. La perspective de prendre une retraite anticipée avec une décote n’étant pas un bon calcul. « Les gens ne partiront pas avant 64 ans, c’est déjà un fait établi. L’âge de départ à 62 ans va devenir de plus en plus marginal. Si on rajoute d’emblée deux ans, qui va-t-on pénaliser ? Ceux qui sont en âge de la prendre, ceux qui cotisent depuis plus de 40 ans. »
Membre de la majorité sénatoriale, la centriste Sylvie Vermeillet ne goûte pas non plus à l’âge de 64 ans. La sénatrice du Jura fait savoir que le niveau moyen des pensions va, au fur et à mesure du temps, baisser par rapport au niveau de vie des actifs. « La position qui vise à reculer l’âge de départ, pour ces raisons, je n’y suis pas favorable. La classe active n’a jamais autant cotisé par rapport à ce qu’elle va percevoir, et c’est celle qui va percevoir le moins de retraite », alerte-t-elle. « Il faut bien payer les déséquilibres, mais pas n’importe comment. »
Relancer la réforme serait « suicidaire » pour l’exécutif, selon la socialiste Monique Lubin
Côté syndical aussi, plusieurs centrales voient d’un mauvais œil tout changement dans les prochains mois. Lundi, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a estimé que réengager une réforme des retraites dans l’immédiat serait « une folie ». Pour lui, « il n’y a pas de place pour un débat apaisé autour de la question des retraites avant la présidentielle ».
Au Sénat, les clivages s’effacent pour un même constat : les oppositions jugent le moment mal choisi pour remettre sur le dossier des retraites sur la table. « La réforme avait nécessité trois ans de concertation, c’était très long, avec le fiasco que l’on connaît. Une réforme improvisée, d’ici l’échéance de 2022, on peut préjuger que l’accueil sera retentissant », ironise René-Paul Savary, qui estime que la question mérite un « vrai débat de campagne ». « Ce sera un enjeu de la présidentielle, lourd de conséquences ». Sylvie Vermeillet juge pour sa part qu’il « sera très délicat » pour le gouvernement de s’y atteler. « Ce rapport du COR, quel qu’en soit le titre, est plutôt meilleur. On a le sentiment qu’il y a à peine urgence. Est-ce que le gouvernement va se dire que cela peut attendre la présidentielle ? »
La socialiste Monique Lubin peine à comprendre également. « Je pense que ce serait suicidaire. Ce serait un mépris des Français, extraordinaire dans cette situation. L’urgence aujourd’hui, c’est de voir comment tout le monde sort de cette crise. Dans une période comme celle-ci, aller jouer une réforme qui inquiète autant les Français, je trouve cela catastrophique. Le gouvernement ferait mieux de s’occuper de la réforme de la dépendance qu’il avait promise. »
A l’inverse, pour le sénateur Martin Lévrier, l’approche de la présidentielle ne doit « pas empêcher de lancer une concertation ». « Ce n’est pas parce qu’il y a une élection que la France s’arrête. Le gouvernement continuera à travailler. Et si ce n’est pas le même, au moins une partie du travail aura été faite. »