Retraites : « La censure du Conseil ne déséquilibre pas le texte, ça le durcit », selon le sénateur LR Roger Karoutchi
Après la décision du Conseil constitutionnel de valider l’essentiel de la réforme des retraites, c’est le meilleur scénario pour la majorité présidentielle, qui espère tourner la page. A droite, les sénateurs « regrettent » la censure du CDI senior, un apport de la majorité sénatoriale. « Ce sont eux les arroseurs arrosés », pointe le président du groupe PS, Patrick Kanner.
« C’est la séquence qu’on souhaite, et on ouvre ainsi celle de l’après. Le Président et la première ministre ont travaillé à ce scénario-là », confie un ministre
Pour le gouvernement, tout se passe comme espéré. C’est ce qu’un ministre appelle « le scénario central : la loi validée et le RIP qui ne l’est pas. C’est la séquence qu’on souhaite, et on ouvre ainsi sur la séquence de l’après. Le Président et la première ministre ont travaillé à ce scénario-là », confiait jeudi ce membre du gouvernement, qui se projetait sur les différentes hypothèses. De quoi se réjouir pour l’exécutif, d’autant donc que le RIP, qui aurait été « une épée de Damoclès sur la réforme – et nous avec – » n’est pas retenu.
Le même ministre n’exclut pas « des réactions ponctuelles de violence », suite à la décision. « On n’empêchera pas des gens de continuer le match. Il suffit de 20 types pour empêcher un ministre de débarquer d’un train », reconnaît-il. Mais ce ministre « ne croit pas que les syndicats réformistes continueront la mobilisation ». Bref, l’exécutif espère que la mobilisation se tassera, petit à petit.
Reste que pour l’heure, les syndicats ont refusé la proposition d’Emmanuel Macron d’une rencontre mardi. « Retraites : ce n’est pas fini », a réagi l’intersyndicale dans un communiqué. Elle demande au chef de l’Etat « de ne pas promulguer la loi, seul moyen de calmer la colère qui s’exprime dans le pays », et au Parlement de délibérer à nouveau, comme le permet l’article 10 de la Constitution.
« Le véhicule législatif choisi pour porter la loi a été validé, alors que c’était le cœur de la contestation », souligne François Patriat
Au sein de la majorité présidentielle, on est évidemment « satisfait de la décision du Conseil », salue François Patriat, à la tête des sénateurs macronistes. « Le véhicule législatif choisi pour porter la loi a été validé, alors que c’était le cœur de la contestation. Cela veut dire que le droit a été respecté », souligne le sénateur Renaissance de la Côte-d’Or.
« Je constate ensuite que le Conseil constitutionnel censure les amendements des LR au Sénat. Eux qui disent que c’est leur loi, c’est l’index et le CDI senior qui ont été invalidés », pointe François Patriat, qui espère cependant « qu’on les retrouvera dans une loi travail ». Mais il insiste :
« On savait dans le débat sénatorial que certains amendements étaient très limites et pouvaient être des cavaliers sociaux », souligne Roger Karoutchi
A droite, Bruno Retailleau, président du groupe LR du Sénat, a réagi d’un simple tweet. « Je me réjouis car cette réforme est indispensable pour garantir le niveau des pensions, aujourd’hui et demain », affirme le sénateur de Vendée, qui « appelle désormais le président de la République à promulguer rapidement la loi et à renouer le dialogue avec les syndicats, notamment pour que la loi travail soit le fruit d’une vraie concertation ».
« Je n’attendais rien d’autre du Conseil. On savait qu’il n’allait pas censurer l’ensemble. On savait qu’il allait censurer quelques cavaliers. Je le regrette d’autant plus que ce sont des mesures que les LR avaient initiées, notamment pour les seniors », réagit de son côté sur le plateau de Public Sénat le sénateur LR Roger Karoutchi. Selon le premier vice-président du Sénat, « ça ne déséquilibre pas le texte, ça le durcit, car ces amendements (sénatoriaux) étaient destinés à améliorer la situation des seniors dans le monde du travail. Sur les critères de pénibilité, c’était des éléments pour que les gens se disent qu’en cas de carrière pénible, de difficultés, qu’il y a quand même des adoucisseurs dans ce texte », explique Roger Karoutchi, qui reconnaît qu’« on savait dans le débat sénatorial que certains d’entre eux étaient très limites dans un PLFRSS et pouvaient être des cavaliers sociaux. Le Conseil constitutionnel les a rejetés. Cela nous laisse le texte d’origine, brut » (voir la vidéo).
Quant à la lecture de la décision, « en réalité, le Conseil constitutionnel a dit au Président, vous êtes bien aimable, ce n’est pas à nous de décider. On vous dit que juridiquement, ça tient. […] Mais politiquement, socialement, s’il y a des décisions à prendre, c’est à vous, pas à nous de les prendre », décrypte le sénateur LR.
« Les marionnettes, ce sont les LR, qui se retrouvent censurés aujourd’hui » selon Patrick Kanner
A gauche, bien sûr, « nous espérions autre chose », réagit Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, qui « respecte cette décision ». Il pointe cependant que « c’est une porte ouverte à un nouvel affaiblissement du Parlement. Toute réforme peut passer par un PLFRSS maintenant. Le Conseil pense que ce qui a été fait est possible. On a ouvert une boîte de Pandore qui pourra être renouvelable ».
Concernant les articles censurés, que Patrick Kanner appelle « les sucrettes », cela « déséquilibre encore plus le texte, donc le bâton est d’autant plus gros. Certains ont d’ailleurs été voulus par les LR. Ils ne doivent pas être fiers d’avoir servi de marionnette. Qui est la marionnette, qui est le marionnettiste ? C’est le président de la République. Et les marionnettes, ce sont les LR, qui se retrouvent censurés aujourd’hui. Ils ont prétexté que leur soutien aux 64 ans était équilibré par ces cavaliers sociaux. Ce sont eux les arroseurs arrosés, clairement », selon le patron des sénateurs socialistes.
« On savait qu’il y avait un risque. Ce n’est pas pour rien qu’on en a déposé un deuxième RIP »
Quant au RIP qui a été censuré, « on savait qu’il y avait un risque. Ce n’est pas pour rien qu’on en a déposé un deuxième », dit le sénateur PS. Le texte du RIP, qui proposait un maintien des 62 ans, est le fruit d’un compromis entre groupes de gauche. Mais le risque juridique est passé au travers, du moins au début. Patrick Kanner espère maintenant que le second RIP revisité sera validé. Dans ce cas, il faudra ensuite rassembler 4,8 millions de signatures, la prochaine étape. Patrick Kanner prévient :
S’il y a neuf mois pour le faire, l’ancien ministre espère bien atteindre le seuil « avant le 1er septembre », soit quand la loi sera applicable… Ensuite, il reste encore un filtre : le Parlement peut encore se saisir du texte, et théoriquement le rejeter, mettant fin au processus. « Mais qui osera aller contre 4,8 millions de personnes ? » demande Patrick Kanner. En attendant, rendez-vous au 3 mai, date de la décision sur le second RIP.
Guillaume Gontard « forcément déçu »
« Forcément déçu », Guillaume Gontard, président du groupe écologiste du Sénat, pointe également « une décision qui, mine de rien, n’est pas sans importance, car en gros, le Conseil dit notamment que ce qui s’est passé au Sénat, c’est l’utilisation du règlement du Parlement. Donc ça ne nous regarde pas. C’est particulièrement grave, car on a vu une utilisation pour empêcher le droit d’amendement et le débat. C’est un précédent ».
Maintenant, il craint « évidemment » des manifestations violentes. « Mais on a des Français qui ne comprennent pas qu’on aille autant contre leurs intérêts. Il n’y a peut-être pas de problème constitutionnel, mais il y a un vrai problème démocratique », soutient Guillaume Gontard, selon qui « la Ve République est à bout de souffle ». Le sénateur de l’Isère ajoute :
« On ne va pas s’étonner si la colère monte dans le pays » selon Eliane Assassi
« Plus que déçue », la présidente du groupe communiste du Sénat, Eliane Assassi, se dit ce vendredi soir « en colère ». « Je respecte évidemment la décision du Conseil constitutionnel. Ses membres font le droit et rien que le droit. Mais il n’en demeure pas moins que des millions de nos concitoyens expriment leur colère face à cette réforme et je pense qu’il a pris aujourd’hui une responsabilité historique en invalidant simplement quelques mesures de ce texte et en gardant ce qui provoque la colère : le recul de l’âge de départ à la retraite », réagit-elle sur Public Sénat.
Pour la sénatrice PCF de Seine-Saint-Denis, « on ne va pas s’étonner si la colère monte dans le pays, s’il y a de nouvelles manifestations pour exiger le retrait de ce texte. Malgré la décision du Conseil constitutionnel, les Français n’en veulent pas ».
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